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Entretien avec Neriac
interview accordée aux SdI en novembre 2011


Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à notre interview !
Bonjour. Merci à vous, surtout.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi? (parcours, études, âges et qualité,passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)
Eh bien, voilà, je suis dessinateur, illustrateur, joueur, passionné de livres, de films, de SF et de fantasy… euh, geek, en fait, non ?
Pour le magot, c’est plutôt aux Bahamas, 30 pas vers l’ouest à partir du rocher du crâne… ou pas.

Enfant, quel joueur étais-tu?
Eh bien, comme beaucoup de garçons, les jeux, c’était plutôt les aventures imaginaires…
Sinon, les jouets de base : playmobil, lego et biensûr… les figurines star wars.
Pour les jeux de société, tout gamin, c’était les classiques : mastermind, puissance 4, le nain jaune, les dames et ce genre de choses. Par contre, va savoir pourquoi, je n’ai jamais, mais alors jamais, aimé le Monopoly.
A 10-11 ans, j’ai découvert mon premier jeu de rôle (l’Ultime Epreuve, pour ceux qui connaissent) et là, ça a été une révélation : pouvoir vivre les aventures au lieu de les lire, c’était magique. L’imaginaire au pouvoir, quoi.
Après, j’ai joué aux JDR pendant de nombreuses années. Bien sûr, le style de jeu a changé au fur et à mesure des années.
Ca a été la porte d’entrée pour découvrir aussi les autres jeux de société : sur la même période, il y a eu Talisman, Fief, Detective Conseil et tous les jeux qui sortaient à l’époque. Bon, il y a eu aussi des jeux sur ordi, mais en version ancestrale…

Couverture de Mousquetaires du Roy ©Neriac / YstariSi tu devais en quelques phrases expliquer le JdR à ma grand-mère, que lui dirais-tu?
Ca dépend, elle est comment, ta grand-mère ?
En fait, jaime bien l’analogie avec le conte… Le MJ est un peu comme un conteur… sauf que les personnages du conte sont incarnés par les joueurs et que leurs décisions changent le déroulement de l’histoire.
J’aime bien aussi comparer le jeu de rôle à un roman : souvent, à la lecture d’un bon livre, on aurait envie de faire évoluer le cours de l’histoire, on imagine ce qu’on aurait fait à la place du personnage ou de l’écrivain… eh bien avec le JDR, c’est exactement ce qu’on peut faire.


d’Artagnan (Les Mousquetaires du Roy) ©Neriac / YstariQuels furent tes jeux de rôles de prédiléction?
J’ai joué de près ou de loin à tous les jeux de l’époque… parmi eux, en vrac : Paranoia, Mega, Stormbringer, ADD, Ambre, Star Wars, Légendes celtiques…
Je n’ai pas trop joué aux jeux actuels. Le plus récent (ou le moins ancien) auquel j’aie vraiment joué, c’est L5R.
Si je devais faire un palmarès, en tout cas, il y aurait forcément Légendes de la Table Ronde, Rêve de Dragon, l’Appel de Cthulhu et JRTM.
En fait, c’est pour l’ambiance, pas vraiment pour les systèmes de jeu.
D’ailleurs, on avait souvent tendance à les modifier. On en a même inventés un certain nombre.
Bref, pourquoi ces 4 jeux ?
Légendes de la Table Ronde, parce que j’ai toujours été amateur du cycle arthurien et parce qu’il y avait une bonne documentation dans ce jeu. Je l’ai uniquement masterisé.
Rêve de Dragon parce que c’était un sacré jeu, vraiment original, avec un univers très particulier. J’ai eu la chance d’y jouer avec un MJ exceptionnel. On oubliait complètement les dés et on était vraiment dans le roleplay…
L’appel de Cthulhu parce que quand même... Cthulhu, quoi ! Là aussi, c’est affaire d’ambiance. On a fait pas mal de campagnes, à l’époque. J’aimais bien la version « by Gaslight », aussi…
Et JRTM forcément… parce qu’incarner un habitant de la Terre du Milieu sur la période allant de la bataille des 5 armées à la guerre de l’Anneau… ça ne se discute même pas… surtout quand comme moi, on avait lu le Seigneur des Anneaux plus d’une dizaine de fois.

