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Acculturation par l’argent
Billet d’humeur (morose, l'humeur)


Jamais dans notre beau pays qu’est la France, ou alors c’était il y a très longtemps, la culture n’a été aussi chère. Par culture, je ne parle pas de PES 2008 (ndlr : un jeu de foot virtuel) qui est considéré comme bien culturel (mais les fans s’en réjouissent sans doute puisque d’une part ils peuvent expliquer à leur moitié qu’ils ne sont pas avachis sur le canapé à jouer à la console de jeu mais bien en train de se cultiver, et, d’autre part, cela leur permet de l’acheter à une TVA réduite, culture oblige)… Encore que débourser 60€ pour un jeu vidéo me semble hallucinant… Non, par culture, je parle des bouquins, de l’essai au roman en passant par la BD, du théâtre à la musique, sans oublier le cinéma et les musées.

Pour peu qu’un acteur vaguement renommé joue dans une pièce ou qu’un chanteur mainte fois disque d’or se produise sur scène, il devient difficile au commun des mortels de pouvoir se payer un billet. Quarante euros pour un concert, même exceptionnel, ou pour une pièce de théâtre, même magnifiquement interprétée et mise en scène, peu de personne peuvent se le payer, surtout au vu de l’augmentation croissante et constante des loyers et (des biens de consommation vitaux (eau, énergie et nourriture).

Le prix des places de ciné atteint des hautes sphères éthérées et il n’est pas étonnant de voir des étudiants prolonger au maximum leurs études pour bénéficier le plus longtemps possible de tarifs préférentiels! Idem pour le prix ahurissant des disques surtout quand on connaît la part qui revient aux musiciens… Si on ne peut que blâmer le piratage, les prix exorbitants de ces biens culturels numériques (22 euros pour un CD hors nouveauté, 20 euros pour un DVD, de 45 à 60 € pour une série) expliquent sans doute bien des choses. Certes, le piratage c’est mal et cela nuit gravement à la santé des artistes. C’est un fait indéniable. Mais n’est-on pas arrivé à un système qui marche sur la tête?
Le piratage est interdit mais chaque acheteur payer une taxe sur les supports de stockage numérique. Depuis le 8 Juin (date bénie à laquelle la commission chargée de régulariser la législation française sur les supports externes numériques a fixé les taxes) de votre lecteur MP3 en passant par les CD et DVD vierges (mais ça, ce n’est pas nouveau), sans oublier les clefs USB et disques durs, tout est soumis à cette taxe, que vous payez sans avoir pour autant le droit de copier quoique ce soit (merci Tristan d'Albis)… Si vous êtes un utilisateur lambda et que vous utilisiez votre ordinateur uniquement pour travailler avec des logiciels dont vous avez acquis préalablement la licence (ou des logiciels libres gratuits, vive open office!), qu’importe! Vous payez la taxe comme tout le monde! Vous achetez vos musiques en ligne sur des sites de téléchargement légaux et payant, peu importe, vous paierez quand même une taxe sur le disque dur de votre lecteur MP3… Vous utilisiez votre carte SD pour prendre des photos? La taxe est payée itou…
La loi est d’ailleurs très rigolote : acheter un disque dur externe est taxé. Mais acheter un boîtier externe et y fourrer un disque dur interne ne l’est pas... C’est débile? Ben oui, mais pas plus que cette loi…
Et comment est-elle reversée cette taxe? Au prorata des ventes pour la part reversée à la Sacem! Une taxe supposée aider les « petits » artistes (aucune connotation péjorative, bien au contraire) finance en définitive les Johny Halliday et autre star pailletées… Pour l’anecdote, pour les, concernant le volet sonore, la taxe sera répartie à 50% pour les société d’auteurs (majoritairement pour la sacem), 25% aux société d’artistes-interprètes et 25% aux… producteurs de phonogrammes. Va comprendre Charles…
Mais rassurez-vous, ce n’est qu’un début! La commission statuera bientôt, ô joie!, sur la mémoire des téléphones portables, sur les Dvd type Blue-ray et Hd-Dvd et sur les agendas électroniques et autres organiseurs…Noël promet d’être joyeux…

