Bonjour et tout d’abord merci de nous accorder cet entretien !
Question liminaire : es-tu farouchement opposé au tutoiement ? (si oui, je me ferai violence et aurais recours au vouvoiement)
Aucun problème pour le tutoiement.
Merci bien!
Peux-tu te présenter en quelques mots? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)
Michel Falardeau, 32 ans, études non terminées en art, diplômé en dessin animé traditionnel. Beaucoup trop de qualités dont : courir vite... Vraiment trop de défaut comme: boire un coca pas semaine. Mes passions oscillent entre le basket-ball, la guitare, Naruto, Scott Pilgrim, le heavy metal, dessiner des filles et boire un coca par semaine.
Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient tes auteurs de chevet?
Ma première bande dessinée reçue était le nid du marsipulami (Spirou et Fantasio) à l'âge de 6 ans. Je suis probablement parvenu à la lire en 2-3 heures (J'étais un peu lent) et il s'est passé 3 ans avant que je récidive (pourtant, j'avais adoré). Je recevais sans cesse des bd à ma fête et Noël mais je ne faisais que les regarder. Finalement, à 9 ans j'ai fait l'erreur de lire un Philémon et je suis devenu complètement cinglé. Je ne vivais que pour le héro au chandail rayé de Fred et bien sûr, je copiais son style de dessin. Rapidement, je suis tombé dans Valérien, Axel Munshine (Le Vagabond Des Limbes) et Jeremiah qui ont su nourrir mon imaginaire pendant bien des années.
Comment es-tu tombé dans la marmite de la bande dessinée ? Devenir auteur étais-ce un rêve de gosse?
Oui et non... Jeune, je disais sans cesse que je ferais du dessin plus tard sans savoir quel genre de métier. J'ai longtemps soutenu que je ferais du dessin par ordinateur (sans savoir c'était quoi) parce que dans ma tête, la machine allait faire tout à ma place... Si jeune et déjà fainéant... C'est en quittant le dessin animé traditionnel que je me suis lancé innocemment en bande dessinée. Je souhaitais tout contrôler (parlant des défaut de tantôt, en v'là un!) et le dessin animé n'offre pas cette liberté alors je me suis dit que la bd serait ma façon de faire mes films. Donc à 23 ans, sans jamais avoir fait de strip ou de planche (pratiquement), je me suis lancé en croyant être accueilli par les maisons d'édition en champion, du genre : ''Ça fait 30 ans que nous attendions un génie comme toi!! Notre sauveur! Jésus II!!''
Ça s'est pas produit.
En avril 2005 paraissait Lydia, premier tome de Mertownville. Être édité a-t-il relevé du parcours du combattant?
Non. Un mélange entre la chance et le travail. J'ai eu la chance d'être édité très rapidement et très jeune. J'avais une tonne de lacunes sur toutes les facettes de mon travail, mais je crois qu'il en ressortait quand même quelque chose de frais et de divertissant.
Pour ce qui est d'être combattant, je crois que c'est nécessaire dans ce domaine. Tout est toujours à refaire. C'est difficile, mais ça permet le dépassement de soi.
French Kiss 1986 vient de paraître sur les étals. Le récit fait accoster le lecteur aux frontières de l’enfance et des premiers émois amoureux dans un coktail parfaitement équilibré. Comment est t’es venue l’idée de ce récit?
J'avais monté ce dossier uniquement pour aller chercher une bourse gouvernementale (que je n'ai pas reçue)... Les temps étaient durs entre la parution de Luck et le contrat qui a suivit. Je cherchais donc une façon de continuer la bd. Puis, j'ai pensé montrer ce dossier à Glénat Québec et on connaît la suite de l'histoire.
Je cherchais certains éléments pour plaire à ceux qui jugeraient les dossiers au gouvernement (une époque précise, au Québec etc.), mais je me suis fait prendre au jeu. Je n'ai jamais eu autant de plaisir sur une production et je dois dire que c'est de très loin la bd dont je suis le plus fier
Sinon, le moteur de base fut réellement le film Les Goonies, c'est à dire : écrire un scénario d'aventure comme il s'en faisait dans les années 80. Ensuite vint l'envie de dessiner des pirates, mais sans leurs voiliers géants aux 36 000 détails (reste donc l'option de prendre des enfants qui jouent aux pirates). Finalement, l'un de mes fantasmes d'enfance : passer l'été au village avec tous les autres enfants et non dans les fins fonds de la forêt, isolé, avec comme seuls amis mes frères et la voisine d'en face.
Comment as-tu crée la galerie de gamins qui peuplent cette histoire?
