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Entretien avec Cyril Demaegd
accordé aux SdI en décembre 2011


Bonjour et tout d'abord merci de te (re)prêter au petit jeu de l'interview...
Pas de quoi et cela me fait d’autant plus plaisir de causer de SHDC, car c’est un projet de longue haleine, qui me tient beaucoup à cœur.

En tant que joueur, comment as-tu découvert Sherlock Holmes Detective Conseil?
C’était il y a longtemps, alors je ne garantis rien  ! Mais je pense que j’en ai entendu parler dans le glorieux Jeux & Stratégie (qui nous manque bien), et que donc j’ai ensuite demandé le jeu à mes parents (250F, c’était un budget en ce temps-là  ;). A l’époque, je baignais dans le Jeu de Rôle et les Livres dont ous êtes le Héros et ce produit un peu hybride était vraiment excitant. Je crois même l’avoir acheté au relais Descartes d’Enghien, je revois les images  !

Qu'est ce qui t'a attiré dans ce jeu hybride entre le jeu de rôle et le jeux de société?
C’était vraiment un mix intéressant des deux et en quelque sorte cela me permettait de cumuler mes deux passions. A l’époque je jouais vraiment beaucoup à Cthulhu, donc on n’était pas si loin au niveau ambiance, et puis bien sûr j’étais fan de Doyle et de romans policiers. Donc l’achat était vraiment évident.

©Ystari / Arnaud DemaegdPeux-tu en quelques mots présenter ce jeu à ce qui ne le connaissent pas?
Eh bien pour faire simple je dirais que c’est une sorte de roman policier interactif qu’on peut jouer seul ou en groupe. Dans la boite on trouve 10 enquêtes qui commencent généralement dans le bureau de Sherlock Holmes. On lit l’introduction et à partir de là, on se débrouille pour suivre des pistes armé d’un annuaire, d’un plan de Londres et des journaux. On va chez untel, on rencontre un informateur, on visite les lieux du crime et petit à petit la lumière se fait sur le mystère. A ce moment, on va «  accuser  » et on est confronté à une série de questions. Une fois les réponses donnée, on va lire le debrief de Sherlock et on calcule son score qu’on compare à celui de Holmes. Bref c’est un peu une enquête de Sherlock Holmes pour laquelle on décide soit-même de l’ordre des chapitres.

A quand remonte l'idée de rééditer ce jeu introuvable, sinon à vil prix, sur le marché de l'occasion ?
3 ans environ. L’idée est venue en vacances avec mes amis, à la suite d’une fort belle partie. Quelqu’un à dit «  quel dommage que ce jeu soit introuvable  » et j’ai répondu «  faisons-le  ». Evidemment, de l’idée à la réalisation tout ne fut pas simple  ! Déjà il a fallu retrouver les ayant-droits. Ensuite il a fallu tout réécrire, relire, repenser. Une vraie galère mais on est vraiment contents du résultat. Ça valait le coup  !

©Ystari / Arnaud DemaegdA-t-il été difficile de convaincre les ayants-droit?
Non pas du tout, mais la difficulté a été de les retrouver. En fait sur les 3 auteurs, je n’en ai retrouvé qu’un (ou plutôt une puisque c’est Suzanne Goldberg), un autre est décédé et je ne sais pas ce qui est advenu du troisième. L’enquête pour retrouver les auteurs m’a pris environ 1 an (pas à temps plein heureusement) et j’ai finalement atterri dans une librairie de San Francisco pour faire chou blanc. Heureusement, c’est là que Tom Lehmann (RFTG) m’a filé un petit coup de main parce qu’il semble connaitre tout le monde à SF. En l’occurrence il fréquentait toujours l’un des testeurs du jeu qui m’a mis en contact avec Suzanne. Ensuite cela a été très vite.

Un véritable travail d’enquêteur en fait…
Oui ça commençait fort ! Cela dit avec Internet, c’est sans doute plus facile qu’avant. Mais bon, en tout cas je ne me suis pas découragé parce que je voulais vraiment faire le jeu !

