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Entretien avec Christophe Boyer
entretien accordé aux SdI en février 2008


Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi (parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse.) ?
Et bien je m’appelle Christophe Boyer, j’ai 37 ans, 3 enfants. J’ai commencé ma carrière professionnelle comme salarié dans une agence d’Assurances, deux ans après j’ai racheté ma première agence UAP en haute Savoie au Fayet à côté de Chamonix. J’ai ensuite racheté une seconde agence à Cluses et j’ai géré le tout pendant 10 ans avec une équipe de collaborateurs performants. J’ai tout envoyé ch… sur un coup de tête : une grosse engueulade avec un ponte d’Axa puisque l’Uap a été racheté par Axa entre temps. Je suis parti faire de la gestion de patrimoine sur le secteur d’Annemasse/Genève pour la banque Postale et ma compagne qui arrivait au terme de son congé de maternité m’avait dit vouloir recommencer à travailler à domicile pour pouvoir continuer à s’occuper des enfants. J’ai alors eu l’idée de la VPC car nous j’avais été pionnier de la vente en ligne de contrats d’assurances et je commençais à avoir une bonne expérience du marketing sur internet. On a donc mis 5000€ pour créer une structure et acheter un petit stock uniquement constitué de jeux de rôle. On a crée une boutique sur ebay pour tester le marché et commencer à se constituer un fichier client. J’ai donc travaillé 2 ans et demi à la banque Postale alors que Marielle s’occupait de la VPC, je m’occupais du marketing le soir en rentrant, le week end et les vacances. En 2 ans et demi d’activité, nous sommes arrivé à un seuil critique ou Marielle ne pouvait plus gérer seule. J’ai donc décidé de franchir le pas et de quitter mon travail pour me lancer dans Ludocortex à temps plein. On a déménagé pour trouver un local plus grand et développer une activité boutique physique, on a trouvé des investisseurs qui ont injecté des capitaux conséquents dans la société pour donner un coup de boost à son développement. 6 mois après, nous avions réalisé le chiffre d’affaires de l’année et la tendance laisse penser que nous ferons plus du double du prévisionnel.

Mon, petit doigt m’a dit que tu étais tombé dans la marmite du JdR… Comment as-tu découvert ce loisir ?
Ton petit doigt voit juste smiley
J’ai commencé avec D&D la boite rouge en Anglais, puis AD&D avec ses livres toujours en Anglais, puis les traductions ont commencées à arriver. Mon premier scénario de l’Appel de Cthulhu a été une grande baffe et un tournant dans ma vie de roliste.

Si tu devais expliquer à ma grand-mère ce qu’est le jeu de rôle en quelques mots, que lui diriez-vous ?
Je n’ai jamais réussi à expliquer d’une façon claire le concept d’un jeu de rôle je me rappelle qu’au collège un ami m’a demandé pendant un an comment on jouait aux jeux de rôle et qu’après un an d’explication, il n’avait toujours pas compris… Tu comprendras que je n’ose même pas essayer de l’expliquer à ta grand-mère ! Je lui dirai simplement : Si tu as du temps libre, si ca t’amuse toujours de faire des coups tordus à Papi : Essai !

Quel sont ou quels ont été tes jeux de rôle de chevet ?
Actuellement je fais jouer Cops (depuis 2 ans) pour lequel on a essayé de mettre un peu la main à la pate lors de l’élaboration du dernier supplément « Endgame » (merci Geof). Ce jeu est sensationnel, c’est le plus abouti tant au niveau du système de jeu qui du back-ground. Je meurs d’envie de faire jouer Patient 13 et je masterise une énorme campagne D&D dans les royaumes oubliés en stand bye depuis un an faute de temps.

Quels sont tes meilleurs et tes pires souvenirs de JdR ?
Lorsque j’etais ado, notre groupe de joueurs avait mis en place ce qu’on appelait « le chalet ». Tous les étés, nous partions 15 jours dans un chalet d’alpage sans eau courante, sans électricité. Ces 15 jours etaient consacrés aux jeux de rôle. Chacun montait avec ses livres de règles, ses scenarios préparés de longue date et accessoirement avec un peu de savon et de bouffe. Les 15 jours étaient rythmés par les parties. Si on finissait un scenario à 10h du matin, et bien on allait se coucher à 10h du matin. On se reveillait à 17h pour le petit dej’ on recommençait à jouer, en fait on ne faisait que ça. C’était un truc mythique, ça a duré une quinzaine d’année et de temps en temps on refait un « chalet », mais ca dure moins longtemps, c’est dans une maison avec tout le confort et ça reste beaucoup plus raisonnable. Le pire souvenir, je n’en ai pas qui me vient à l’esprit.



