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Entretien avec Vincent
Entretien accordé aux SdI en Novembre 2009


Tout d'abord un grand merci de te prêter au petit jeu de l'interview... Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi? ( Parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse)…
J'ai fait un bac art appliqué ( architecture, design... ) puis ensuite une école de dessin classique, avec une formation de réalisateur en image de synthèse. Puis je suis parti dans le jeu vidéo, Kalisto exactement une entreprise de jeu vidéo Bordelaise. Puis ensuite Héliovision production ou j'ai réalisé des habillages en 3D pour la chaine Fox kids. Puis ensuite Doki denki pour du jeu vidéo et notamment plusieurs adaptation de Winnie l'ourson et tous ses potes en 3D pour du jeu vidéo, play station, game cube, X box ...

Quel lecteur étais-tu enfant ? Quels étaient alors tes dessinateurs favoris?
Un grand lecteur de BD avec pas mal d'albums qui provenaient ou bien de chez mes grands parents, ou bien de mon père qui était abonné plus jeune à Spirou. Du coup j'ai grandi avec des personnages de BD qui n'étaient pas forcément de ma génération. Moustache et Trotinette de Calvo, Gil jourdan, Spirou de l'irremplaçable Franquin, Jijé, Hubinon et charlier, TinTin, Quick et Fluke, Johan et Pirlouit.

Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse?
Oui, mais ce rêve était en rude concurrence avec l'aéronautique. Finalement c'est une ophtalmo et mes yeux qui ont décidé pour moi. Le dessin au début m'a aussi permis de combler cette frustration en faisant mes premières planches de bd 'à la manière' de Buck Danny. Je dessinais des avions et ça me donnai l'impression d'y être. Cela n'a duré qu'un temps parce que finalement on a toujours les fesses sur un tabouret et rien de vaut un vrai cockpit !

Quelles sont pour vous les grandes joies du métier de dessinateur?
Le côté aventurier au propre comme au figuré ainsi que la grande liberté de vie que cela apporte. Je me rends compte que plus le temps passe et plus j'aime follement cette liberté. Avoir toujours mille projets dans la tête, avancer sur plein de choses diverses et variés, et de dire que la vie s'annonce bien trop courte !
Sinon autre partie très heureuse : les repérages. Partir avec son carnet de croquis, son appareil photo et aller chercher la documentation sur place. Notamment quand c'est pour dessiner des avions ! On fait des rencontres extraordinaires, parfois on fait aussi des p'tits vols dans de chouettes machines.
J'aime bien aussi les repérages comme pour Capucine, ou j'ai profité de vacances en famille à vélo à sillonner Belle Ile avec de quoi s'imprégner de la Bretagne.

En janvier 2006 paraissait Shangaïé, premier tome de la série Albatros dont tu signes dessins, couleurs et scénario... Du rêve de gosse à sa concrétisation, comment as-tu sauté le pas?
L'entreprise dans laquelle je travaillais allait licencier des personnes pour alléger la masse salariale. Je savais que je n'étais pas concerné, et que j'allai remettre rapidement le pied dans différentes productions. Après quelques longues soirées de réflexion, et une ou deux nuits un peu agitées, j'ai décidé de sortir du cocon du salariat et je me suis porté volontaire pour faire parti des futurs élus au chômage.
J'ai profité de ce moment pour monter mon dossier, démarcher les éditeurs et lancer d'autres projets comme aviateurs, des illustrations pour le Cycliste, des rubriques illustrés et de la BD pour Aviasport, Dassault Magazine, Air France Cargo... Bref essayer de rendre les choses viables sans me faire croire que publier une BD était l'unique solution pour vivre.
Aujourd'hui avec la production importante de titres, les albums ont une vie très courte surtout pour des jeunes auteurs débutants ou en devenir, du coup multiplier les travaux et donc les appuis me semble être un bon moyen pour vivre raisonnablement de ce métier. J'y vois un autre avantage qui est de se faire une expérience graphique. Pour avancer dans son travail, son trait, sa mise en scène, il faut beaucoup  produire. Nos illustres aînés publiaient tous dans des journaux de BD à l'époque, ce qui leur permettait de faire leurs armes. La « contrainte » de temps et d'univers différents à traiter et revenant tous les mois par le biais de revues différentes de la BD est intéressante car elle oblige à laisser aller sont trait et à trouver un compromis entre une rapidité d'exécution et une efficacité du propos qui me sert de « laboratoire » pour des « productions plus durables » comme un album de BD. Et puis ça dégourdit la tête ! Je serai incapable comme certains auteurs de ne travailler que sur un seul univers ou une seule histoire. Les projets se nourrissent les uns, les autres, et me permettent aussi de travailler avec des gens qui ne sont pas forcément du monde de la BD et donc pas acquis à la cause. Arriver à faire quelque chose qui les touches ou les fait rire est un beau challenge et une chouette école pour apprendre.