la sulfureuse Milady (Les Mousquetaires du Roy) ©Neriac / YstariDevenir illustrateur, était-ce un rêve de gosse?
Ah oui, carrément, j’ai fait mes premières BD à 6 ans. Bon, comme on peut l’imaginer, ça valait ce que ça valait, mais c’est assez amusant de voir l’évolution des dessins, puisque j’en ai fait un paquet pendant mon enfance et mon adolescence.
Je dessinais tout le temps, même en cours. Au lycée, je passais mon temps à deux occupations majeures : jouer aux jeux de rôle et dessiner dans les cahiers des amis.

Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier?
La difficulté, je pense, il y en a surtout une et elle est connue, c’est d’avoir des commandes. Le reste, c’est du plaisir pur, franchement.
Les contraintes techniques, les délais, les cahiers des charges, tout ça, honnêtement, pour moi, ça fait partie du côté agréable, parce qu’il faut essayer de « coller » aux attentes et que je trouve ça stimulant. Ce qui m’intéresse le plus, c’est qu’un dessin « raconte » quelque chose. L’illustration est pour moi le support idéal à cet égard.
Le plus agréable, je trouve, c’est quand tu as des retours de personnes que tu ne connais pas, qui ont aimé ce que tu as fait, à qui ça a « parlé ». Ou même s’ils n’ont pas aimé, d’ailleurs, mais que ça correspond à ce que tu as essayé de faire en terme d’ambiance ou d’impression… ça, c’est vraiment une grande satisfaction.

un spadassin (Les Mousquetaires du Roy) ©Neriac / YstariEn 2010 paraît Mousquetaires du Roy, le premier jeu auquel tu as participé. Comment est née cette aventure?
Grâce à Cyril Demaegd de chez Ystari. Il voulait un style un peu BD pour illustrer les Mousquetaires du Roy et comme il avait eu l’occasion de voir certains de mes dessins, il s’était dit que ça pouvait être quelque chose comme ça qu’il cherchait. Il m’a demandé de lui faire quelques croquis « d’essai ».

J’avais d’abord dessiné au crayon les personnages-clés (Milady, Richelieu, d’Artagnan et les mousquetaires). C’était pas trop mal, suffisant en tout cas pour que Cyril y voie du potentiel et dise OK, mais on n’était pas entièrement satisfait. Enfin, pour ma part, je ne l’étais pas. Et puis, j’ai dessiné un mousquetaire anonyme, un peu baroudeur (je pensais au capitaine Alatriste, le personnage d’Arturo Pérez-Reverte, en le faisant), avec une apparence pas « clean »… et là, on s’est dit que c’était ce genre-là qu’il fallait faire et qu’on allait explorer cette direction.
Participer à cette création a aussi été l’occasion de travailler avec Arnaud Demaegd (qui a fait les décors du plateau). Nos échanges pendant l’élaboration des visuels du jeu ont fait partie des choses que j’ai adorées dans ce projet.

Sherlock Holmes ©Neriac / YstariOn peut voir sur ton blog des illustrations pour un futur jeu édité par Ystari, le tout dans l’univers holmesien… Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Bien sûr, dans la mesure où Cyril Demaegd n’en a pas fait secret : il s’agit de la réédition de Sherlock Holmes Détective Conseil, à venir fin novembre, normalement.

C’est un projet sur lequel j’ai eu le plaisir de travailler à nouveau avec Arnaud Demaegd, qui a dessiné la couverture du jeu et réalisé les illustrations couleurs sur les pages de garde des livrets d’enquête. De mon côté, je me suis chargé des illustrations intérieures… une quarantaine de dessins en noir et blanc.

