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Entretien avec Marc Sautriot
entretien réalisé en janvier 2008


Question liminaire : êtes vous farouchement opposé au tutoiement ? (si non, ça m’arrange, si oui, je me ferais violence !)
Ah ! Grosse question… Il se trouve que je suis issu d’une famille hautement respectable et respectée, qui ne connaît pas la deuxième personne du singulier. Je suis donc fortement tenté d’aller dans votre sens, pour votre plus grand soulagement, de nous en tenir au vouvoiement.
Cependant, il se trouve également que je suis un vrai chieur et un rebelle, et donc je vais me lâcher rien que pour vous emmer… euh… embêter (il faut que je tienne mon langage, il y a peut-être des âmes sensibles et des jeunes parmi vos lecteurs !), et donc, j’ai décidé de te tutoyer !!!

Pouvez-vous en dire un peu plus sur vous (parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse.)?
Mais avec plaisir… Après être né par un beau jour de septembre 1973 (voui, je suis vieux, merci de ne pas insister sur ce point !), j’ai grandi (et oui !!!) et je suis entré en petite section de maternelle, à l’école Montier la Celle, à Saint André les Vergers, près de Troyes-dans-l’Aube. Montier la Celle qui était un abbé du… Mais je dévie peut-être un peu du sujet. La maternelle donc… Il faut peut-être que j’aille plus vite ? Bon, d’accord, je passe à l’essentiel.
J’ai suivi un parcours scolaire « classique » qui s’est miraculeusement terminé en juin 1991 par l’obtention d’un bac C, arraché de justesse au rattrapage… Après ça, ne voulant pas être traumatisé par une classe prépa avec laquelle ma fainéantise avérée était hautement incompatible, je me suis inscrit en fac de sciences pour passer un DEUG A. Mais je me suis rapidement aperçu que je n’étais pas vraiment fait pour cette voie. Moi, mon truc, c’était de lire et de raconter des histoires. Je me suis donc inscrit en sciences éco… Tu ne vois pas le rapport ? Mais je vais te le dire moi, le rapport : il est pécuniaire ! Combien de « conteur d’histoire » (romancier, auteur de BD et autres) vivent de leur plume ? Très peu.
Il me fallait donc faire quelque chose de concret en rapport avec mes capacités : l’administration me paraissait être un bon choix. Et donc, je me suis inscrit en sciences éco. Au bout de 4 ans, j’ai décroché ma maîtrise. Après ça, il y a eu les concours administratifs, ma nomination à un poste de secrétaire administratif à la préfecture de Metz pour finir aujourd’hui responsable des finances et de l’administration dans un centre communal d’action sociale. Ca en jette un. Là, je te sens impressionné.
Je te rassure tout de suite, c’est pas super fun ! Heureusement, parallèlement à ça, j’ai longuement pratiqué le jeu de rôles, dès le collège. Jusqu’au lycée, on jouait au moins une fois par semaine avec mes amis d’enfance. Après, ça a été plus dur de pratiquer à cause de notre éclatement géographique lié aux études. Durant cette période, je me suis mis à consommer beaucoup de BD. Le lien entre les deux, ça a été l’écriture.
En fait, puisqu’on parle des passions, je crois qu’on peut dire que ma vraie passion, c’est raconter des histoires. Le jeu de rôles m’a plu parce qu’il consiste à raconter des histoires avec des copains. Mais le « truc » naturel, pour raconter des histoires, c’est d’écrire. Et donc, à côté du jeu de rôles, j’ai écris des nouvelles. Et lorsque les possibilités de jouer ont diminué, je me suis reporté d’autant plus sur l’écriture : écriture de scénarios de jeu de rôles, mais aussi de nouvelles, de romans et… de BD.
En marge de l’écriture, j’ai tout un tas de centres d’intérêts : je m’intéresse beaucoup à la criminalistique et aux enquêtes criminelles ; et depuis tout gamin, j’ai toujours été attiré par les civilisations anciennes, en particulier la civilisation égyptienne. Et puis il y a la musique : j’adore écouter des musiques diverses et variées, depuis les opéras de Wagner jusqu’à Metallica en passant par Roxette, Queen et Jean-Jacques Goldman ; mais j’aime aussi chanter mes chansons favorites en les accompagnant si possible au piano ou à la guitare, mais ça fait un bail que je n’en ai pas trouvé le temps (de m’accompagner avec un instrument ! Pour ce qui est de chanter, ça va, au grand désespoir de mon entourage…).
Bref voilà, j’ai pas été trop long ? J’ai répondu à la question ? C’était quoi déjà ?
Ah oui, j’ai pas donné mon numéro de carte bleue. Zut, je ne l’ai pas sur moi. La prochaine fois peut-être… Quant au compte numéroté en Suisse, achetez un gros stock de ma BD, allez suggérer à Steven Spielberg de l’adapter en série TV, et ensuite, je pourrais peut-être envisager d’en ouvrir un… smiley

