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Entretien avec Juliette Fournier
interview accordée aux SdI en mars 2012


Bonjour et merci de vous prêter au jeu de l'interview...
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement?

Non, en général je m'aligne sur le choix de mon interlocuteur, mais des fois j'oublie et je repasse au vouvoiement par précaution d'usage smiley

Peux-tu en quelques mots nous parler de toi (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)?
Après le bac, j'ai fait une école d'Arts Graphiques à Nantes (école Pivaut) pendant 3 ans (section bande dessinée : original comme parcours me direz-vous....)
Une fois sortie, je me suis constituée un book online. J'ai eu pendant deux, trois ans des commandes pour de l'illustration jeunesse par ce biais pour des maisons d'éditions comme Fleurus, Magnard, Hachette ou Larousse...
Puis j'ai eu envie de travailler sur un projet plus personnel et je me suis lancée.

Je possède plusieurs comptes en Suisse et sur les îles Caïmans, puisqu'en BD tout le monde le sait, on devient millionnaire du jour au lendemain... mais ce n'est pas évident au début de se faire à cette vie de luxe...

Enfant, quelle lectrice étais-tu? La BD occupait-elle déjà une place de choix? Quels étaient tes auteurs de chevet ?
Petite, j'ai surtout lu des classiques Tintin, Spirou, Astérix... mais je crois que c'était aussi à cause des adaptations animées, je n'étais pas vraiment une fan de BD, mais j'avais déjà mes préférences...

©Juliette FournierDevenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse? Qu'est-ce qui t’ as donné envie d'en faire votre métier ?
J'ai réalisé ma première BD vers 8 ans, une adaptation personnelle de ma BD favorite : Tintin au Congo baptisée "Juliette et Camille : Le sac d'or " où ma cousine et moi chassions des léopards et crocodiles en costume colonial avec une histoire de sac d'or caché un peu alambiquée ; mais j'avoue qu'à l'époque je n'avais pas encore bien saisi l'aspect un peu raciste de Tintin au Congo.
Puis après, début collège je me suis un peu désintéressée de la BD, j'aimais dessiner comme ça mais sans plus.
Au final, c'est à partir du lycée, lorsque j'ai découvert le manga, que c'est réellement devenu une passion et plus juste un divertissement... avec des séries qui m'ont beaucoup influencée comme Hunter X Hunter, Hikaru no Go, et bien d'autres...

Qu’offrait le manga que tu ne trouvais pas dans la BD franco-belge?
Les japonais ont une approche plus cinématographique, des cadrages dynamiques et une narration très maîtrisée.
D'autant que le format long et les délais de parution très courts permettent de raconter des histoires d'une plus grande ampleur.
Après je crois que c'est une question de goût, les thématiques des mangas m'intéressent souvent plus que celles développées dans la franco-belge, (après je n'aime pas tous les mangas, loin de là, mais j'y trouve plus mon compte).
C'est en général plus introspectif, et ça renforce l'impact émotionnel, le lecteur peut plus facilement comprendre les sentiments d'un personnage en partageant ses pensées ou ses visions évocatrices.

©Juliette FournierMorphine, ton premier album, vient de paraître sur nos étals. Comment est née cette aventure?
Morphine est en fait, à la base mon projet de fin d'études (à l'école Pivaut) à l'époque, je n'avais pas vraiment encore développé l'univers, (il fallait juste faire 5 planches) je voulais surtout que ça soit graphique.
En sortant de l'école, j'ai laissé de côté ce projet pour faire de l'illustration, car je n'avais pas encore le niveau et la rapidité nécessaire pour faire de la bande dessinée.
J'ai malgré tout développé le scénario de ce projet durant cette période. J'ai fini par me décider à l'envoyer aux éditeurs (après l'avoir bien retravaillé ; ça n'a plus grand chose à voir avec le projet initial ) et Emmanuel Proust l'a acceptée... smiley


Peux-tu en quelques mots faire le pitch de l’album pour nos lecteurs ne l’ayant pas encore lu?
L'histoire se déroule dans un univers fantastique où il est possible de créer des "chimères" (des créatures artificielles). Morphine, l'héroïne travaille pour un professeur, créateur et collectionneur de chimères, fasciné par les créations du mystérieux "grand Sphinx".




Serait-il possible de voir ces cinq planches de projet de fin d’étude?
Oui

©Juliette Fournier©Juliette Fournier©Juliette Fournier©Juliette Fournier©Juliette Fournier


©Juliette FournierDans quel(s) domaine(s) as-tu exercé ton talent d’illustratrice?
J'ai travaillé dans l'illustration jeunesse, J'ai illustré plusieurs ouvrages ainsi que quelques collectifs. J'ai également réalisé des couvertures pour cahier d'exercice.

Dans quel état d'esprit étiez-vous le jour de sa publication?
Le jour de la sortie de Morphine, je ne sais pas, je suis restée chez moi, mais j'étais très anxieuse pour l'avant-première à Angoulême. Mais ça s'est super bien passé, beaucoup de personnes enthousiastes et de belles rencontres. smiley

Le quatrième de couverture inscrit ton album dans le sillage de Miyazaki. Qu’évoque pour toi ce dessinateur talentueux et ce réalisateur hors pair?
Pour être honnête... je ne me suis pas inspiré de Miyazaki. J'apprécie beaucoup ses films mais je ne me sens pas spécialement proche de son esthétique ou de ses thématiques ... Mais c'est un nom facilement reconnaissable par le grand public qui n'est pas très familier avec la culture manga, je pense que c'est pour ça que l'éditeur y fait allusion en quatrième de couverture...
Pareil pour David Lynch d'ailleurs... Certains lecteurs ont trouvé la comparaison pertinente, alors pourquoi pas?

