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Entretien avec Vincent
interview réalisée en février 2012


Bonjour et merci de te (re)prêter au petit jeu de l'interview!
Le premier tome de Chimère(s) 1887 vient de paraître sur les étals avec au scénario Melanÿn et un petit nouveau, Christophe Pelinq (alias Arleston, excusez du peu)... Qu'est ce qui t'a donné envie de dessiner cette série?

Le challenge Parisien et le fait que j'ai toujours été sensible à l'histoire de personnages en lien avec l'enfance et qui se connectent avec le monde adulte. J'aime ce moment de basculement où tout se joue.

Ton dessin, très poétique, contraste avec la noirceur du scénario. Comment as-tu abordé le travail graphique sur la série?
Là aussi il s'agissait d'un challenge pour moi car je n'avais pas encore la maitrise totale de la graisse de mon trait et j'ai encore beaucoup de boulot sur sa précision. ça m'a demandé de faire évoluer mes outils ainsi que mes formats.
A chaque nouvelle série, j'essaye de faire évoluer ma "cuisine dessinée". Cette série repose énormément sur la richesse des finesses. Cela m'a permis de faire évoluer mes "gris optique". L'idée c'était aussi de jouer la couleur en contre point de cette noirceur.

Crayonné de la planche 5 du tome 2 ©Vincent / GlénatChimère(s) nous entraîne à la belle époque qui s'achèvera dans la tourmente de la Grande Guerre... Cela semble être une période que tu sembles affectionner... Qu'est ce qui t'attires dans cette époque charnière?
L'avancée industrielle ! Je suis un grand amoureux du vol, et on arrive juste au moment où les ballons captifs vont laisser la place au vol libre puis au premiers avions. Ce n'est pas anodin. Le monde ne sera plus jamais comme avant. Notre point de vue sur le monde va changer et cela s'est passé sur ces quelques années de jonction entre deux siècles. Mon grand-père est né précisément à cette époque ( Aout 1899) et il m'a beaucoup parlé de l'évolution du monde. Il a vécu ce basculement et en était émerveillé ( il est décédé 3 mois avant l'an 2000). Certaines voitures étaient électriques à cette époque et curieusement on y revient. Voilà pourquoi cette période me plaît et il y a aussi la naissance du cinéma, de la photo, des impressionnistes... Bref c'est une révolution à tous les étages !

 Crayonné de la planche 29 du tome 2 ©Vincent / GlénatLe travail sur les décors et les costumes a-t-il nécessité de longues recherches iconographiques? Quelles furent tes principales sources? Quel(s) bouquin(s) conseillerais-tu à un lecteur désireux d'en apprendre plus sur l'époque en général et sur les maisons closes en particulier?
Oui il y a pas mal de travail du côté de la documentation. Lors d'une de nos premières rencontres pour les 40 des éditions Glénat, mes scénaristes m'avait concocté un chouette "doggy bag". Et je suis reparti le lendemain avec un sac plutôt lourd, rempli de livres de photos de cette époque. Ces livres sont venus s'ajouter à ma documentation personnelle déjà conséquente. Je possède notamment des Illustrations de l'époque ( très pratiques pour les costumes, décors et certaines attitudes.... )

Et puis pour les livres sur les maisons closes, je conseillerai l'Age d'Or des Maisons Closes chez Albin Michel, un livre de Régine Deforges "sublimes objets du désir" et puis d'autres mais je les garde secrets jalousement parce que bon je ne vais pas tout vous dévoiler non plus !
.La quête de documentation est précieuse et fait partie du nerf de la guerre. J'essaye d'éviter la facilité "Google Images" trop facile d'accès et donc pas forcément très intéressant pour surprendre ou amener des détails nouveaux. Pour le tome deux, par exemple, je suis allé dans un musée de l'automobile près de chez moi où les conservateurs ont mis à ma disposition un véhicule que je rêvais de voir dans la série et que mes scénaristes ont fini par intégrer dans l'histoire ( je les ai eus à l'usure smiley ). Le véhicule a été déplacé pour que je puisse tourner autour, j'ai pu m'en imprégner. Cela vaut tous les "Google images" du monde ça ! C'est aussi pour ça que je fais ce métier : si je peux aller sur le terrain, je ne m’en prive pas. Pareil pour l'architecture de ce tome 1 : il y a des bâtiments que je suis allé chercher sur place avec mon appareil photo et mon carnet de croquis.

 Crayonné de la planche 10 du tome 2©Vincent / GlénatComment as-tu créé l'apparence des personnages principaux du récit, et notamment celle de Chimère? A-t-elle toujours eu cette apparence?
C'est compliqué pour certains personnages et notamment pour Chimère. Pour tout vous dire je me suis pris quelques semaines pour mettre tous les persos au point et j'ai évité Chimère le plus que j'ai pu. Une fois tous les autres personnages obtenus et validés il a bien fallu se rendre à l'évidence que pour pouvoir commencer la série ce ne serait pas possible sans elle ! : )

Alors je me suis attelé à ce personnage tant redouté. Le fait de l'avoir laissé décanter dans mon imaginaire pendant que je dessinais les autres, c'est avéré un bon choix. En effet, j'avais toutes les silhouettes et il fallait en trouver une différente.
Quand je cherche un personnage, je travaille beaucoup par silhouette. Après quelques allers/retours avec Mélanÿn et Christophe pour l’affiner, elle est finalement arrivée assez vite.

Comment s'est organisé le travail avec les deux scénaristes de la série et le coloriste?
Les scénaristes me fournissent le découpage par 10 pages environ. Je réalise du story board/ crayonnés. Ensuite je leur envoie tout par mail puis je passe à l'encrage.
Pour la couleur, j'ai fourni des directions iconographiques pour guider Piero ainsi que roughs couleurs de-ci de-là quand il me le demandait.
On a beaucoup travaillé en Ping pong. Si jamais il bloquait , a sa demande je lui dégrossissais une case ou une ambiance.
On a mis au point un système d'avancement étape par étape pour optimiser le plus possible la production et être sûr d'être toujours calés et cohérents entre nous dans l'avancement du tome 1.
Comme on est de Lyon tous les deux on s'est fait quelques journées ensemble aussi devant l'ordi. On finit le rush des dernières 48 heures ensemble dans mon atelier.

 Crayonné de la planche 1 du tome 2 ©Vincent / GlénatSerait-il possible de voir à quoi ressemble un de tes rough couleur?
C'est directement sur la planche et ensuite Piero l'intègre à sa mise en couleur. Ce n'est pas un document à part.

Comment Piero et toi vous-êtes vous rencontré? Le connaissais-tu avant Chimère(s) 1887?
Nous avons travaillé ensemble dans le Jeu vidéo. Nous nous sommes rencontrés à Héliovision où nous avons travaillé pour du Broadcast 3D pour la chaine Fox Kids. Nous avons ensuite travaillé dans du Jeu vidéo sur Winnie L'ourson.

Quels sont tes derniers coups de cœur, tous médias confondus?
Je suis en ce moment sous le charme et la découverte du travail du Peintre Navigateur Ecrivain de Yvon Le Corre et je suis très fier d'avoir un livre dédicacé de lui.
Pour la Musique je citerai Rodolphe Burger
Et pour les peintres de l'air que sont les pilotes de voltige aérienne, je suis un grand fan de Nicolas Ivanoff.

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à quelqu'un désirant devenir dessinateur de BD?
Se nourrir d'aventures et s'enrichir d'expériences. C'est ce qui permet ensuite de mettre de l'épaisseur dans son travail.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé!

Exlibris ©Vincent / Glénat

Le Korrigan