Quand et comment es-tu tombé dans la marmite du jeu de rôle?
Eh bien, lorsque j’étais à l’école (et encore maintenant), ma maman travaillait dans une bibliothèque, et j’ai donc eu la chance d’avoir un accès illimité (ou presque) aux livres. Je ne sais pas d’où me vient le goût de la lecture, mais tout gamin, j’ai commencé par lire énormément, Oui-Oui pour commencer, puis le Club des 5 et tous ces classiques pour enfants. Il y a eu également les BD, à commencer par Tintin et Astérix bien sûr, mais aussi Michel Vaillant, les Schtroumfs, Alix, les Petits hommes et plein d’autres choses (toutes les BD de la bibliothèque en fait !). Jusqu’au beau jour de 1983 ou 1984 (pardonnez ma mémoire défaillante de vieillard…) où j’ai découvert un livre publié par Gallimard dans la collection Folio Junior, qui s’intitulait : « Le sorcier de la Montagne de Feu ». J’ai ensuite dévoré tous ces livres d’un genre nouveau appelés les livres dont on est le héros jusqu’à découvrir une nouvelle série légèrement différente : L’œil Noir. Je suis alors tombé dans la marmite d’un truc bizarre : le jeu de rôles. On était en 1984 je crois, j’étais en 5ème, et je venais de découvrir un moyen extrêmement plaisant de pousser plus loin mon envie de raconter et de vivre des histoires, chose que je ne faisais jusque là qu’en dessinant des fresques héroïques.

Si vous deviez en quelques mots définir le JdR à votre grand-mère, que lui diriez-vous ?
Trop tard, c’est déjà fait !!! ;)
Mais bon, en gros, j’ai dû lui dire un truc du genre : « Tu vois, mamie, ce que je fais, c’est un peu comme de la Comedia Del’arte… euh… du théâtre d’improvisation si tu préfères. En fait, l’un des joueurs, qu’on appelle le maître de jeu, écrit le début d’une histoire et décrit certains des personnages qui vont intervenir dans l’histoire. Et les autres joueurs endossent le rôle d’un personnage, un peu comme au théâtre, sauf qu’on ne met pas de costume et qu’on n’a pas de jeu de scène. A la place, on se met tous autour d’une table et on va se contenter de raconter ce que font les personnages de l’histoire. Les joueurs vont donc imaginer ce que feraient leurs personnages dans la situation décrite par le maître de jeu, et ensuite celui-ci improvise la suite de l’histoire, à laquelle vont devoir réagir les joueurs. Et ainsi de suite. Ca a l’air compliqué comme ça, mais en fait, c’est très simple. Tu veux essayer ? »

Quel est en ce moment votre JdR de chevet ?
Je n’en ai aucun. Enfin si, je dois finir de lire le dernier supplément de COPS, « Endgame », mais sinon, il y a un moment que je n’ai pas lu de JdR. Ceci dit, il y a longtemps que je veux acheter, pour le plaisir de la lecture uniquement, Te Deum pour un massacre. Et puis j’ai entendu dire qu’une nouvelle édition de Polaris allait sortir, ce qui est une excellente nouvelle. Je pense donc que je l’achèterai.

Dans le JdR comme dans la vie, il y a des bons et des mauvais souvenirs… Quels sont vos meilleurs et vos pires souvenirs de parties de jeux de rôle?
Ouh la la… dans les meilleurs souvenirs, il y a ces longues parties de Warhammer qu’on avait organisées pendant les vacances d’été, plusieurs années de suite. On commençait vers 14h, et on jouait quasiment non-stop jusqu’au lendemain soir, 18h, lessivés mais heureux. Ca nous a permis de faire des parties d’anthologie, des trucs vraiment forts.
Les pires souvenirs, je n’en ai pas vraiment. Probablement parce que les parties les plus minables étaient justement tellement minables que je les ai oubliées !!! smiley
Ceci dis, en réfléchissant bien, je me souviens maintenant d’une partie avec des copains de fac. C’était la première fois que je jouais avec d’autres personnes que mes amis d’enfance, et je m’étais dis que ça pouvait être sympa. Une partie de Maléfices si je me souviens bien. Une horreur : le MJ était calamiteux, les autres joueurs ne pensaient qu’à déconner. Bref, l’ambiance était loin de ce que j’imaginais pour une partie de Maléfices. C’était plus un gag qu’autre chose.