Quel fut le point de départ de cette histoire?
Contrairement à la plupart de mes autres scénarios, je suis d'abord parti pour morphine sur des idées graphiques, des personnages etc... J'ai ensuite élaboré une trame à partir de ces éléments...

©Juliette FournierDu synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de ton travail? Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes?
Je commence par rédiger les dialogues. Je préfère garder une certaine souplesse dans mon travail et ne pas rédiger de script trop détaillé.
Ensuite, je dessine le story board. Du coup, je modifie souvent quelques passages; je supprime parfois des dialogues redondants par rapport à l'image ou change la mise en scène pour qu'elle soit plus graphique.
Puis, je commence le crayonné. Personnellement, je n'encre pas, je préfère renforcer le trait sous Photoshop.
Ensuite, après avoir scanné, cleané et monté mes planches, je passe à la colorisation sous photoshop... Je passe pas mal de temps à faire des réglages pour obtenir une harmonie colorée avec de nombreux effets (ombres, lumières, dégradés, matièrages, etc...).
Et voilà! C'est fini !

Quelle étape préfères-tu dans l’élaboration d’un album?
Je dirais l'écriture du scénario et le découpage...
Ce sont les étapes les plus créatives et les plus stimulantes, celles où on élabore la mise en scène.
En revanche, poser des aplats de couleur à l'ordi n'est pas passionnant, c'est long et répétitif...

©Juliette FournierComment as-tu élaboré l’apparence des personnages? Le dessin de Morphine a-t-il beaucoup évolué entre le premier jet et l’apparence que tu lui as donnée dans l’album?
C'est difficile à dire... c'est une question de feeling. J'essaie de varier mes personnages et de leur donner un style bien identifiable et en accord avec leur personnalité. Parfois, c'est le fait de dessiner un personnage qui va en partie définir sa personnalité.

Sinon oui, le dessin de Morphine a beaucoup évolué. Quand j'ai commencé, j'étais encore à l'école, et mon style était encore instable... Je débutais en couleur numérique également...
Sinon, pendant l'album, je pense avoir un peu évolué dans mon dessin et ma narration.

Quel(s) personnage(s) as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène?
Morphine est probablement la plus agréable à dessiner, mais je crois que le personnage que je préfère mettre en scène est le Pr. Hidestone, il n'est pas vraiment facile à dessiner mais il m'amuse beaucoup avec son air trop sérieux.

N’est-il pas difficile de sortir de cet univers si poétique une fois ce one-shot achevé?
Non pas vraiment, c'est vrai que j'aurais aimé développer davantage cet univers, mais je n'ai pas eu de mal à repartir sur autre chose.

©Juliette FournierQuelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier de dessinateur?
Et bien... déjà on fait un métier qui nous plaît, ce qui n'est pas donné à tout le monde... Il est aussi très agréable de pouvoir organiser son temps comme bon nous semble (même si la réalisation d'un album demande énormément de travail ) Pouvoir se lever bien plus tard (même si l'on finit bien plus tard aussi. )

Les grandes difficultés? Et bien... c'est un métier instable et en général mal payé.
Les gens ne nous prennent pas toujours notre métier très au sérieux...

As-tu d’autres projets sur le grill?
Oui, je suis sur deux nouveaux projets de bande dessinée. L'un en tant que co-scénariste avec un ami à moi dessinateur et l'autre en tant qu'auteur complet comme pour Morphine...

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur?
En Bd, j'ai adoré Polina et Quai d'orsay.
En film, Drive, The social network et Black Swan
En anime, la saison 2 de Kaiji (un seinen génialissime !! ) et il y a en ce moment une nouvelle version d' Hunter X Hunter. (Toujours aussi plaisant même si je connais trop bien cette série)
En série, j'ai vu récemment The Wire (coup de coeur surtout pour la 3eme et 4eme saison)
En Manga, PunPun une bonne découverte et (je vais passer pour une inculte mais je ne les avais jamais lu, je viens juste de les commencer) les premiers tomes de Dragon Ball.

Et enfin le plus important ! En jeu vidéo j'attends avec impatience la sortie française de Dragon Crown par le studio Vanillaware, créateur du Sublime Odin Sphere.

©Juliette FournierY a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
Ma couleur préférée est le rouge et je suis bélier ascendant bélier... A priori non, je ne vois pas...

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire...

Si tu étais…


un personnage de BD  :Spip (l'écureuil de Spirou)
un personnage de manga  : Hisoka (HxH) ou Ichijou (de Kaiji)
un personnage biblique : euh.... Dieu ?
un personnage de roman :Lolita de Nabokov ? haha...
un personnage de théâtre :Moi (dans Juliette et Roméo)
un personnage de cinéma : Grace dans Dogville
un instrument de musique :Violoncelle
un jeu de société : Heroquest
une recette culinaire : quelque chose avec du vinaigre
une ville : Armentières (ma patrie, mon peuple)
une boisson : smoothie aux fruits rouges
une pâtisserie : paris-brest
un proverbe : L'habit fait souvent le moine.

Un dernier mot pour la postérité?
Timmy !

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé et pour le plaisir éprouvé en lisant ton premier album!

Le Korrigan



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