©Ystari / Arnaud DemaegdSur quoi a notamment porté le travail de réécriture? Les conclusions des enquêtes ont-elles été revisitées?
Oui, pour deux d’entre elles. On n’était pas vraiment satisfait, parce que l’une était un peu décevante et l’autre un peu trop tirée par les cheveux. Il faut dire que la profusion de séries policières à la télé nous a tous rendus plus exigeants en matière d’alibis par exemple. Pour les autres on a juste corrigé un chapitre par-ci par-là et ajouté un chapitre « Sherlock Holmes » pour débloquer éventuellement les joueurs.

Des modifications ont-elles été apportées à la mécanique du jeu?
Outre ce chapitre, nous avons seulement modifié certaines questions de la deuxième série, qui concernent les à-côtés de l’enquête. Principalement nous avons supprimé tout ce qui était question Quizz sur la vie de Sherlock Holmes pour mettre des questions en rapport à l’enquête. Pour le reste, le jeu est identique.

Couvertures des 10 livrets d'enquête©Ystari / Arnaud DemaegdCette réjouissante réédition a-t-elle été l'occasion d'une refonte des texte et des documents liés à chaque enquête? Comment seront présenté les enquêtes de cette nouvelle mouture ?
Oui, la forme a quelque peu changé. Avant, il y avait un livret pour les briefing/debriefing, un livret pour les questions/réponses et les pistes étaient rassemblé dans un classeur. De plus les journaux étaient reliés dans un livret. Nous avons décidé de changer cela au profit d’une forme plus claire et donc maintenant chaque livret est une enquête complète avec Briefing/Pistes/Questions/Debriefing/Réponses. Cela évite par exemple de lire les réponses d’une autre enquête malencontreusement et permet de personnaliser un peu mieux chaque enquête. De plus les journaux sont maintenant indépendants, ce qui signifie que plusieurs joueurs peuvent chercher en même temps en se les répartissant.

Que trouvera-t-on dans la boîte du jeu! Le matériel s'annonce foisonnant! Les multiples aides de jeux et autres documents vous ont-elles donné du fil à retordre?
10 livrets d’enquêtes plus un livret de règles, 10 journaux, 1 annuaire et une carte de Londres. C’est assez proche du jeu original hors la présentation en livret et les journaux qui sont en A3 et séparés. Bon évidemment, tout est plus joli, et en quadrichromie, mais il faut considérer que le jeu original date de 25 ans. C’est plus facile de nos jours !

©Ystari / NeriacComment s'est organisé le travail sur cette nouvelle édition? Quels en furent les différents acteurs?
On a commencé par se «  faire la main  » sur la première enquête pour définir quel serait la meilleure méthode de travail. Ensuite, j’ai scanné toutes les vieilles enquêtes et je les ai envoyées à JudgeWhyMe qui fut mon principal collaborateur sur SHCD. Il a mené les tests et les réécritures de son côté pendant que je m’occupais de l’infographie. Une fois que tout a été en place on a fait 3 ou 4 passes de relectures avec diverses personnes. Bon là je schématise un peu mais globalement cela s’est passé ainsi…

Et pour les illustrations  ? Quel fut le cahier des charges des illustrateurs ayant planché sur ce jeu?
Le but était de ne pas trop coller à l’imagerie traditionnelle, sans pour autant tout rejeter. En fait l’image de Sherlock Holmes à deux sources principales qui sont les illustrations originelles de Sydney Paget et tout ce qui a été véhiculé, souvent à tort, par les films (comme par exemple le fameux chapeau  « deerstalker », inspiré par une illustration unique de Paget et qui a été repris par tous les films, alors que Sherlock n’aurait jamais porté ceci autrement qu’en se rendant à la campagne). Je voulais un Sherlock plus « brut », classe mais évoluant dans un monde un peu moins convenu. Donc j’ai dit aux illustrateurs de me faire quelque chose de victorien, mais plus sombre que ce que véhiculent les films. Finalement c’est un peu dans l’idée du film de Guy Ritchie, que j’ai par ailleurs beaucoup apprécié et qui est en fait plus proche du Sherlock de Conan Doyle que ne l’imaginent sans doute les gens qui ne connaissent le personnage que par les films précédent. Bon, Ritchie a un peu brodé autour de Watson et sa relation avec Holmes s’en trouve affectée, mais je considère cette approche comme très intéressante malgré tout.