Comment de joueur êtes vous devenu auteur?
A force de gratter des aides de jeu, des scénarios et de m’impliquer fortement dans la mailing list Prophecy, j’ai attiré l’attention de Thomas Féron, le directeur de la gamme, et juste avant Pâques 2002, j’ai reçu un message de sa part me demandant de la contacter. Ce que j’ai fait immédiatement bien sûr. Et là, il m’a demandé si j’étais intéressé d’écrire dans son équipe. Evidemment, je me suis fait pipi dessus, j’ai dis oui, et on a longuement discuté de tout ça…

Pouvez vous en quelques mots nous faire le pitch du JdR Cops?
Je ne vais pas me fouler et vais reprendre grosso modo la formule de Geof : jouer à COPS, c’est incarner un flic d’élite à Los Angeles en 2030.
Le truc, c’est qu’en 2030, la Californie est une République indépendante depuis 4 ans, qu’elle a attiré tout un tas d’illuminés persuadés que la fin du Monde va commencer à LA très prochainement (depuis un tremblement de terre qui a fait pas mal de dégâts en 2018), et qu’en parallèle, tout un tas de criminels venus des quatre coins des Etats-Unis, devenus fascistes et ultra sécuritaires, ont décidé que la Californie en générale et LA en particulier était pour eux une terre d’asile. Tout ça donne beaucoup de travail aux joueurs qui peuvent mener des enquêtes très diverses, le tout dans une ambiance à mi-chemin entre les films du genre « Die Hard » et les séries comme « The shield », « Boomtown », « NYPD Blue », « The Closer » ou encore « 24 » (oui, je sais, ça fait un sacré mélange !!!).

Es-tu toi même un grand consommateur de séries ?As-tu une série à conseiller en particulier?
Je ne sais pas si on peut dire que je suis un « gros » consommateur de séries, mais il est vrai que j’en suis un certain nombre. Disons que tout au long de l’année, je regarde 2 à 3 séries par semaine, que je peux voir sur le satellite. Récemment, j’ai suivi « Desperate housewifes » saison 3, et là, j’apprécie bien « Dirt ». J’ai aussi rembrayé avec « 24 », même si je trouve que la série a perdu de son intérêt et que les ficelles y sont toujours plus grosses saison après saison. Mais bon, je regarde quand même. Mais surtout, en ce moment, il faut regarder « The closer », qui est une excellente série policière.
Sinon, dans celles que je conseillerais, il y a « Dexter », « Cold Case », « The Shield » et « NYPD Blue ». Récemment, j’ai également découvert « Nip/Tuck » qui est excellente, sans parler de « Rome » ou encore de « Deadwood », même si la 2ème saisib de cette série m’a un peu déçu. Et puis je reste un accro de « Urgences » ou encore « FBI portés disparus », sans parler de « The X-Files », que je regarde en DVD et dont je n’ai toujours pas vu la fin. Enfin, j’avais adoré « Boomtown », dommage que cette série ce soit arrêté en si bon chemin…


Comment est né le projet d’adapter l’univers de Cops en BD?
L’idée est née petit à petit, alors que l’on approchait de la fin de la saison 2 du jeu. J’avais envie de raconter des histoires dans l’univers de COPS, plus longues et plus détaillées que ce que me permettaient les scénarios que je pouvais écrire pour le jeu. Et en parallèle, je voyais bien que nombre de joueurs présents sur la mailing list « COPS-JdR » réclamaient une suite au roman de Charlotte. Je savais, pour en avoir discuté avec Geof, qu’il était hors de question que Asmodée publie d’autres romans, c’était économiquement irréaliste pour la maison d’édition. Ces éléments ont mijoté quelques temps et on fini par percuter mon envie de faire de la BD. Et là, je me suis dit : « Pourquoi ne pas faire une BD COPS ? Après tout, ça permet de faire sauter l’objection économique, puisqu’on ferait éditer la BD par un éditeur de BD, qui lui, peut s’appuyer sur un public beaucoup plus vaste que le petit monde du jeu de rôles. Et surtout, ça permet de développer visuellement l’univers de COPS. Du coup, les joueurs et les MJ pourront utiliser la BD comme support visuel de leurs parties. Non seulement le projet BD me paraissait beaucoup plus réaliste qu’un roman, mais en plus il avait un avantage conséquent, celui d’être visuel.

Comment cela se passe-t-il au niveau des licences?
Tout bêtement : j’ai commencé par demander son avis à Geof Picard, alors responsable de la gamme, qui m’a aussitôt soutenu et m’a garanti que Asmodée ne m’embêterait pas avec les histoires de droit. Et lorsque le projet a effectivement abouti chez Delcourt, Asmodée a tenu ses engagements et nous a cédé la licence COPS. Une fois encore, je ne peux que les en remercier.

