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Entretien avec Paul Marcel
entretien accordé aux SdI en novembre 2008


Avant de commencer, êtes vous farouchement opposé au tutoiement?
Sans soucis camarade! Je suis pour la paix des coeurs et contre la flagellation.

Merci !
Je t'en prie, c'est avec grand plaisir et si tu n'es pas enrhumé je te serre même la main avec joie.

Tout d'abord un grand merci de te prêter au petit jeu de l'interview...
Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi (Parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse)…

Je suis né à Toulon en mars 65. J'ai grandi dans une cité populaire, entre les batailles de marrons, les courses de carrioles et les tournois de foot. Là je me suis forgé un solide imaginaire où les armures en carton seraient enfin à l 'épreuve des marrons et des coups d'épées en bois, les carrioles dotées de système abs avec des pistes sans ronces et les tournois de foot sans touches ni cages...
Du coup je me suis mis à lire des bd ,faire des numéros de catapulte avec ma carte bleue et empiler avec dextérité les uns sur les autres petits suisses nature (ce dont j'avoue avoir mon compte aujourd'hui).
Tout ceci m'a tout naturellement amener à vouloir devenir « dessinateur »... De quoi je savais pas trop et ce « désœuvrement » a duré quelque peu jusqu'en maîtrise d'arts plastiques.

Quel lecteur étais-tu enfant ? Quels étaient alors tes dessinateurs favoris?
Un lecteur de bd avant tout. La bd est entrée tôt dans ma vie. Mon père lisait beaucoup de petits formats, je n'ai d'ailleurs pas souvenance de l'avoir vu lire autre chose (hormis des SAS dont j'ai pu mesurer ,quelque temps plus tard -autour de l'adolescence il me semble- la formidable portée documentaire des couvertures).
C'est ainsi que « Rémi et Colette »se sont adjoint les secours de Blek, Archie le robot ou autres Janus Stark pour parfaire mon exemplaire scolarité.
Puis vint dans la maisonnée Strange. Ce fut une révélation. Il y avait dans ce monde de brutes épaisses et promptes aux jets de marrons et dribbles en tout genre des êtres supérieurs en tous points; plus forts ,plus rapides et plusieurs.
Une admiration durable(et sans fond pour mon argent de poche) est née. Kirby, Colan, Ditko, Buscema et Birne prirent l'entrepas d'autres Daudet et La Fontaine.

Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse?
Oui et Non, mon rêve de gosse avant toute chose c'était de faire dessinateur, ce qui en soit ne veut rien dire, mais à toute sa raison d'être pour le gamin que je suis encore, la BD s'est révélée être le meilleur des médias sur le tard ,autour de maintenant quoi.
J'ai toutefois tenté de commencer une carrière assez tôt en créant une galerie de super héros et vilains que je soumis aux éditions Lug...
Et ils ont eu la sage idée de me laisser longuement murir.


Projet de couverture du tome 1
© Paul Marcel / Delcourt


Quels sont pour toi les grandes joies du métier de dessinateur?
Faire des zoulis dessins.

et quelles en sont les grandes difficultés ?
Faire de jolis et sérieux dessins.


En mars 2006 paraît le don, premier tome du Malvoulant scénarisé par Eric Corbeyran. Comment est né ce projet?
J’ai contacté mon ami d'enfance Marc Moreno afin qu'il me présente à Eric. Je lui ai montré quelques planches d'une courte histoire fantastique fin 19ième ainsi que le départ d'une histoire d'anticipation. Il a retenu l'ambiance fin 19ième et écris le Malvoulant.

Combien de temps s’est écoulé entre l’esquisse du projet et sa publication?
Longtemps! J'avais une tout autre activité fin 2002 (infirmier libéral) au moment où j'ai proposé mes projets à Éric, activité que j'ai poursuivie jusqu'au tome 2.
J'ai eu le Synopsis du Malvoulant en juin 2003 et la machine s'est mise en branle lentement (imaginons le premier diesel antédiluvien)jusqu'en février 2006 .

Qu'est ce qui t'as intéressé dans le scénario écrit par Eric Coryberan?
L'ambiance : le synop avait du secret, du mystère (même pour moi, je n'ai su le fin mot de l'histoire que dernièrement) et du fantastique; de quoi faire du clair et de l'obscur comme je les aime.

Serait-il possible de voir les planches de l’histoire courte que tu lui avais soumise? (désolé, je suis un incorrigible)
Avec grand plaisir.

le Très Pas
Histoire courte dans une ambiance fantastique signée Paul Marcel.


Youhou! Merci!
De rien je suis une âme généreuse...Rends moi ma main tout de même smiley.


Qu’est ce qui t’attire dans le XIXième siècle? Comment as tu abordé le travail sur le don? Quelles ont été par exemple tes sources documentaires?
Ce qui m’attire dans le XIXème siècle? La machine à remonter le temps de Wells... J'aimerais faire un tour dedans :).
Plus sérieusement et de façon Générale : le raffinement dans tous les Arts.
Plus particulièrement les Préraphaélites (nan ce n'est pas une secte) les symbolistes français, les illustrateurs français et anglais , les débuts de la photo (ah le noir et blanc!) et bien entendu le roman fantastique.
Pour ce qui est du premier tome, ce fut quelque peu laborieux, car étant sans réelle expérience de la bd j'ai dû me forger une technique de travail et n'étant pas forgeron ce fut assez bwordélique (mais vraiment bwordélique).
Ceci étant dit je savais que l'ambiance sous laquelle je traiterais le sujet serait sombre et bien heureusement j'ai pu m'éclairer de l'abondante documentation que Corberyan m'avait gracieusement fourni... et puis Google est ton ami aussi ,hein Google, wééé c'est mon bon Google ça
allez coucher ménan, coucherrrrr!!