Concernant le jeu lui-même, c’est une réédition d’un jeu des années 80 qui avait eu le « Spiel des Jahres ». Beaucoup de ceux qui y ont joué sur l’édition originale, dont moi, espéraient le voir réédité un jour.
De mémoire, parce que je n’y ai pas rejoué depuis des années, c’est un jeu d’enquêtes, où les joueurs incarnent des « Baker Street irregulars ». Le but du jeu est de résoudre les enquêtes par le biais d’une recherche d’indices et d’informations, et si possible sans rater d’éléments importants et sans perdre trop de temps. A la fin, nous pouvons comparer notre cheminement (et notre score) à celui de Sherlock Holmes.
Mais je sais qu’Ystari a fait un gros travail de relecture, voire de réécriture, alors le jeu version 2011 sera une surprise pour moi aussi.

Big Ben ©Neriac / YstariComment s’attaque-t-on à un monument comme Sherlock Holmes ? Comment est née son apparence sous tes crayons?
En fait, l’ambiance est venue avant le personnage, en quelque sorte.
Cyril Demaegd m’avait demandé des illustrations en noir et blanc (à l’époque, je crois que c’était pour des contraintes d’édition) et ça m’a plu, parce qu’on pouvait en tirer un parti –pris graphique.
Du coup, j’ai réfléchi à ce que m’évoquait le Londres de cette époque, associé au noir et blanc… et ça a donné 3 brouillons que j’ai faits le jour-même : Big Ben de nuit, une montre à gousset et un visage de Sherlock enveloppé dans la brume de sa pipe.
J’ai jeté ça assez vite pour « saisir l’ambiance ». On a vu avec Cyril qu’on était sur la même longueur d’ondes et qu’on voulait créer un climat particulier, assez sombre. On m’a d’ailleurs parlé depuis d’une ambiance à la Cthulhu… Il y a sûrement là une influence inconsciente, mais la parenté s’arrête (je l’espère) à l’ambiance de mystère un peu inquiétante, sans aller jusqu’au côté morbide ou monstrueux, dont je ne voulais pas pour Sherlock.

Je me suis ensuite plongé dans de la documentation. Je fais toujours ça, quitte à m’en éloigner après (j’avais fait la même chose pour les mousquetaires, par exemple) : ça nourrit mon inspiration, en fait. J’ai beaucoup stocké de photos d’époque, d’images de films, de vieux dessins… et j’ai fait quelques recherches sur Holmes, parce que j’avais envie de « respecter » le personnage.
Je me suis rendu compte que le héros de Conan Doyle était assez différent de ce qu’on a l’habitude d’en voir. L’exemple type (parmi d’autres), c’est son look : le fameux chapeau n’est jamais mentionné explicitement dans les livres et si Sherlock était susceptible d’en porter un de ce type, ce ne pouvait être qu’à la campagne. Quant à la fameuse pipe type calebasse, elle est encore moins vraisemblable par rapport aux écrits de Doyle et à l’époque des aventures de Sherlock.
Bref, sans trop m’éloigner de l’image mentale commune de Sherlock, je le voulais quand même un peu différent de ce que l’on voit de lui dans beaucoup de films. En tout cas, c’est le Sherlock Holmes qu’on avait envie de représenter avec Ystari.

L’inquiétant chien des Baskerville ©Neriac / YstariPour quand est prévu ce Détective Conseil nouvelle version que beaucoup de joueurs attendent avec impatience?
Normalement, fin novembre.

Quelles techniques utilises-tu pour réaliser tes dessins?
Ca va beaucoup dépendre du résultat attendu. Pour les Mousquetaires, j’ai travaillé au crayon, au pinceau et à l’encre.
Pour Holmes, j’ai travaillé uniquement à la tablette graphique.