Elabore-t-on, un scénario de BD de la même façon qu’on élabore un scénario de jeu de rôle? Penses-tu qu’il existe une école du JdR?
Non, pas du tout. Un scénario de BD, c’est un peu comme un scénario de film, c’est très structuré. Il n’y a pas de place pour l’improvisation, tout est millimétré. L’histoire doit être répartie sur un nombre fixe de pages, et chaque page est découpée en cases pour lesquelles le scénariste décrit le visuel et les dialogues.
Un scénario de jeu de rôles est beaucoup plus libre, il n’y a pas de véritable contrainte d’écriture sinon le nombre de signes lorsque le scénario est destiné à être publié dans un ouvrage. Il n’y a pas véritablement de règles, chaque auteur a sa technique : certains sont plutôt littéraires et écrivent souvent de grands paragraphes de prose qui tend à décrire dans ses grandes lignes l’histoire que le MJ va devoir faire vivre aux joueurs. D’autres auteurs sont beaucoup plus « carrés » et vont aller à l’essentiel, en décrivant la situation de départ, les objectifs du scénario, les points de passage possibles, les PNJ…
Quel que soit le style d’écriture en tout cas, s’il y a bien un point commun à tous les scénarios de jeu de rôles, c’est que contrairement à la BD, le scénariste lui-même ne sait pas comment l’histoire va se terminer, puisque cela dépend des interactions entre le MJ et les joueurs.
Ecrire une BD et écrire un scénario de jeu de rôles sont donc bien deux exercices de style différents, que j’apprécie tous les deux.

Qu’entends-tu pas « une école du JdR » ?



©Guy Delcourt/Sautriot/Sarchione/Briclot
Storyboard de Erwan Le Saëc


Eh bien de nombreux scénariste de BD ayant tâté du JdR et je me demandais si le fait d’avoir été rôliste pouvait les avoir aiguisé leur capacité de conteur d’histoire…
C’est vrai que ces dernières années, et surtout ces derniers temps, plusieurs auteurs de JdR se sont mis au scénario de BD, comme Julien Blondel par exemple, qui a sorti récemment plusieurs excellents titres comme Akademy et les Orphelins de la tour pour ne citer que ces deux séries. A l’inverse, il y a également des auteurs qui ont réalisé ou fait réaliser un jeu de rôles tiré de leur série BD, parce qu’ils étaient rôlistes et avaient envie de donner le possibilité de jouer dans leur univers. Ca a été le cas de Lanfeust, dont le JdR a été écrit par Eric Nieudan, avec l’aide de Pat et Chris. Et récemmenten discutant avec Emmanuel Roudier, auteur de Néanderthal et Vo’houna, j’ai découvert qu’il était rôliste et avait lui-même écrit un jeu de rôles tiré de Vo’houna.
Mais je ne pense pas qu’il y ait une « école du JdR », et encore moins que le fait d’avoir été rôliste puisse jouer sur la capacité de raconter des histoires. En fait, le mécanisme est à mon avis inverse : si des gens comme Julien et moi sommes arrivés à la BD, c’est parce que dès le départ, on a cette volonté de raconter et de faire vivre des histoires à une audience ou à un lectorat. Comme je le disais tout à l’heure, c’est pour moi la motivation première. Après, il y a différents médias pour arriver à cette objectif, et ils ont chacun leur intérêt. Le jeu de rôles a ce mérite d’être vivant et d’être joué « en société ». C'est-à-dire qu’on ne reste pas seul dans son coin et qu’on construit une histoire à plusieurs. Je trouve cela extrêmement positif comme jeu, infiniment plus que la plupart des jeux pratiqués aujourd’hui seul devant son écran, et souvent en opposition aux autres joueurs. Le jeu de rôles, ce n’est pas chacun pour sa peau, on construit en groupe.
J’arrête là ma digression et je reviens à la BD. Le fait d’avoir été MJ n’a pas spécialement d’impact sur la manière dont j’écris un scénario de BD. Ce sont deux médias très différents. Au bout du compte, à force de pratiquer l’un et l’autre, on aiguise certes nos techniques, mais je ne pense pas qu’il y ait d’interactivité entre ces deux activités.