Comment est née cette série au dessin si envoûtant? Qu'est ce qui t'as donné envie de raconter cette histoire? Un hommage à Baudelaire et au rêve de voler?
Effectivement il y a l'amour, mais c'est avant une parabole sur ce que je vivais à l'époque dans ma vie professionnelle qui roulait bien, qui était bien confortable, qui me plaisait bien car intéressante techniquement et humainement, mais qui m'éloignait un peu de mes rêves d'enfant. J'étais sur des rails comme mes petites danseuses de cabaret qui pourraient vivre une vie « protégée » dans leur univers. Finalement une envie d'aller voir ailleurs, de devenir acteur de son destin d'accepter de découvrir des choses pas forcément complètement maitrisées, et surtout de rester ouvert à l'aventure.
Sortir des rails c'est aussi s'exposer au vide. Le vide c'est intéressant on peut le voir comme l'ennui, mais c'est quelque chose qui s'organise qui génère l'envie de créer, c'est un peu comme une page blanche, on peut en devenir acteur et le remplir à sa guise.
Pour en revenir aux jeux vidéo à cette époque ( 2005 ) la part créative se réduisait considérablement et l'avenir se construisait  sans cesse sur des imitations de  projets ' Blockbuster'. Finalement c'était le marketing et sa « tyrannie » qui orientait les productions. En plus je commençais à avoir des responsabilités qui m'éloignaient de l'artisanat pur. 
Après tout on n’a qu'une vie et on est dans une société qui finit par nous donner une certaine illusion d'immortalité. Il faut travailler, acquérir un certain confort, bref rentrer dans un certain moule. L'achat d'une voiture, d'une maison ou d'un écran plat à vite fait de vous faire oublier l'essentiel.
Comme je suis très attaché aux rêves je préfère que ce soient eux qui guident ma vie, même si parfois ce ne sont pas des choix faciles. Au final le goût de la vie est assez incomparable.

En 2007 paraissait Petites chroniques des nuages, premier tome d'aviateur, suivit de Fréquence 123.5, co-signé avec Gil Roy et édité chez Cépaduès. Comment est née l'idée de raconter ces petites chroniques des pilotes du dimanche?
Je dessinais pour une revue aéronautique : Expérimental ( aujourd'hui disparue et qui a déposé le même jour le bilan que l'entreprise ou je finissais mon préavis après ma candidature spontanée au chômage. J'ai été récupéré par la revue Aviasport et je me suis remis à produire une planche par mois ainsi que des illustrations . Comme il commençait à y en avoir un certain nombre et qu'avec Gil nous sommes tous les deux plongés dans l'aéronautique, nous avons décidé d'unir nos travaux. Lui en tant que journaliste aéronautique et moi en tant que dessinateur de p'tits mickey. Chose amusante nous avions été tous les deux pilotes dans le même aéroclub au Sud de Lyon. On s'en est rendu compte par la suite.
©Vent d'Ouest / Vincent


Venin de village, premier tome de l'Ecole Capucine, scénarisé par Djian vient de paraître chez Vent d'Ouest. Comment est née cette série et qu'est ce qui t'as donné l'envie de travailler avec Djian?
Régis Loisel m'avait proposé un projet ou il était en coscénarisation avec Jean Blaise Djian.  Régis ayant déjà pas mal de productions en cours a finalement décidé de ne pas poursuivre, mais nous a proposé de continuer tous les deux avec Jean Blaise quitte à suivre ça de l'extérieur. Jean Blaise ne souhaitait pas poursuivre le scénario tout seul car c'était leur idée en commun. Coïncidence, Glénat m'a fait passer dans le même temps un scénario de Jean Blaise disant que Vents d'Ouest avait ce scénario en réserve depuis pas mal de temps et qu'il pouvait m'intéresser. Je l'ai lu et j'ai rappelé Jean Blaise tout suite.
Comment as-tu abordé cet album? Tu parlais tout à l'heure de repérages... Peux-tu nous expliquer comment ces derniers ont contribué à la réalisation des décors de l'album? (Est-il éventuellement possible de voir quelques photos que tu as pu prendre pour mieux comprendre ton travail de création?)
La Bretagne est un lieu que je connais assez bien car j'y ai passé toutes mes vacances depuis tout petit. cela représente  3 semaines par an et ce pendant une vingtaine d'années , j'en suis assez imprégné. Plus jeune j'y ai fait beaucoup d'aquarelles de bateaux d'après nature. Je partais avec mon matériel sous le bras et j'allais dessiner dans tout plein de coins, des ports, des criques, des falaises, des ciels .... 
Pour l'anecdote de retour en Auvergne pendant l'année je vendais ensuite ces aquarelles lors d'expositions et cela me permettait de me payer des heures de vol dans mon aéroclub.Le prix de mes aquarelles était calé sur le prix de l'heure de vol de l'avion école sur lequel j'avais appris à voler. 

