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Entretien avec Blaise Guinin
interview accordée aux SdI en décembre 2011


Bonjour et merci de vous prêter au jeu de l'interview...
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement?

Du tout.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)?
Mon parcours est assez simple, dans le sens où je suis autodidacte, à la fois en temps que scénariste et en temps que dessinateur. J’ai 25 ans, ce qui risque de ne pas trop durer. Mes études, après le baccalauréat, ont été assez courtes. Je suis tout de même allé sur les bancs de la fac, sans grande ambition d’ailleurs, préférant l’écriture et le dessin, auxquelles je consacrais plus de temps qu’à mon travail universitaire. Pour ce qui est des comptes en suisse, je pense qu’en ouvrir un serait légèrement prématuré. Quant à mon numéro de carte bleue, j’aurais pu vous le livrer, mais je suis trop pudique. J’aime bien garder mes petits jardins secrets.

Enfant, quel lecteur étais-tu? La BD occupait-elle déjà une place de choix? Quels étaient alors tes auteurs de chevet?
Enfant, je lisais les bandes dessinées de manière assez boulimique, tout ce qui me passait sous le bras y passait. Mes auteurs de prédilection, rien d’original là dedans, étaient, Franquin, Hergé, et Goscinny, principalement. Je lisais d’autres bandes dessinées, mais celles-ci constituent en quelque sorte le noyau dur.

Georges et la Mort ©12bis / BlaiseDevenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse? Qu'est-ce qui t’a donné envie d'en faire ton métier?
Ouep. C’était un rêve de gosse. J’ai toujours voulu raconter des histoires, créer des personnages et leur donner vie. Ca a toujours été ma principale motivation. La bande dessinée est surtout un support comme un autre pour y parvenir. J’ai choisi ce biais car je m’y sentais plutôt à l’aise.

Au début de cette année sortait En attendant que le vent tourne, ton premier album... Comment est née cette aventure?
C’est une histoire sur l’enfance. Avec tout ce qu’elle comporte de naïveté, mais aussi de complexité. On y trouve de l’amitié, des rivalités, de la jalousie. Bref, beaucoup de sentiments qui parlent aux jeunes comme aux moins jeunes. C’est aussi l’histoire d’un premier amour, des copains... Et de la nature, que je voulais dessiner pour me sortir de ma grisaille quotidienne. Je crois que ça a été ma première motivation, dessiner la nature, car c’est un endroit où je me sens bien et un bon théâtre pour parler de l’âme humaine sans fioritures.


Georges et la mort vient de paraître sur les étals... Qu'est ce qui t’as donné envie d'écrire cet album drôle, touchant et poétique?
Très clairement, je voulais transmettre ma passion pour les chansons de Brassens, qui est un chanteur que j’admire énormément et dont l’œuvre gagne à être connue de tous même des générations qui ne l’ont pas connu de son vivant, dont je fais partie. C’est une œuvre qui dépasse son époque.

Comment as-tu « rencontré » Brassens?
Etant enfant, déjà, mon père l’écoutait de temps en temps. J’avais été très ému par le petit cheval blanc, c’est une chanson qui m’avait beaucoup marqué, parce qu’elle est triste et facilement compréhensible par un enfant. Ceci dit, ma passion pour Brassens ne date pas de cette époque. Adolescent, j’écoutais plutôt du rock, du hard rock, et d’autres groupes que me conseillaient les copains. Puis un jour, on m’a filé un album de Sinsemilia avec une reprise de la mauvaise réputation, j’aimais beaucoup cette chanson, un pote m’a dit que c’était une reprise d’Aznavour, et évidemment, il se plantait. Heureusement, mon père a rectifié le tir, en me disant qu’il s’agissait d’une reprise de Brassens. J’ai donc voulu écouter l’original. J’ai ainsi piqué le CD à mon père. J’avais alors 17 ou 18 ans, et depuis cette époque, les CDs de Brassens tournent sans relâche dans ma chaine-hifi.

Georges et la Mort ©12bis / Blaise Si tu devais en quelques mots le présenter à un béotien, que lui dirais-tu ?
Cette question est trop épineuse, je préfère m’y dérober. Si vous voulez en savoir plus sur lui, je vous conseillerais d’écouter ses chansons et de vous en faire votre propre idée. Ma vision importe peu. Je pense que son œuvre est suffisamment vaste pour que chacun y trouve son compte. Brassens était suffisamment complexe pour qu’il me soit difficile de le mettre dans des cases. Je pense que pour le comprendre, l’essentiel est d’écouter son œuvre, il y a tout dedans. Il suffit de savoir lire entre les lignes.