Peux-tu en quelques mots nous lancer le pitch de la série?
C’est le même que celui du JdR !!! Ou presque… smiley
Los Angeles, 2031. La Californie est indépendante depuis 5 ans. Des tas de tarés de tous bords continuent d’abonder à LA, persuadés depuis le tremblement de terre majeur de 2018 que le Big One est pour bientôt et aura lieu dans la « nouvelle Babylone » comme l’appellent les conservateurs américains. Par ailleurs, depuis la sécession, nombre de criminels fuient les USA et trouvent refuge à LA. Une unité spéciale de police a été créée pour soutenir les services traditionnels face à cette criminalité croissante : le COPS.
Dans ce cadre, la série propose de suivre les pas de Martin Baker et Greg Colinas, détectives au COPS, mais aussi de Kim Benson, substitut du procureur de LA en charge des affaires du COPS, et de Alex Stanton, chef d’équipe au SID, la police scientifique de LA.



©Guy Delcourt/Sautriot/Sarchione/Briclot


LA BD sera-t-elle, à l’instar du jeu de rôle, bâtie comme une série TV?
Tout à fait. D’ailleurs, lorsque j’ai présenté mon projet à Delcourt, il était bâti en « saisons » comme les séries TV ou le JdR. Par la suite, David Chauvel, qui supervise la réalisation de COPS, et moi avons discuté du concept de « saison » par rapport aux différentes séries qu’il était sur le point de lancer dans le cadre de la collection Impact, notamment Watch. Et en définitive, on s’est aperçu que la notion de saison n’était pas nécessairement très lisible pour une série BD. Et donc il n’est pas fait mention de « saison » sur la couverture des albums.
Néanmoins, ça ne change rien à l’esprit de la série, dont le contenu évoluera comme une série TV : il y aura des histoires principales qui se dérouleront sur 2 albums, et des intrigues de fond (les histoires particulières de chaque personnage, des affaires qui se profilent au départ pour se concrétiser plus tard…) qui se dérouleront sur des périodes plus longues, formant ainsi des cycles ou « saisons ».



©Guy Delcourt/Sautriot/Sarchione/Briclot
Storyboard de Erwan Le Saëc


Comment s’est montée l’équipe de la BD? Comment avez vous trouvé le scénariste et le coloriste qui vont mettre en scène votre histoire?
Tu veux dire le DESSINATEUR et le coloriste !!! ;)

Voui, c’était bien ça… oups…

C’était pour voir si je suivais, c’est ça !!! smiley

Tout à fait! (si, si... euh... je te sens sceptique... euh... tes paupières sont lourdes... je vais compter jusqu'à trois et à trois tu es convaincu...1...2...3...)
Hein… quoi ? Ah oui, le choix du dessinateur et du coloriste. Comme tu le vois, je t’écoute très attentivement !!!

En fait, le choix du storyboarder, du dessinateur et du coloriste sont intervenus alors que le projet avait déjà bien avancé. Lorsqu’il a été accepté par Delcourt, on m’a demandé de le préciser, puis de développer une première intrigue (qui a d’ailleurs été mise de côté pour plus tard). Dans le même temps, David Chauvel a commencé à prospecter au niveau des artistes disponibles. Assez rapidement, il m’a proposé de travailler avec Erwan LeSaëc, un ami à lui avec lequel il a réalisé de nombreux albums, pour réaliser le storyboard de l’album. Dans le même temps, on nous a proposé plusieurs candidatures pour le dessin. La première que j’ai eue me plaisait bien mais ne convenait pas à l’image que je voulais développer pour COPS. C’est en fait la troisième candidature qui a été la bonne : Antonio avait le coup de crayon qu’il me fallait, et il a tout de suite accroché avec l’univers de COPS. On a fait quelques essais et on a vite été convaincus que c’était l’homme de la situation.

Le coloriste a été le dernier à rejoindre l’équipe ; le choix était moins urgent. Là encore, la candidature nous a été transmise par Delcourt, et j’ai eu la chance de trouver immédiatement un coloriste de talent, Lou. Au départ, j’étais sceptique, car je sais que de nombreux jeunes dessinateurs pensent que colorier avec un ordinateur, c’est facile. Et du coup, il y a beaucoup de BD qui sortent aujourd’hui avec des couleurs qui font « informatique ». Il n’y a aucune finesse, et je regrette profondément les couleurs « à l‘ancienne ». Ceci dis, j’ai pu constater qu’il y a également des coloristes de talent qui arrivent à faire un travail remarquable à l’ordinateur, à tel point que parfois, je ne sais pas si c’est de la couleur informatique ou si c’est de la couleur « à l’ancienne ». Lou a relevé le défi et m’a montré depuis que j’ai eu raison de lui faire confiance.