Pour en revenir au repérage, j'ai souvent quand je voyage un petit carnet de croquis dans lequel je note des expressions que j'entends, des phrases, et puis des croquis. Un carnet et un appareil photo. Pour capucine j'ai profité de vacances à Belle Ile en famille et à vélo . Du coup on a sillonné tous les petits sentiers, les bois, les falaises...Toute la famille y trouve sont plaisir et ça m'a permis d'étoffer mes décors.

Dans le même ordre d'idée, comment élabores-tu l'apparence des personnages que tu mets en scène? Comment s'organise cette phase de recherche?
Par rapport aux fiches de personnages que Jean Blaise à faite de chacun des caractères des persos de Capucine. Un caractère est toujours une piste intéressante pour donner un aspect physique.
©Vent d'Ouest / Vincent

Comment s'est organisé ton travail avec Djian? Du scénario au découpage, en passant par le rough et l'encrage, quelles furent les différentes étapes de la réalisation d'une planche?
J'ai réalisé tout le livre en story board encré pour qu'il est rapidement la sensation du livre et de son histoire . Du coup ça nous a servi pour finir de régler la mise en scène. On ne se gêne pas pour découper recoller, refaire un strip, une case, une planche, on casse si il faut casser. On stabilise tout et ensuite on passe aux planches finales.  Il nous est bien arrivé  quelques fois de faire des modifs sur des planches encrées et de refaire des strips. On a beau essayé de tout prévoir des fois avec du recul on se dit qu'on a fait un choix pas suffisamment judicieux, alors du coup on n'hésitait pas à refaire. Le but commun étant toujours le livre.
Ce qui compte c'est de se dire que quand on fait les choses on était au maximum de nos possibilités.




Quel est ton environnement de travail ? Dans quelle ambiance sonore dessines-tu ? Silence religieux ? Musique adaptée à la scène travaillée ?
De la musique, beaucoup de musique, des émissions de radio quand je fais de l'encrage par exemple, mais de la musique quand c'est du découpage et de la mise en scène. Selon les ambiances en effet. Cela va de Rodolphe Burger, Noir desir en passant pas Luke, Nicolas Saez, Mais aussi le trio Joubrane, Boudhabar, Moby, La mano, Gainsbourg, du classique aussi Smetana, Prokofiev...

Parmi les différents personnages de l’album, lequel prends-tu le plus de plaisir à mettre en scène ?
Les enfants, mais j'aime bien Camille et Honoré adultes aussi !



Outre le second tome de l’Ecole Capucine, as-tu d’autres projets sur le grill ?
Un projet personnel qui sortira je pense sous un pseudo. L'écriture graphique et le thème seront très différents de ce que j'ai pu faire sur Capucine et Albatros.
En attendant je pars sur une série de 6 Albums avec Mélanie Turpin et Christophe Arleston.
Avec Jean Blaise nous avons un projet d'histoire en 2 gros albums pour ensuite. Il devrait y avoir des belles hélices, de beaux avions et .... chuuuut c'est un secret !

En tant que dessinateur, comment vis-tu les séances de dédicaces ? Un exercice laborieux ? Une chance de rencontrer les lecteurs ?
C'est toujours agréable de rencontrer les lecteurs. L'autre jour j'ai un lecteur qui a fait 21 heures de voiture pour venir à Saint Malo se faire dédicacer son album. Je suis très touché et impressionné! Comme j'aime bien le contact humain, c'est toujours intéressant de discuter avec ses lecteurs: je découvre plein de métiers que je ne soupçonnais même pas !


©Vent d'Ouest / Vincent


Quels sont tes derniers coups de cœur (ciné, bd, bouquins…)
En Bd sans réfléchir : Il était une fois en France un dessin magistral, une mise en scène fabuleuse, des personnages habités, et du grand Nury !

En musique le dernier Bashung

En livre en ce moment je lis beaucoup d'aventures aériennes contemporaine.
Je pourrai citer par exemple Le parfum des nuages Olivier Gruault et la folle équipée de Patrice Franceschi.

En cinéma Good morning England,du rock'n roll et des poulettes smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, voici un portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais...


Un personnage de cinéma : Le projectioniste
Une créature mythologique :Ulysse ( uniquement pour les sirènes )
Un personnage de BD : Lebrac
Un personnage biblique : je passe
Un personnage de roman : Octave dans 99 Francs
Un personnage de théâtre : un Machiniste
Une œuvre humaine: otto lilienthal ( la jour de sa mort correspond au jour de mon anniversaire )
Un jeu de société: le jokarie
Une recette culinaire: un truc pas trop compliqué et plutôt rapide mais qui fait son effet comme par exemple mon gâteau au chocolat ( avec fondant ) 10 minutes chrono hors cuisson.
Une boisson : Un truc qui décolle la pulpe du fond

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !

©Vent d'Ouest / Vincent


Le Korrigan