Avec le temps, de nombreux rôlistes abandonnent leur passion première, trop chronophage, pour des loisirs qui le sont moins… Bon nombre d’entre eux deviennent des ludopathes invétérés… Comment as-tu rencontré les jeux de société, je veux parler des jeux qui s’éloignent des traditionnels Monopoly, Mille Bornes et autre Bonne Paye?
C’est tout simplement la boutique de Jdr du coin qui proposait aussi des jeux de plateau. Un jour on a essayé et ça a beaucoup plus donc on a continué en jouant tout de même beaucoup plus aux jeux de rôle. Ces jeux etaient Formule dé, blood bowl, suprematie, civilisation. L’aspect chronophage du jeu de rôle est un élement clef dans la problématique du Jdr. Il convient bien lorsqu’on est jeune, étudiant, célibataire, sans enfant. Mais dés lors qu’on vie en couple, qu’on a un boulot, des enfants, tout devient compliqué. On court après le temps tout le temps. Il faut arriver à s’organiser, à préparer les scenarios, à mettre tout le monde d’accord sur une date, à faire avec les annulations de dernière minute, les enfants ou la conjointe qui tombe malade, un coup de bourre au boulot etc… Ca devient vite tellement compliqué et prise de tête qu’on fini par baisser les bras. Personnellement, je n’ai plus joué depuis aux jdr depuis 4 mois. Je bosse jusqu’à 70 heures par semaine, je viens d’avoir un 3eme enfant. J’ai essayé de faire le forcing et de poser une date de partie en me disant qu’on moins ça me forcera à préparer le scénario et à prendre le temps de jouer. Résultat : j’ai stressé pendant 15 jours parce que je ne trouvai pas le temps de préparer le scénario, j’ai bâclé la préparation la veille, et la partie a été expédiée car je ne me sentais pas à l’aise et j’étais crevé. Je pense que tout va se calmer un jour et que je vais pouvoir reprendre le jdr. Par contre, lorsqu’on se retrouve à 4 amis pour un apéro, et bien on peut se permettre de sortir une boite de jeu et faire une partie qui dure une heure. C’est beaucoup plus simple, ça peut s’improviser, ça ne nécessite aucune organisation, aucune préparation.



Outre Rhin, le jeu de société est bien plus développé que chez nous et de nombreux titres sont disponibles en grande surface. En France, lorsqu’on explique autour de nous qu’on joue régulièrement à des jeux de société, on a souvent droit à un regard interloqué,… Qu’est-ce qui explique selon toi ce fossé culturel vis à vis du jeu de société?
Je fais toujours le parallèle entre le marché de la BD en France et le marché du jeu en Allemagne. Il y a encore peu de temps, en Allemagne, lorsque tu parlais de BD, tu avais droit à ce regard interloqué... et les gens assimilaient la BD à un loisir pour enfant. Quelle a donc été le facteur déclencheur en France pour que la BD se démocratise ? Et bien dans les années 70, un commercial employé par un editeur de BD a eu la bonne idée d'essayer d'implanter des BD dans des rayons de grandes surfaces. Le succés a été fulgurent et le nombre de grande surface proposant un rayon BD s'est multiplié. En quelques temps à peine, la BD rentra dans les moeurs. Les éditeurs ont grossi, ils ont vite eu les moyens de faire de l'hyper segmentation, c'est à dire découper leur marché en fonction d'un nombre important de socio-style pour proposer à chacun un type de produit adapté et vraiment fait pour eux. Le marché de la BD pour adulte a explosé. Il faut bien avoir conscience qu'à cette époque, le marché en France était marginale par rapport au reste du monde.