©Guy Delcourt/Sautriot/Sarchione/Briclot
Storyboard de Erwan Le Saëc


Comment s’est déroulé le travail, du synopsis à la planche finalisée, en passant par le rough, l’encrage et la colorisation, comment s’est organisé le travail autour de ce premier tome?
Sur le tome 1, l’organisation a été un peu particulière, car les choses se mettaient en place, et parfois, le calendrier a été un peu bousculé pour des raisons de disponibilité des uns et des autres. Ce qui fait que j’ai commencé à écrire le scénario directement alors même que je n’avais écrit qu’un synopsis « large », qui n’était en réalité qu’un résumé de l’album. J’ai ainsi écrit une dizaine de pages destinées à effectuer des tests avec le storyboarder puis avec le dessinateur.
Tandis que les tests se déroulaient, j’ai attaqué l’écriture du synopsis détaillé, dont le but est de définir toute l’histoire de A à Z et de vérifier que tout va tenir en 46 planches. Sauf qu’entre temps, nous avons recruté Antonio, qui était également en train de bosser sur une autre BD, « Fédération » t.2. Or, peu après qu’il a rejoint l’équipe COPS, il s’est soudainement retrouvé disponible et a proposé de commencer à bosser sur la BD. Et du coup, il a fallu que j’avance en même temps sur le storyboard ET sur le scénario. Du coup, on s’est retrouvés dans une sorte de course où il fallait que j’abatte des pages de scénario pour que le storyboarder puisse bosser et donner de quoi faire au dessinateur. Ce qui fait qu’on a réalisé une petite moitié de l’album à ce rythme.

Après, les choses se sont recalées, j’ai pu finir le storyboard du tome 1 et celui du tome 2 plus tranquillement. Lorsque tout ça a été validé, j’ai pu passer à l’écriture du scénario des deux albums. Pendant ce temps, Antonio avait repris son autre BD, ce qui a permis à Erwan d’avancer sur le storyboard. Et lorsque le story a été terminé, Antonio a pu enchaîner avec ses crayonnés puis les encrages des planches, ce qu’il faisait en général par groupe de trois planches. Enfin, Lou est entré dans la danse alors qu’Antonio en était à la moitié de l’album.
Pour les tomes à venir, nous aurons un rythme de travail plus structuré. Le synopsis ayant été gratté à l’avance, j’ai pu écrire le scénario et le transmettre à Antonio longtemps à l’avance. Actuellement, il a commencé le storyboard, et en parallèle, il réalise quasi immédiatement les crayonnés et l’encrage va suivre. Lou est déjà « en alerte » et enchaînera avec la couleur.
Voilà en gros comment ça se passe…

Coulisses : Cops T1
Découvrez les coulisses de « Crash sur South Centra », premier tome de la série COPS, dérivée du jeu de rôle éponyme…


Quand pourra-t-on lire le premier album?
Si je ne m’abuse, la sortie est prévue pour le 23 janvier 2008.

Comment te sens-tu à près d'un mois de la sortie de ce premier tome?
Je ne sais pas trop comment le dire… Disons que j’en suis à me demander si j’ai la gastro, vu l’épidémie qu’on a actuellement, ou si c’est l’angoisse de la sortie de la BD. Ceci dis, ça commence à durer, alors bon…
Donc voilà, c’est un mélange d’angoisse, d’impatience, d’excitation… J’ai hâte d’y être, maintenant. Lorsque l’album sortira, cela fera 2 ans et demi que je bosse dessus, alors ça fera un peu comme un accouchement après une longue grossesse : ce sera un mix entre le soulagement et la fierté de voir enfin son bébé au grand jour.