On a pas mal parlé de Brassens à l’occasion du trentième (triste) anniversaire de sa disparition… Et il y a eu l’expo « Brassens ou la liberté » de Joann sfar et Clémentine Deroudille. As-tu eu l’occasion d’aller la visiter?
Non, je n’y suis pas allé. Pour une bonne et simple raison : J’avais passé plusieurs mois à m’enfiler des tonnes de bouquins sur Brassens, à réécouter chaque chansons, à lire l’intégrale de ses textes…Je venais de finir de dessiner toutes les planches en noir et blanc, et je pensais que la visite ne m’apporterait pas grand-chose de plus. Quitte à voire une expo, autant qu’elle vous fasse découvrir un sujet nouveau… Puis je dois avouer que, était légèrement fauché, les tarifs m’ont un peu rebuté aussi.

Georges et la Mort ©12bis / Blaise Peux-tu en quelques mots nous présenter ton album?
C’est l’histoire de la rencontre entre La Mort et Georges Brassens. La Mort, qui était venue pour le tuer, ne peut pas s’y résoudre, car celle-ci est tombée amoureuse de ses chansons. C’est l’histoire d’une rencontre improbable, et d’une amitié entre deux personnages qui nous sont familiers, et qui, fatalement, étaient amenés à se rencontrer. La mort est d’ailleurs très présente dans l’œuvre de Brassens, ce qui rendait cette rencontre encore plus intéressante à narrer et, somme toute, logique. L’histoire débute en 1947, à l’époque où Georges était sans le sou. C’était également agréable de dessiner le Paris d’après guerre.

As-tu fait des recherches documentaires sur le bonhomme avant de te lancer dans l’aventure? Qu’est-ce qui t’as séduit chez l’homme au-delà du chanteur?
Bien entendu. J’ai lu un paquet de livres. Vu un paquet d’interviews. J’y ai passé plusieurs mois. J’avais tellement lu de choses que j’aurais eu de quoi écrire un roman. Ou une BD de mille pages. C’est terrible parce qu’une fois la BD finie, j’avais déjà envie de tout refaire parce que j’avais l’impression d’avoir laissé trop de choses de côté, ou de n’avoir pas pris le bon angle d’approche.

L’album est truffé de références aux chansons de Brassens… Comment c’est fait le choix parmi toutes celles chantées par le poète sétois?
Je n’ai pas fait de choix, j’ai inclus celles qui étaient faciles à inclure dans l’histoire sans lui faire ombrage. Je connais par cœur presque toutes les chansons, les références sont venues d’elles mêmes.

Comment as-tu abordé le personnage de Brassens ? Son apparence a-t-elle d’emblée été celle que l’on trouve dans l’album?
J’ai un peu cherché, Ceci dit les traits principaux sont venus assez vite. J’ai quand même redessiné les premières planches, pour d’avantage styliser la moustache et les cheveux. Optant pour un noir profond, mais c’est du détail.

Georges et la Mort ©12bis / Blaise Pourquoi donc as-tu donné au chat ce rôle pour le moins inattendu ?
Je ne sais pas. Brassens était toujours entouré de chats, c’est ce qui a motivé ce choix. En fait, il fallait surtout un élément perturbateur qui serve l’intrigue et la fasse évoluer. Mais si c’était à refaire, peut-être que je ne prendrais pas un chat, c’est toujours difficile de dire pourquoi à un moment donné on a opté pour un élément, ou un autre. Ca m’est venu comme ça.

Quels sont tes derniers coups de cœur, tous médias confondus ?
En ce moment, je suis en train de lire don Quichotte. Et c’est chouette. Sinon, je ne sais pas trop, j’ai pas grand-chose qui me vient comme ça.

Quels sont tes projets présents et à venir ?
J’en ai plusieurs, mais, comme tous les artistes, je ne préfère pas trop en parler pour le moment. Surtout que c’est encore assez vague, je n’ai pas été très productif ces derniers mois.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Heu, oui. De quelle couleur son les lacets de mes chaussures ? Réponse : Noirs.

Pour finir et afin de mieux cerner ta complexe personnalité, voici un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Georges et la Mort ©12bis / Blaise Si tu étais…


un personnage de BD : Tout sauf superman, je refuse catégoriquement le port du slip rouge.
un personnage biblique : Ou religieux ? Le pape Pie VII son nom est intéressant.
un personnage de roman : Au pif : Maitre Pangloss. (Quel homme ! )
un personnage de théâtre : Dom juan, sans en être un.
un personnage de cinéma : Un Shadock, j’ai toujours rêvé de pomper.
un instrument de musique : Un triangle. C’est plus simple pour les accords.
un chanteur : Peu importe, du moment qu’il porte la pipe et la moustache.
un jeu de société : Le supplice de la goutte d’eau.
une recette culinaire : Tout dépend de qui la prépare.
une ville : Tombouctou, mais je n’y suis jamais allé.
une boisson : Du pétrole.
une pâtisserie : Un doubitchou.
un proverbe : C’est la goutte d’eau qui dépasse les bornes.

Un dernier mot pour la postérité?
Je pourrais, mais, pour son bien, mieux vaut lui épargner ça.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé, et aussi et surtout pour le plaisir que nous avons eu à lire ton album plein de tendresse et de poésie…
De rien !

Georges et la Mort ©12bis / Blaise
Le Korrigan