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Entretien avec Philippe Xavier
interview accordée aux SdI en juin 2012


L'époustouflant Philippe Xavier, dessinateur de Conquistador scénarisé par Jean Dufaux, nous parle de son travail sur ce diptyque inquiétant qui lève le voile sur le versant sombre de la conquête des Amériques.

Bonjour et merci de vous prêter au jeu de l'interview...
Je n'ai pas vraiment eu le choix smiley

Question préliminaire : êtes-vous farouchement opposée au tutoiement?
I am sorry what did you say ?

Pouvez-vous en quelques mots nous parler de vous (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)?
7463_7865_9981 BNS, Genève
Le Bac en poche, je suis parti vivre à Buenos Aires à l'âge de 18 ans. J'ai découvert des paysages fantastiques, des gens chaleureux, un style de vie différent. J'y ai étudié la pub. Une fois le diplôme en main je suis parti travailler dans une agence de pub à Santiago de Chile. De belles expériences ont suivi.
Quelques années plus tard, je me suis retrouvé aux Etats-Unis pour un petit séjour de 12 ans. Après des petits boulots divers pour payer les factures (videur AU DOUBLE DUCE , jardinier à Malibu, docker sous la direction d'Elia Kazan smiley, j'ai réalisé, de 1996 à 2003, 55 comics pour différentes maisons d'éditions américaines, tout en jouant au soccer et en étant coach de judo à l'université de Georgia. En 2003, de retour en France, à Lyon, je réalise « Le souffle 1 » et « Paradis perdu », tomes 2 à 4 pour les Editions Soleil.
Depuis 2006, je suis installé à Bruxelles où avec mon scénariste Jean Dufaux, nous avons realisé les six albums de « Croisade » pour les éditions du Lombard et bien sûr ce premier tome de « Conquistador ».
Beaucoup de travail, un rythme régulier parsemé d'activités sportives et de voyages pour s'aérer le corps et l'esprit. La vie est belle. J'en profite, assis à ma table à dessins ou dans un avion.

Les Couvertures, conçues comme une seule illustration © Glénat / Philippe XavierEnfant, quel lecteur étiez-vous? La BD occupait-elle déjà une place de choix? Quels étais vos auteurs de prédilection?
Tout petit déjà, je dévorais des yeux les BD, puis j'ai commencé à les lire et à en dessiner smiley
Giraud et Hermann étaient et restent mes auteurs préférés, mais la liste est longue : Vance , Gimenez, Serpieri, Graton, Morris, Uderzo, Greg et j'en oublie ...

Quelle place occupait le dessin dans votre enfance? Devenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse?
Je dessinais tout le temps, un peu partout, discrètement. Et oui, c'était un rêve de gamin de devenir dessinateur de bd...le voici réalisé et j'en suis vraiment fier et heureux. Maintenant il faut continuer, continuer à dessiner, à progresser, à me faire rêver ainsi que mes proches et mes lecteurs que je remercie au passage !

rough du tome 2 © Glénat / Philippe XavierQuelle sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier de dessinateur de BD?
Les difficultés sont bien présentes et nombreuses. Faire de la BD est loin d'être reposant. Il faut s'accrocher, persévérer. J'ai commencé tout en bas de l'échelle, à 70 euros la planche et chaque case crayonnée, chaque planche encrée m'ont rapproché de cette certaine tranquillité , cette stabilité que je vis aujourd’hui.
Le travail est la seule clé possible pour réussir et si la bonne rencontre est au rendez-vous alors la route si sinueuse et cabossée du début commence à être bien tracée et s'ouvre sur de multiples horizons.
Mais malgré ces difficultés, être dessinateur, et surtout pouvoir en vivre, est un privilège, une chance. Nous sommes tranquillement dans notre studio, à l'abri de l'agitation extérieure, les embouteillages, ... concentrés sur la création d'univers, de personnages, avec lesquels nous voyageons et vivons de superbes aventures que nous partageons par la suite avec nos lecteurs.
C'est juste magique, vraiment !

Planche noir & blanc du tirage de tête 2 © Glénat / Philippe Xavier / Jean DufauxComment avez-vous rencontré Jean Dufaux et Jean-Jacques Chagnaud avec qui vous aviez déjà signé le fantastique Croisade ?
Une rencontre avec Jean Dufaux a été organisée par Gauthier van Meerbeeck, éditeur au Lombard qui désirait travailler avec moi. De Lyon, je suis monté à Bruxelles pour les rencontrer. Lors de ce repas inoubliable, j'ai proposé à Jean de développer une histoire autour des croisades. Notre rencontre était inévitable et « Croisade » une évidence.
J'étais fan des couleurs de JJ Chagnaud sur « Où le regard ne porte pas ». Nous avons eu la chance qu'il ait le temps et l'envie de faire partie de notre équipe !

Comment est née cette nouvelle série Conquistador dont le premier tome est paru il y a peu ?
Depuis un peu plus de deux ans, j'avais envie d'explorer un autre univers en parallèle de « Croisade ». Il fallait juste trouver le bon moment, le bon sujet d'inspiration et le temps pour le faire sans mettre en danger notre série « Croisade » au Lombard.
J'ai donc proposé à Jean Dufaux de réaliser un diptyque sur les conquistadors. Une belle parenthèse s'ouvrait, cette fois-ci aux Editions Glénat.