Mènes-tu d’autres projets en ce moment ? (BD, JdR ou autre !)
Oui, j’ai toujours la tête pleine de projets ! Pour ce qui est du JdR, avec la fin de COPS, j’ai arrêté d’écrire. Il y a deux raisons à cela : tout d’abord, c’est que le projet de BD COPS m’a pris beaucoup de temps, et continue de m’en prendre. Pour l’instant, je ne suis pas scénariste à plein temps car il faut bien que je fasse vivre ma famille. J’écris donc sur mon temps de loisirs qui n’est malheureusement pas extensible ! Donc je me consacre à 100% à la BD COPS. La seconde raison, c’est que Prophecy et COPS ayant atteint leur fin, j’ai automatiquement cessé d’écrire pour le jeu de rôles. Si j’ai écris dans des bouquins de jeux de rôles, c’est avant tout parce que j’étais passionné par ces jeux que je pratiquais, et que je voulais participer à leur développement. Aujourd’hui, il n’y a plus de jeu de rôles en cours de développement qui m’attire ; il n’y a donc aucune raison pour l’instant pour que je postule en tant que pigiste de JdR comme je l’ai fait avec plaisir depuis quelques années.
Pour ce qui est de la BD en revanche, j’ai de nombreux projets. Certains sont déjà très anciens (plus de dix ans) et remontent à la période où je m’essayais à l’écriture de nouvelles. D’autres sont plus récents. Quoi qu’il en soit, dans l’immédiat, il y a au moins 3 projets que j’aimerais développer en plus de COPS. Mais comme je le disais, mon temps n’est pas extensible, il me faudra donc encore patienter un peu avant de pouvoir travailler dessus. Si j’arrive à prendre suffisamment d’avance sur mon dessinateur, il se pourrait bien que j’écrive l’adaptation d’un opéra que j’adore, et que j’ai commencée il y a quelques années. Par la suite, on verra si je trouve le temps d’adapter une nouvelle lofecraftienne que j’ai écrite pour le concours du jeune écrivain en 1997 ou 1998, ainsi qu’un projet beaucoup plus personnel que j’ai eu à la même époque, mais qui ne s’est jamais concrétisé. Une histoire inspirée par mes relations avec mon meilleur ami alors que nous étions étudiants, auxquelles je vais greffer une histoire de psychopathie chez l’un des persos, ce qui évidemment doit déboucher sur un beau drame psychologique bien noir. C’est un truc qui me tient beaucoup à cœur. A l’époque Je voulais l’écrire sous forme épistolaire, avec mon ami justement. Je n’ai jamais eu le temps de mettre ça en place, j’ai laissé l’histoire mûrir. Et avec le temps, je me dis que là encore, la BD sera un meilleur média pour faire ce que je voulais avec cette histoire. Je vais donc encore la laisser mûrir un peu, mais j’espère bien pouvoir mettre ça en place prochainement.

Peux-tu nous parler de tes derniers coups de cœur (ciné, bd, romans, zique…)
Ouh là… Tu sais, tout ça, ça demande du temps. Et quand on est père de famille (j’ai la joie d’avoir 2 magnifiques petites filles de 5 ans et demi et 2 ans et demi), le temps nous est compté… Le cinéma, je ne sais même plus ce que c’est. Et je ne me souviens même plus du dernier film que je suis allé voir. Je me souviens avoir eu envie d’aller voir Zodiac, et le dernier Harry Potter avant ça… Mais ça ne s’est pas fait. Bref, je suis condamné à regarder les films sur Canal ou en DVD. Mais bon, ces derniers temps, si j’ai apprécié pas mal de films (comme le Labyrinthe de Pan tout récemment), il n’y a rien qui m’ait vraiment marqué côté cinéma.

La BD… j’ai encore plein d’albums à lire qui m’attendent sur une étagère… Ces derniers mois, il y a eu pas mal de très bonnes choses. Parmi elles, je citerais en particulier Hel, avec un graphisme réaliste sublime ; RG, dont je n’ai pas trop aimé le dessin mais qui a un scénario excellent ; Genetiks, avec un dessin « photo » pas forcément toujours au top, mais avec une histoire sur les dérives scientifiques (ça parle du décodage de l’ADN humain et de l’exploitation commerciale qui peut en être faite) qui monte tout doucement en puissance, qui prend le temps de s’installer, et qui est vraiment excellente ; Le complexe du chimpanzé, des mêmes auteurs, beaucoup plus réussi graphiquement, tout aussi réussi au niveau du scénario même si là, on tape plus dans l’histoire grand public (il ne s’agit pas là d’une remarque négative, bien au contraire), très agréable ; et puis tout récemment, il y a le Siegfried d’Alex Alice, très beau, très bien écrit.
Le soir, je lis beaucoup moins qu’à une époque, mais j’arrive quand même à me maintenir à deux bouquins par mois, essentiellement des romans, souvent des polars. J’ai bien aimé le dernier Harry Potter, nettement meilleur que le précédent, que j’ai trouvé un peu poussif. Petit à petit, je dévore également les polars de Michael Connely, notamment la série des Harry Bosch ; mais c’est surtout The poet, avec un autre héros, qui m’a marqué jusqu’ici.
Enfin, côté musique, c’est un peu comme le ciné, je suis pas mal à la ramasse. Ces derniers mois, j’ai été pas mal marqué par Evanescence, que j’ai découvert très très tard, après la sortie de leur 2ème album (qui est apparemment leur troisième en fait, mais bon…). C’est ma femme qui m’a parlé d’eux, en me demandant ce que j’en pensais. Du coup, j’ai commencé à faire attention à eux, et depuis, j’ai acheté les deux albums studios et le live, et c’est ce que j’écoute le plus quasiment, avec le dernier album de Muse qui est un véritable bijou. Voilà en gros…