Et bien il a dû se passe en Allemagne un phénomène assez similaire pour les jeux. J'ai été assez agréablement surpris de voir lors du dernier salon d'Essen en Allemagne, plusieurs générations de joueurs (le petit fils, le père et le grand père) arriver ensemble et s'asseoir autour d'une table pour jouer. Mais pas de n'importe quelle table... pas autour d'une table de monopoly ni même autour d'une table de colons de catane ou d'aventuriers du rail, non, autour d'une table de Tribun ou Agricola... Les derniers jeux, plutôt destinés aux geeks en France...Le fossé entre la France et l'Allemagne existe, il tend à se refermer, mais il est encore béant.

Si tu échouait sur une île, outre le femmes et le pastis (dixit Brassens), quels jeux tenteriez vous de sauver du naufrage pour passer d’agréables moments sur une île en compagnie des autres rescapés?
Je ferai 50/50 entre le jdr et le jeu de plateau puisque j’imagine qu’on aura du temp sur l’ile ^^
Alors pour le jdr, je prendrai bien entendu Cops, D&D, Patient 13 et il y a Orpheus qui m’intrigue et que j’aimerai découvrir un jour.
Côté jeu de plateau c’est simple : j’adore les jeux de gestions donc Puerto Rico, les princes de Florence, Caylus, l'Année du Dragon et j’ai toujours eu un faible pour Formule dé. Rien de très original. Si je devais restreindre le choix vers un jeu à deux, je prendrai Mr Jack qui vient de remporter le International Gamers Award.

En quelle année avez vous fondé Ludocortex? Centré au départ sur le jeu de rôle, Ludocortex s’est ouvert au marché du jeu de société. Quelle est aujourd’hui la part de chacune de ces activités? Côté vendeur, perçois-tu un intérêt croissant pour le jeu de société en France et un déclin du JdR?
On a lancé l’activité en 2003 avec une distribution uniquement en VPC et depuis 2006 une boutique physique sur Annecy. Les deux activités s’équilibrent car nous avons une très forte notoriété chez les rolistes. Il y a une explosion des jeux de plateau en France. Celle-ci ne ternie pas les Jdr. Il faut bien comprendre que le marché du Jdr baisse, le nombre de joueurs reste important. Le problème vient du fait qu’on n’est pas sur une économie de marché traditionnel pour le Jdr. On peut avoir beaucoup de joueurs et très peu d’acheteurs. Je vois de plus en plus de joueurs acharnés qui n’achètent plus rien : il créent leur propre jeu. A contrario, je vois des gens qui n’ont plus le temps de jouer et qui achètent des livres pour le plaisir de les lire.



N’a-t-il pas été difficile de s’imposer sur ce marché du jeu par correspondance où de nombreux acteurs sont déjà en place? N’est-ce pas un handicap de ne pas avoir de boutique dans le monde réel ?
C’est gentil de me dire qu’on a réussi à s’imposer smiley
Je pense que nous avons encore beaucoup à faire pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, mais nous avons la satisfaction de progresser plus vite que ce que nous avons envisagé lors du lancement. Pour la seconde partie de la question, je ne peux pas vous répondre puisque nous avons une boutique physique smiley
Oups… effectivement… Passons rapidement à la question suivante… smiley
Ludocortex organise régulièrement des soirées jeu au Repaire, un bar restaurant de Annecy. Pourquoi avoir mis en place ces soirées ludique et quel genre de public attirent-elles?

Et bien on a lancé ce type de soirée pour s’amuser. On en savait pas du tout ce que ca allait donner et puis on a été agréablement surpris de voir un engouement immédiat. Le nombre de participants augmente, on vient de doubler le nombre de soirées (2 par semaine depuis la semaine dernière : le Vendredi et le mardi soir). Bien entendu, ces soirées nous ont permis de faire connaître la boutique, mais surtout de mieux connaître ce que nous vendons. La société nous prend énormément de temps et demande beaucoup de boulot. Si il y a bien un point sur lequel on s’est trompé, c’est sur le nombre d’heure de travail hebdomadaire… On se laisse vite absorber et à notre grand désarroi on ne trouve plus le temps de jouer, ce qui est un comble ! Les soirées au repaire nous oblige à fermer à 19h et on se réserve au moins notre soirée jeu une à deux fois par semaine. C’est là qu’on apprend de nouveaux jeux et qu’on est au contact des joueurs pour mieux cerner leurs attentes.

En tous cas un grand merci pour le temps, sans doute précieux, que tu nous a accordé !

Le Korrigan