Comment s’est organisé le travail avec Eric Corbeyran?
Fort simplement: il écrit et je dessine... hinhinhinhin

smiley Serait il possible, pour une planche donnée, de voir les différentes étapes de réalisation d'une planche, du découpage d'Eric Corbeyran au rough en passant par le crayonné, l'encrage et la mise en couleur?
Bien sûr!
Coulisses de l'album
Découvrez les coulisses de la série le Malvoulant à travers des travaux de recherche absolument magnifiques... Vous y découvrirez en outre la genèse d'une planche...


Ta mise en couleur est à la fois particulière et saisissante. Quelles techniques utilises tu pour arriver à un tel résultat?
Je n'ai pas de technique à proprement dite, je travaille sous photoshop par ambiance chaude ou froide selon les séquences avec au grand maximum cinq calques (un pour l'ambiance,un pour les couleurs) je regarde beaucoup les illustrateurs fin 19ème,tous les Préraphaélites également et bien sûr et par-dessus tout Richard Corben ,bien meilleur et plus grand qu'Otomo (n'en déplaise à l'ami Marc Moreno).


©Delcourt / Paul Marcel


Comment as-tu élaboré l'apparence des personnages principaux de cette série? Serait-il possible de voir les éventuels travaux de recherche?
J'en ai un peu discuté avec Corbeyran et mis à part le bouilleur de cru, les personnages se sont très vite imposés à moi; une photo fin 19ième me donna pour Clément le look que je recherchais avec cet air étrange de page british. Le portrait venimeux du couple de l'Herbaudière vînt tout aussi naturellement :pour le comte, j'ai pensé au Robert Mitchum de « la nuit de chasseur » de Laughton (un des enseignants emprumpte par ailleurs sa figure
dans le premier tome ) et pour la comtesse ,une bonne tête de vipère me semblait évident. Pour Firmin Boucard, ce n'est qu'après avoir vu « Gangs of New York » de Scorsese que Happy Jack (John c Reilly) s'est révélé être le bon bouilleur de cru.
Chacun d'eux a pris un tour plus naturel (surtout la comtesse) lors de la conception de tome un pour finalement s'éloigner du « casting » original.

Dans quel environnement travailles-tu lorsque tu t'atèles à la planche à dessin? Silence monastique, musique de circonstance, autre?
En règle générale j'écoute de la musique (toutes les musiques ,du classique à l'acid jazz) mais je suis pas du genre à mettre la bo des Hauts de Hurlevent pour me mettre au boulot. Ceci étant dit si on me paye la semaine dans le Cornwall ça me va aussi.

Comment abordes-tu un nouvel album? Dessines-tu de façon chronologique ou par séquences en fonction de ton état d'esprit du moment ou de tes envies?
Je commence par une lecture, relecture, rerelecture du scénario avec annotations en marge (organisation basique des strips: telle case avec telle case etc) .C'est le moment où je commence à vraiment me faire mon cinéma mental ;puis viens le dessin du rough proprement dit au format de l'album avec insertion des bulles, c'est une étape fondamentale où j'essaye d'être le plus précis possible sur les ambiances lumineuses ,les jeux de raccord de plan et plus que tout autre la mise en scène de la planche (il arrive que je change des choses au moment de la finalisation lorsque j'ai loupé la séance du cinéma).
J'envoie le tout à Éric et mon éditeur et une fois que tout le monde est d'accord je commence par le début le nez dans le guidon jusqu'à la fin (mais parfois et comme je suis un grand fantasque je m'accorde la liberté de dessiner une planche qui me titille vraiment). Jusqu'ici la mise en couleur numérique ne s'est faite qu'à l'issue de la réalisation de l'album sur papier, mais je me fais violence sur le tome trois pour essayer de travailler par lot.


©Delcourt / Paul Marcel


Justement, ce tome trois, quand donc est-il prévu?
...courant 2009.

As-tu d'ores et déjà d’autres projets en perspective?
Je travaille sur une adaptation de Poe par Corbeyran pour la collection Exlibris de
Delcourt « le scarabée d'or ». C'est passionnant.

Quels sont tes derniers coups de cœur (ciné, bd, roman, musique, etc…)
« In Bruges » de Martin McDonagh, un pur régal de drame comique, « Une nuit chez Kipling »de Jean-Louis Le Hir ,le genre d'histoire qui me fait adoré ce média qu'est la BD, « The road » de Cormac McCarthy dont je me réjouis qu'il soit adapté prochainement au ciné, pour la musique j'ai un durable coup de coeur pour l'album « Trouble-fête « d'Arthur H que j'écoute le plus souvent possible.

Y-a-t-il une question que je n’ai pas posé et à laquelle tu souhaiterai néanmoins répondre ?
Veux tu que je te passe les clefs de ma machine à remonter le temps?


Autoportrait


Pour finir et afin de mieux te connaître, voici un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


Un jeu traditionnel : Les osselets.
Un personnage de cinéma :J'hésite ente James West et Indiana Jones.
Une créature mythologique : La Méduse.
Un personnage de BD :Den... Bon ok ma réponse est quelque peu phantasmatique...
Un personnage biblique : Moïse, le coup de la mer rouge ça le fait trop quand même.
Un personnage de roman : John Silence.
Un personnage de théâtre : Dom Juan... Ok bon alors Den et c'est mon dernier mot.
Une oeuvre humaine: La machine à remonter le temps (et si elle existeuuuuu).
Une recette culinaire: Tagliatelles à l'encre de seiche.
Une boisson : Bigre, un Chardonnay Gaja et Rey évidemment.

Un dernier mot pour la postérité?
Alla salute.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
C'est à moi de te remercier et surtout de te féliciter de ton
extrème patience :)


©Delcourt / Paul Marcel



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