©Ystari / NeriacSherlock Holmes apparaît comme étant un jeu à part. A l'instar du jeu de rôle,  la notion de victoire semble passer au second plan devant le plaisir de participer à une aventure collective. De plus, une fois menée à terme, une enquête ne peut être rejouée... Au final, à quel public s'adresse ce jeu  ?
Bonne question ! A un public assez large j’espère. En fait je crois que toute personne intéressée par Holmes, l’époque victorienne ou les énigmes policières est susceptible d’aimer le jeu. Effectivement ce n’est pas un jeu ou la performance importe mais plutôt une intrigue bien ficelée à démêler. Au final ce genre de formule pourrait plaire à la fois aux joueurs et aux non-joueurs…
En ce qui concerne, le caractère « jetable » des énigmes, c’est assez vrai mais c’est le corollaire de l’aspect « roman » du jeu. Si on veut une bonne énigme, marquante et écrite alors on ne peut la générer aléatoirement. Donc l’énigme ne peut être jouée qu’une fois tous les 10 ans (le temps de l’oublier). Après avec 10 énigmes on offre tout de même pas mal d’heures de jeu inoubliables (une trentaine à vue de nez) et c’est donc un bon deal pour nos clients!

©Ystari / NeriacLe jeu originel avait fait l’objet de trois extensions (Meurtres à Carlton House, L'Affaire de l'Oiseau de Papier et L'Affaire de Queen's Park)… Sont-elles aussi à l’ordre du jour? Ou, mieux, aura-t-on à des enquêtes originales  ?
En fait, tout va dépendre des ventes du jeu de base. Nous avons des plans pour la suite évidemment et la matière ne manque pas, entre les extensions parues, celles qui sont inédites et les enquêtes originales que j’ai en ma possession. Mais bon il faut déjà réimplanter le jeu dans les consciences et si tout se passe bien, il sera temps de voir ce qu’on fait. En tout cas j’aimerai ensuite m’orienter vers de l’original pour offrir quelque chose de neuf aux fans de la première heure. J’ai actuellement en ma possession un « one shot » qu’on pourrait sortir très facilement (un avantage du format livret) et une campagne totalement inédite dans laquelle les joueurs sont confrontés à un ennemi terrible. Bref, j’espère sincèrement que le jeu trouvera son public, pas tellement pour mon porte-monnaie, mais surtout parce que je n’ai pas envie d’en terminer avec ce jeu !

illustration de la boîte ©Ystari / NeriacLa sortie du jeu est imminente… Quand donc est la date officielle de sortie?
Le 5 décembre, donc on doit y être maintenant ! A noter que le jeu sera dispo dans les FNAC, ce qui est une nouveauté pour Ystari. Maintenant cela correspond à l’aspect atypique du jeu, qui séduira les amateurs d’énigmes et de littérature policière…

Quel sera le tirage du jeu?
5000 exemplaires.

Un grand merci d’avoir répondu à toutes nos questions sur ce jeu fort alléchant!
Aucun problème, ce jeu mérite le plus d’éclairage possible. Au début j’ai commencé cela comme un projet « de passion » en me disant que cela n’intéresserait peut être personne, mais au final, je me rends compte qu’il y a un véritable engouement sur la toile et cela me réjouit !

Un dernier mot pour la postérité?
Je laisse la parole à mon compagnon Sherlock  (et c’est un bon conseil pour le jeu) :
« Quand vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, même improbable, doit être la vérité.
Le Korrigan