Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à notre interview !
Question liminaire : êtes vous farouchement opposé au tutoiement ? (Sinon, je peux me faire violence !)
Je suis contre la violence ! tu peux me tutoyer.
Merci! Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi? (parcours, études, âges et qualité, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)
Alors, j’ai bientôt 30 ans, j’ai un peu traîné avant d’oser me lancer dans la Bande Dessinée. J’ai d’abord suivi un cursus pour être professeur de sport en collège. Les études en elles-mêmes m’ont beaucoup intéressé, c’est varié, on touche à pas mal de choses (sociologie, physiologie, neurosciences...), ça me correspond bien et puis j’aime faire du sport, mais quand je me suis retrouvé en face d’une classe, ça s’est avéré plus difficile pour moi. Et j’avais aussi le sentiment que si je tardais trop à me jeter à l’eau pour la bande dessinée, je ne le ferais plus. Du coup, en maîtrise, j’ai tout arrêté, et je suis monté dans le nord faire l’académie des beaux arts de Tournai, section bande dessinée. Je suis sorti en juin 2006, et me voilà, 4 ans plus tard... on va dire que j’ai bien pris mon temps... et en même temps, je ne l’ai pas vu passer, j’étais bien occupé, et notamment avec le Cheval de Quatre.
Pour mes passions, ben la bande dessinée, évidemment et sinon, je suis ouvert à d’autres trucs, heureusement, la musique, le cinéma... et puis le sport aussi, je fais de la capoeira depuis quelques années, j’aime bien la montagne (je suis originaire de Grenoble)... c’est pas loin de la Suisse...
Enfant, quel lecteur étais-tu ? Les BD occupaient-elles déjà une place de choix? Quels sont à ce jour tes auteurs de chevet ? (tous supports confondus)
Enfant, je lisais très peu (en fait, je ne lisais pas, au grand désespoir de ma mère), par contre je passais des heures dans les bd à la maison (tintin, yakari...) à ne regarder que les images à partir desquelles je me racontais mes propres histoires... Je n’ai donc lu les grands classiques bd que beaucoup plus tard (Tintin, Corto, Asterix...).
Donc la bd occupait une place prépondérante dans mes « lectures » ! Les premières que j’ai lues par moi-même (vers 12 ans) c’était Akira, Thorgal, Blueberry qui sont encore, d’ailleurs, des références pour moi aujourd’hui.
Depuis j’ai quand même découvert beaucoup d’autres choses, parmi lesquelles il est difficile de faire un classement ou une liste exhaustive, mais de Blain à Bonhomme (vous m’avez démasqué !) en passant par Frederik Peeters et Trondheim, Sfar, Rabaté, Gipi, Mignola, Bill Watterson... rien de très original, mais que du bon ! Alors en moins « connu » disons Judith Vanistendael, Benjamin Flao... il y en a plein d’autres, mais là, comme ça, ça ne me vient pas.
En roman, si j’ai un auteur à donner, c’est James Ellroy.
Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
Oui, c’est sûr. J’ai mis un peu de temps à oser me lancer, j’ai un fait un peu de slalom scolaire post bac, mais j’y ai toujours pensé.
Peux-tu nous dire quelques mots sur le Cheval de Quatre?
Nous sommes un collectif d’auteurs de bande dessinée, réunis à Tournai (Belgique). On publie une revue papier (le numéro 7 sort dans quelques semaines) et on tient une Gazette numérique sur laquelle on met des histoires tous les jours (). C’est un projet qui nous tient à coeur et dans lequel on s’investit beaucoup : une grosse expo pour la fin avril à la maison de culture de Tournai (vernissage le 30/04 à 19h avec dédicace du n°7) ; un n°8 de 120 pages distribué en France et en Belgique, dès septembre... Et que des histoires originales disponibles uniquement dans le Cheval de Quatre !! =)
Comment as-tu rencontré Rémy Benjamin avec qui tu signes Un Jour Sans, votre premier album à paraître chez Ankama Editions?
Pendant nos études à l’académie des beaux arts de Tournai, on était dans la même promo. On a monté, avec d’autres copains de l’académie, un premier fanzine puis l’association du Cheval de Quatre et sa revue. On partage un atelier sur Tournai avec aussi Brice Follet et Eugène_K (autres membres du Cheval de Quatre).
Comment est né le projet d' « un jour sans »? Qu'est ce qui t'as séduite dans cette fresque moyen-âgeuse?
Le projet est d’abord né de l’imagination de Rémy. Je crois qu’il l’avait dans un coin de sa tête depuis un petit moment, et il me l’a proposé, et ça m’a bien plu. Je suis loin d’être exclusivement branché par les histoires médiévales, mais il faut reconnaitre que c’était un retour à mes « premières amours ». C’était déjà tentant. Mais c’est surtout l’histoire en elle-même, le caractère du personnage, la manière d’aborder le Moyen-Âge, ce côté décalé. Et après, ça m’a beaucoup plu de dessiner toutes ces séances dans la nature, les différents paysages.
Comment vous êtes vous organisé avec Rémy Benjamin, lui même dessinateur, pour la réalisation de cet album? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de votre travail?