Mais parlons des livres à présent! Près de 9 euros pour un livre de poche (et je ne parle pas des romans dans leur édition originale qui frise fréquemment avec les 25 euros). Le prix des BD grand format flirt de plus en plus avec les 15€… La Loi Lang interdit de vendre en deçà de 5% du prix éditeur sous prétexte de protéger les libraires indépendants… Mais comment font ils les libraire de BD bruxellois? Bruxelles est l’une des capitales européenne à compter le plus de librairie spécialisée BD au mètre carré. Ces dernières pratiquent des prix de 20% inférieure au prix éditeur sur les nouveauté… Mais comment font-ils ces libraires pour survivre? Sont-ils SDF à faire la manche à la sorite de l’église le dimanche? Que nenni! Certaines librairies ressemblent même plus à des galeries d’art qu’à des librairie de BD? Mais l’Europe s’apprête à homogénéiser tout cela. Ouf!Eh non, car la régulation entraînera une hausse des prix et un alignement de la Belgique (si elle existe encore) sur les autres.
Mais ce n’est pas tout! Le Fisc a imposé à la Fnac de cesser de donner des points adhérents (convertibles ne chèque cadeaux) pour l’achat de livres. Mais mieux encore! Depuis le premier septembre, les chèque livre que de nombreux comités d’entreprises permettaient d’acheter (ce qui conférait environ une baisse de 15%) est lui aussi interdit, car contraire à la sacro sainte loi Lang…Résultat, la bande dessinée n’a jamais été aussi chère, le tout étant renforcé par une augmentation lente et inexorable du prix d’un album… Et ce n’est pas fini : seuls les adhérents (adhésion payante) de la Fnac vont avoir droit aux traditionnels 5% de remise sur les bouquins… Purement et simplement délirant…
Mais l’offensive est aussi lancée sur internet! Car les grandes enseignes (Amazon, Alapage, la Fnac) offraient les frais de port pour leur commande à partir d’un certain montant. Oui mais… Si vous ne commandez que des livres, le rabais ainsi proposé était une atteinte à la Loi Lang. Mais oui, tenez-vous bien! Tenez-vous mieux je veux dire : si Alapage proposait des frais de port gratuits, c’est qu’il vendait ses livres moins chers puisque l’entreprise devait quoiqu’il en soit s’acquitter des frais de port. Résultat, Alapage a été condamné en appel et astreint à supprimer la gratuité des frais de port… Jurisprudence oblige, cette condamnation va faire boule de neige… Dès lors, les librairies en ligne sont elle même menacées puisque le coût d’un livre pour le lecteur va s’en retrouver accru! (et peu importe qu’il habite une zone rurale ou la librairie la plus proche est à plusieurs dizaine de kilomètres, qu’il soit invalide ou dénué de moyen de transport!)

Des livres plus chers, les possibilités de rabais annihilés par l’application stricte d’une loi à l’emporte pièce… Si la Loi Lang a protégé les librairies face aux grandes enseignes, n’est-elle pas en train de le scléroser?
Et comment peux t on pester que les jeunes ne lisent plus quand on voit le prix qu’atteignent les livres alors même que les dépenses vitales ne cessent de croître? Les enfants entrent dans le monde de l’écrit par le livre en tant qu’objet. Lui donner accès à ces livres est primordial pour qu’il devienne lecteur. Quels parents peuvent aujourd’hui offrir à leurs bambin des albums pour enfant de qualité quand leurs prix s’échelonnent entre 8 et 14 euros? Bien sûr, il reste la médiathèque et enfants comme adulte ne manqueront pas de s’y approvisionner en denrées culturelles. Mais y voir une solution à l’envolée des prix et à la baisse du pouvoir d’achat, c’est aussi négliger la relation qui unit le lecteur au livre en tant qu’objet… Et c’est aussi bête que de dire que pour endiguer l’augmentation du coût de l’essence, il suffit de prendre son vélo… Le meilleur moyen d’affronter un problème n’est sans doute pas de l’éluder…

Plus que jamais, la culture devient un produit de luxe, réservé à une élite. C’est bien triste… Et, tel que c’est parti ça n’ira pas en s’arrangeant!

Le Korrigan



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