©Guy Delcourt/Sautriot/Sarchione/Briclot/Lou
Storyboard de Erwan Le Saëc


Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Euh… « Combien je vous dois pour cette interview ? »… smiley

C'est vrai qu'une bonne thérapie n'est efficace qu'en échange de monnaies sonnantes et trébuchantes... Comment pourrait-on faire? Tiens, une idée : quand vous venez à Strasbourg pour une séance de dédicace, vous m'en ferez une avec votre comparse dessinateur! (voui, j'avoue, les dédicaces c'est un de mes -nombreux,snif- pêchers mignons)

Ah, je vois que tu connais bien les fondamentaux essentiels de la psychanalyse !!!
Mais tu m’as mal compris : la question, ce n’est pas moi qui la pose, c’est celle que tu vas me poser dans quelques instants !!!
C’est bien pour ça que je ne la pose pas smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, voici un portrait chinois à la sacue imaginaire…
Si tu étais…
Aïe ! Les questions à 100 balles auxquelles j’ai toujours 100 réponses… Mais bon, je vais essayer de me limiter…
Un personnage de cinéma : Euh… James Bond. Intelligent, fort, beau, séduisant, avec toutes les nanas que je veux dans mon lit (tu montres cette interview à ma femme, tu es mort !).
Une créature mythologique : Une créature ? On peut mettre un Dieu ? Allez, je décide que oui. J’aimerais bien être Zeus, le mec méga puissant qui tombe toutes les nanas qu’il veut. Bon, il se fout souvent sur la gueule avec sa femme à cause de ça, mais comme tous les hommes quoi !!! smiley (il me semble l’avoir déjà dit : tu montres cette interview à ma femme, tu es mort !)
Un personnage de BD : Largo Winch, juste pour avoir autant de pognon et de femmes à mes pieds (tu montres cette interview à ma femme…). Mais sans les emmerdes, ce serait mieux !!!
Un personnage biblique : Je ne suis pas branché « Bible », mais pour ce que j’ai pu en lire, il n’y a pas vraiment de personnage dont je sois fan. Faut dire que je ne suis pas du tout versé « morale chrétienne »… Ceci dit, il y a bien des personnages comme Benjamin (celui qui a été vendu par ses frères) ou Samson qui me sont sympathiques.
Un personnage de roman : Ouh… en fait, si je pense à mes romans préférés, je m’aperçois que la plupart des héros sont des tarés, des névrosés, des niais, des débiles… rien de bien reluisant, et donc personne que je voudrais être !!! A la limite, il y a Jack McEvoy, le journaliste spécialisé en affaires criminelles héros du bouquin dont je parlais tout à l’heure, The poet. Il est à peu près équilibré, ce n’est pas un fouille merde, en même temps, il fait son boulot à fond, et en prime, il couche avec une nana canon (tu montres cette interview à ma femme… ah, oui, c’est vrai, je l’ai déjà dis tout à l’heure !!!).
Un personnage de théâtre :Je n’aime pas les pièces de théâtre. Le théâtre est un genre qui ne me plait pas, c’est trop caricatural par nature. Du coup, je n’accroche pas. Et donc je ne voudrais pas être un personnage de théâtre, car tous sont trop caricaturaux !
Une œuvre humaine : La pyramide de Kheops ou le temple de Ramses II à Abu Simbel. Magnifiques !
Une recette culinaire: Un poulet tandoori. Une pizza. Un hamburger maison. Un bon couscous. En fait, je ne sais pas… je crois en fait que je n’aimerais pas être mangé, donc finalement, je n’aimerais pas être une recette !
Un personnage de JdR : J’aimais beaucoup mon perso de JB007, Thomas Mitchell, un agent de Sa Majesté plutôt beau gosse, intelligent, machine de combat... Mais ça ne vous cause pas, évidemment. Sinon, aucun en particulier…

Un dernier mot pour la postérité?
Euh… voyons, faut que je sorte un truc profond… hum hum… ah oui, ça, c’est pas mal :
VIVE LE QUEBEC LIBRE !!!

Ah merde, ça a déjà été dit !

Bon, bein… euh... Allez, ça, ça doit être pas mal :

« Une nouvelle série BD fantastique sort le 23 janvier 2008. Elle est super géniale et il faut absolument l’acheter. Ca s’appelle COPS. Foncez la réserver chez votre libraire !!!! »
Voilà… smiley

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé! Plein de bonnes choses pour cette première BD!
C’est moi qui te remercie. Et tu reviens quand tu veux.



©Guy Delcourt/Sautriot/Sarchione/Briclot
Le Korrigan