La bande dessinée est-elle un média que tu aimerais explorer ?
Ca a été une grande envie pendant longtemps, à laquelle je ne ferme pas la porte, même si je me suis davantage consacré à l’illustration.

Comment définirais-tu le métier d’illustrateur ?
C’est plutôt difficile, ça comme question. Je ne sais pas trop comment le définir en fait.
Ce que je peux dire, par contre, c’est qu’il faut, en dessin, de la passion et du travail, du travail, du travail…
Pour l’illustration proprement dite, il faut aussi se mettre au service du thème, même si on peut y apporter une touche personnelle.

Le Professeur Moriarty ©Neriac / Ystari Quels sont tes derniers coups de cœur, tous médias confondus ?
Ouh là, il y a pas mal de choses qui me plaisent… mais de vrai coup de cœur, de « baffe », j’avoue qu’il y a un moment que je n’en ai pas eu.

Parmi les jeux de société auquel tu as joué, y en a-t-il un que tu aurais adoré illustrer ?
On retrouve un peu les mêmes thèmes, forcément : Tolkien, Cthulhu…
Sinon, j’aurais bien aimé illustrer Oz… mais j’aurais essayé une ambiance à la Tim Burton… et ça n’aurait sûrement pas été avec le jeu tel qu’il a été pensé dans sa ligne éditoriale.
En réalité, il y a plein de jeux que j’aurais aimé illustrer, surtout quand le thème stimule l’imaginaire : médiéval, pirates, SF, etc.
D’ailleurs, je suis ouvert à toute proposition !

l’aventurière Irène Adler ©Neriac / YstariDans quel environnement sonore travailles-tu généralement? Silence monacale ou musique de circonstance?
Très souvent en musique, mais le style que j’écoute a rarement de rapport avec le thème de ce que je dessine. C’est plutôt une question d’humeur et de moment de la journée : ce que j’écoute le soir et la nuit en dessinant est plus « soft » que dans la journée.
En revanche, il y a une association qui se crée systématiquement : si j’écoute une musique en même temps que je fais un dessin, cela crée un phénomène du type « madeleine de Proust ». Dès que j’entends de nouveau la musique, j’ai l’image du dessin qui s’impose à moi.
Pareil pour la lecture d’ailleurs : il y a quelques années, j’avais lu les romans d’Anne Rice en écoutant Jimmy Page… un mélange un peu étrange, mais qui s’est imprégné en moi : dès que je réentends certains morceaux, je pense à Lestat.

Old Mansion ©Neriac / YstariQuels sont tes projets présents et à venir ?
J’ai plusieurs projets en cours… plutôt dans le registre de la littérature jeunesse.
Il y aura sans-doute un autre jeu bientôt. Mais c’est un peu tôt pour en parler.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Euh, non… j’aurais fait un très mauvais journaliste, je pense.

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
OK. Allons-y.

Autoportrait ©Neriac / YstariSi tu étais…

un personnage de BD : Rick Grimes dans The Walking Dead
un personnage biblique : Noë
un personnage de roman : Marc Vandoosler dans les romans de Fred Vargas
un personnage d'heroïc-fantasy : Ged dans le cycle de Terremer
un personnage de théâtre : Lorenzo dans Lorenzaccio
une chanson : The battle of Evermore
Puce]un accessoire de dessinateur : un crayon HB
un jeu de société : Time’s up en famille
une recette culinaire : le cari zourite
une ville : Venise, mais l’hiver…
une boisson : du limoncello
une pâtisserie : orientale
un proverbe : « A cœur vaillant, rien d’impossible »

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé ! Un dernier mot pour la postérité ?
Bon jeu à tous… et merci beaucoup aux Sentiers de l’Imaginaire pour ce moment agréable.

Merci à toi et vivement la sortie de cette nouvelle mouture de Sherlock Holmes Détective Conseil !!!
Le Korrigan