Comment as-tu abordé ce nouveau récit historique? A-t-il nécessité de longues recherches iconographiques? Quelles furent vos principales sources documentaires ?
Avec enthousiasme et impatience, le plaisir pur et simple de commencer un nouveau projet. Comme sur Croisade j'achète des livres sur le sujet, je regarde des films comme Aguire la colère de dieux, mission, 1492. J'ai besoin de m'immerger, de voyager dans cette époque, essayer de la comprendre visuellement pour me l'approprier. Etre dessinateur de BD est un privilège. Nous remontons le temps , traversons les époques d'un simple coup de crayon, d'une simple ligne de scenario.

Etape 1 : le rough © Glénat / Philippe Xavier / Jean DufauxComment abordez-vous généralement l’apparence de vos personnages? Hernando Royo a-t-il d’emblée eu cette apparence? Quel personnage avez-vous pris le plus de plaisir à mettre en scène?
En général, je ne m'attarde pas sur les recherches de personnages. Je les attaque directement sur la planche en ayant bien sûr une idée assez précise de leur allure et leurs caractéristiques physiques.
Pour Conquistador, j'ai poussé un peu plus les recherches en me posant la question suivante : qui pourrait jouer mes personnages sur grand écran ? Le résultat est assez sympa (voir blog).
Néanmoins un personnage se construit au fil des pages et des aventures qu'il va vivre. J'ai également besoin de connaitre son passé pour le façonner. Les émotions qu'il va ressentir tout au long du récit vont également participer à son modelage.
Royo devait visuellement être l'opposé de Gauthier de Flandres, héros de notre série Croisade, donc brun plus massif, nez cassé, une bonne tronche quoi smiley. Je lui ai donné vie assez rapidement.
J'avoue avoir un petit faible pour dessiner les personnages secondaires au physique répugnant comme Oczu. Ca tombe bien, Jean Dufaux n'est pas avare de ce genre d'énergumène.

Etape 2 :le crayonné © Glénat / Philippe Xavier / Jean DufauxComment travaillez-vous avec Jean Dufaux et Jean-Jacques Chagnaud sur cet abum? Du synopsis à la planche finalisée, quelles sont les différentes étapes de votre travail? Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes?
Notre manière de travailler n'a pas changé. Avant de commencer, Jean et moi parlons de l'univers que nous allons créer, nos envies, nos désirs. Je réalise quelques visuels, des esquisses de paysages, des projets de personnages. De plus, pour Conquistador, j'ai dessiné les storyboard des premières planches pour nous plonger directement dans l'ambiance et le rythme du récit.
Ensuite Jean me livre une dizaine de planches. Une fois les crayonnés achevés, nous nous voyons autour d'une bonne table souvent en compagnie de Jeremy « Barracuda » et Philippe « Murena » Delaby. Nous montrons nos planches, discutons, tout cela dans une ambiance potache.
Jean nous livre ses impressions , nous donne quelques conseils, surtout sur la lisibilité, la fluidité de la narration, les mouvements de caméra,. ..
Si l'un d'entre nous se débat avec une case, on fait appel à l'équipe. Ca donne de belles séances de brainstorming ...et souvent de belles tranches de rigolades.
Après le passage en revue des crayonnés, vient l'encrage et les couleurs avec mon acolyte Jean-Jacques. Nous sommes en liaison quasi permanente via « skype », nous peaufinons, peaufinons encore et encore, étant tous deux très pointilleux.
Place aux images ....

Etape 3 : l’encrage et mise en place des ombres© Glénat / Philippe Xavier / Jean Dufaux Quelle étape préférez-vous dans l’élaboration d’un album?
La lecture du scénario et les premières images qui m'apparaissent instantanément.

Outre la réalisation du second tome du diptyque Conquistador, avez-vous d’autres projets en cours ?
Je me concentre toujours sur un projet à la fois. Donc pour l'instant je me consacre à la réalisation de ce tome 2. Une fois celui-ci achevé, je passerai à autre chose : Croisade T7

Tous médias confondus, quels sont vos derniers coups de cœur?
Game of Throne

Etape 4 :la mise en couleur © Glénat / Philippe Xavier / Jean-Jacques Chagnaud / Jean DufauxPour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…
un personnage de BD : Blueberry
un personnage biblique :Moise
un personnage de roman : John Carter
un personnage de théâtre : le Cid
un personnage de cinéma : Highlander
un instrument de musique :flute de pan
un jeu de société : jumanji
une recette culinaire : boeuf bourguinion facon JJ chagnaud
une ville : Portland
une boisson : mountain dew
une pâtisserie : tarte aux framboises
un proverbe : qui se couche avec les fesses qui grattent se réveille avec le doigt qui ....

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé!
Les Couvertures, version finale, conçues comme une seule illustration © Glénat / Philippe Xavier

Le Korrigan