Pour les plus jeunes d’entre nous, Bob Morane c’est une chanson d’Indochine, un jeu vidéo, peut-être un roman et quelques albums de BD lus chez un oncle bédéphile. Pourtant, m’est avis que cette nouvelle série de Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray et Dimitri Arman pourrait bien remettre cet aventurier au goût du jour…
L’album s’ouvre sur le procès du lieutenant Robert Morane pour des faits s’étant déroulé en mai 2012, au Nigeria… Alors que le lieutenant Robert Morane y patrouillait comme casque bleu, un enfant en larmes vient le supplier de sauver son père, en passe d’être tué par une bande d’agités. Faisant fi des ordres empêchant des soldats de l’ONU d’intervenir sauf s’ils sont directement menacé, le lieutenant Morane n’écoute que sa conscience et vole au secours du père. Un géant roux d’origine écossaise lui emboîte les pas. Les deux hommes ne se connaissent pas encore mais cet évènement sera le début d’une longue et solide amitié.
Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray amorcent en beauté cette nouvelle et prometteuse série qu’ils abordent avec folle audace et une grande intelligence.
Audace parce qu’ils ont décidé de moderniser résolument le personnage en ancrant leur récit dans un futur proche. Ce faisant, ils font de Bob Morane un aventurier de notre siècle et peuvent puiser le background dans notre histoire et nos tragédies contemporaines. De quoi faire frémir les fans intégristes de l’aventurier né sous la plume d’Henri Vernes en 1953!
Intelligence car les auteurs ont su conserver les lignes de forces qui faisaient le charme des multiples romans et BD qui ont été écrit et mis en image notamment par William Vance… On y retrouve bien évidemment les personnages principaux des romans, avec leur caractères bien trempés qu’on sent poindre sous ces héros en devenir… à commencer par Bob Morane et son esprit chevaleresque et aventureux et ses compagnons de route, de William Balantine qu’il rencontre lors d’un conflit (comme dans le roman) à la journaliste Sophia Paramount… sans oublier miss Ylang-Ylang ou l’Ombre Jaune qui deviendront de redoutables adversaires… Les lecteurs des romans verront ces nombreuses références à l’œuvre originale alors que les autres découvriront à nouveau héros et le suivront dans cette aventure très rythmée.
La structure narrative de l’album est parfaitement maîtrisée, avec un art consommé de l’ellipse et un incroyable sens du rythme… La place omniprésente accordée aux médias dans le récit l’ancre définitivement dans notre époque contemporaine, renforçant sa crédibilité…
Il n’y a guère que le cliffhanger qui laisse apparaître le gros point noir de l’album : pourquoi, mais pourquoi ne pas avoir sorti les deux albums qui forme le premier distique en même temps? Parce là, la frustration est plus que jamais rendez-vous… Les scénaristes sont sans nuls doutes des sadiques rompus à la torture psychologique tant l’attente sera grande d’ici le second tome!
A une histoire de haute tenue, il fallait un dessin de haute tenue. Et le fait est que Dimitri Armand (dont l’excellent
Sykes scénarisé par Pierre Dubois vient de paraître) a fait un formidable travail graphique. Ses personnages sont d’une grande justesse, à la fois fidèle aux descriptions du roman et malgré tout très inventive. Il a su s’affranchir du carcan qu’aurait pu constituer leurs représentations antérieures pour en livrer une version toute personnelle, son Bill Ballantine, colosse écossais puissant et taiseux, s’avérant graphiquement particulièrement réussi.
Au-delà des personnages, son trait réaliste, mis en couleur par
Hugo Facio, s’avère des plus efficace pour faire ressortir la psychologie de chacun des personnages. Son découpage soigné et ses cadrages incisifs mettent remarquablement en scène le récit touffu et dynamique concocté par les deux talentueux scénaristes…
Porté par le formidable dessin de Dimitri Armand, ce premier tome de Bob Morane – Renaissance inaugure une série d’aventure de haute tenue. Avec ce diptyque, les lecteurs pourront suivre la (re)naissance du célèbre aventurier, véritable héros moderne (car, pour paraphraser Hugo, déjà Bob pointait sous Robert).
Mais, pouvait-il en être autrement avec Luc Brunschwig au scénario ? (sans rien enlever au talent de son complice Aurélien Ducoudray)!
Avec cet audacieux reboot, les auteurs font souffler un vent de fraîcheur et modernité sur l’œuvre d’Henri Vernes avec un scénario tout à la fois fidèle à l’esprit des romans et délicieusement iconoclaste… tout en étant, surtout, en tous points passionnant!