Rémy a réalisé un scénario case par case, c’est à dire qu’il a écrit tous les dialogues et les descriptions des actions pour chaque case (mais j’étais libre pour le choix du cadrage). Rien n’était figé ou définitif, si je sentais mieux une action en deux cases plutôt qu’une, par exemple, je lui proposais, si ça lui convenait, on changeait. J’ai donc fait le découpage complet de l’album, et, de la même manière, s’il voyait qu’une séquence ou un cadrage ne convenait pas ou que j’avais mal retranscrit l’intention, je changeais. Pour certaines séquences, il m’a juste donné une description générale de ce qui devait se dérouler dans la ou les planches, et à partir de là, je réalisais le découpage. En fait, comme on travaille dans le même atelier, on peut se donner des retours permanents sur le boulot, ce qui facilite beaucoup le travail. Et puis, on se connait bien et on aborde la bande dessinée de la même manière. On se fait confiance.
Comment as tu travaillé à l'élaboration de l'apparence des personnages? Serait-il possible de voir quelques travaux de recherche?
Eh ben, là, comme tout le monde, je crois, en multipliant les croquis. J’ai essayé de faire des têtes assez différentes pour être sûr qu’on ne confonde pas les personnages. J’aime bien que les personnages soient bien distincts (et c’est entre autres pour ça que j’aime beaucoup le travail de Chrsitophe Blain ou de Denis Baudart, on sent le caractère, les expressions, la variété infinie des faciès, et tout ce que ça véhicule), donc j’ai accentué les traits pour ne pas refaire le même visage à chaque fois. Et puis comme je savais que chaque personnage se transformerait au fur et à mesure que je le dessinerais, il valait mieux qu’ils soient bien distincts dès le départ.
A la lecture de l'album, j'ai été séduit par la façon dont Rémy et toi avez géré l'écoulement du temps, par un travail tout en finesse sur les cadrage... Comment avez-vous abordé cet aspect de votre travail?
Alors, en ce qui concerne les cadrages, comme je l’ai dit plus haut, j’étais libre. J’ai donc travaillé assez naturellement. De manière générale, j’aime varier les cadrages et les points de vue, mais il faut que ça serve à l’histoire (et il ne faut surtout pas que ça la desserve, que ça prenne le pas sur le récit). Après, il y a ce qu’il se déroule dans la case, ce que l’on doit y montrer (actions, nombre de personnages, décors, gros plan...) et aussi les intentions que l’on veut faire passer (les émotions, l’humour, accélérer ou ralentir le récit ou l’action etc...). Tous ces éléments (et sûrement d’autres que j’oublie de mentionner) influent sur mon choix de cadrage.
Pour ce qui est de la gestion du temps, Rémy y a déjà travaillé en amont, en écrivant le scénario. Puis, quand on a relu le découpage, on est revenu sur certain passages, trop lents ou trop rapides. On ajuste, on rajoute ou on supprime un plan ou même toute une séquence... il faut relire plusieurs fois... ça doit s’apparenter au montage en cinéma. C’est très intéressant, c’est peut-être ce que je préfère, c’est à cette étape que le récit prend tout son sens. On insiste, ou pas, sur certains points, on choisit ce que l’on montre... un même dialogue peut avoir des significations très différentes selon la manière dont on le met en scène.
Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier?
Grandes joies : faire ce qu’on aime tous les jours, gérer son temps comme on veut, décrocher un contrat, tenir sa première bd entre ses mains, recevoir de bonnes critiques.
Grandes difficultés : aimer ce qu’on fait tous les jours, gérer son temps comme on peut, décrocher un contrat, recevoir de mauvaises critiques, remplir sa déclaration d’impôts, être à la fois comptable, chargé de com’, conseiller cpam caf mda... et auteur de bande dessinée ! =)
Dans quel état d'esprit es-tu à quelques jours de la publication de ton premier album?
Je suis très content et très impatient !
As-tu d'autres projets sur le grill?
Oui, mais pour l’instant, ils sont plutôt tout juste sortis du frigo...
Quels sont tes derniers coups de cœur (tous médias confondus!)
Oh la la ! c’est dur !... alors bon, je suis en train de lire Wachtmen, que j’ai emprunté à la bibliothèque, et je trouve ça super ! C’est pas très « neuf » comme coup de coeur mais bon... quoi d’autre... Je viens de voir Paranoid Parc, c’est vraiment bien aussi. On parlait de gestion de la notion du temps tout à l’heure, pour le coup Van Sant et Alan Moore maîtrisent super bien ce genre de jeu, c’est vraiment très fort. J’ai beaucoup aimé un Prophète aussi, là aussi, j’étais admiratif, entre autres, de la manière dont il arrive à rendre à l’écran le temps qui passe. Quand sort au bout de 2h30, on a vraiment l’impression qu’on a passé 6 ans en prison.
Y-a-t-il une question que je n'ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
Non... ou alors plein...
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de cinéma : euuuh... joker !
une créature mythologique : Chronos, comme ça j'arrêterais de faire passer le temps
un personnage de BD : gros-gros, parce que c’est bon, le lapin
un personnage biblique : Tom Cruise
un personnage de roman : James, dans la pêche !
un personnage de théâtre : Ivan Ivanovich
uUne œuvre humaine : le nutella
un jeu de société : Jo Ré Ta Po
une recette culinaire : Une banane écrasée avec du fromage blanc et plein de sucre, simple et efficace !
une boisson : une Quintine
Un dernier mot pour la postérité?
I’ll be back !... j’espère...
Un grand merci pour le temps que tu nous a accordé!