Créer 30 gamins avec des caractères complexes bien à eux, m'apparaissait un trop gros défi. En faire 30 passables, y'aurait pas eu de problème. Mais je tenais à ce que chacun est la carrure d'un personnage principal. Donc j'ai carrément puisé dans mon cercle d'amis et ma famille pour ensuite tous les rajeunir au merveilleux âge de 9 ans (sans leur demander la permission... Bonjour les poursuites). Mes frères et moi en faisons partis, les membres de l'équipe de basket du Lycée, ainsi que bien d'autres.
Les seuls personnages fictifs sont les trois principaux. Ils me permettaient de rester dans la fiction tout en se faisant appuyer par des caractères de gens bien réels.
Comment est venue cette idée de récit dans le récit, de cette histoire contée par le papa suites aux insistantes questions de ses enfants?
Je ne m'en souviens plus... Je sais seulement que cette histoire, comme bien des histoires, ne s'est pas bâtie dans un ordre chronologique. Parfois, je rajoutais un nouvel élément à la fin ou au milieu que je devais ensuite justifier dès le début de l'histoire. Donc l'idée du récit dans le récit a du être amené pour justifier une autre idée
Ton récit est bourré de références à de grands films d’aventure qui ont marqué toute une génération (dont je fais partie)… Quelles furent tes influences? Le récit comporte-t-il une part d’autobiographie, dans certaines anecdotes mises en scène au fil des pages?
Non, c'est complètement fictif. Comme je disais plus tôt, je voulais éviter de tomber dans le piège du ''trip d'auteur'' (comment appelez-vous ça?). Moi, enfant, je voulais trouver des trésors comme dans le films des Goonies. Étienne, le personnage principal, a des objectifs bien plus complexes et tordus que les miens!
Sinon, mes références venaient beaucoup du cinéma... Back To The Futur, Starwars, Indiana Jones, Police Academy (plaisir honteux
) et j'en passe.
Comment abordes-tu généralement l’apparence de tes personnages? Celle des deux principaux protagonistes, la Rousse et Etienne, s’est-elle d’emblée imposée ou sont-ils passés par de nombreuses étapes avant de revêtir leur apparence définitive?
C'est rare que je passe beaucoup de temps à cette étape. Souvent, je ne fais qu'un seul dessin par personnage avant de débuter les planches. Lorsque je le dessine dans une case pour la première fois, il n'est déjà plus le même et je m'en tiens à cette version.
J'ai dû travailler un peu pour Étienne car j'arrivais toujours à un design ennuyant, mais La Rousse s'est vraiment imposée d'elle même! Une Fifi Brind'acier badass plus forte que les gars de son âge, c'est quand même inspirant!
Quelle étape préfères-tu dans l’élaboration d’un album?
Le scénario, car c'est la partie où l'on peut se permettre de rêver. Par contre, avec les années et les projets, cette étape devient de plus en plus longue. Plus de relectures, un regard plus critique, le choix des mots...
À part le scénario, je dirais l'encrage car enfin, le cerveau peut ce mettre à off (c'est tout l'inverse du coup!).C'est toujours extrêmement satisfaisant de voir à la fin d'une journée 3 planches qui se rapprochent du produit fini.
Sur quel(s) projet(s) travailles-tu en ce moment?
Plein de projets en vue d'un prochain contrat d'édition. Des projets qui passent de l'humour, au fantastique, aux récit pour adulte... Ça ne servirait à rien d'en dire plus
Quels sont tes derniers coups de cœur tous médias confondus?
Cinéma :
I love huckabees (David O. Russell, 2004) et
Eternal sunshine of the spotless mind (Michel Gondry2004). Deux films qui sortent des sentiers battus, avec de superbes prestations d'acteurs. Pas des films récents, car j'ai de la difficulté à me tenir à jour!
Pour ce qui est de la bd, mes derniers gros-gros coups de cœur remontent un peu aussi... La série
Scott Pilgrim de Bryan Lee O'Malley (complètement géniale, je suis à ma 3e relecture).
Muthafukaz de Run chez Ankama et mon number one :
Le trop grand vide d'Alphonse Tabouret de Sybilline et Jérôme d'Aviau, toujours chez Ankama. Drôle, absurde, surprenant, poétique... Ce genre de rare livre qui me fait dire « Merde!! Mais c'est moi qui voulait faire ce livre!» et qui vous empêche de créer pendant une semaine parce que soudainement, toutes vos idées reviennent à cet univers... Bon j'arrête, je connais Jérôme... Il va penser que j'ai quelque chose à lui demander
Roman :
Jonathan Strange & Mister Norrel de Susanna Clarke.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
Quel est ton animal préféré : Le tigre de Sibérie. (Tous mes amis vont soupirer en lisant ça...)
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD : Naruto, évidemment! Qui ne voudrait pas être un ninja?
un personnage biblique : Aucun... si je suis obligé, Jésus question de changer l'histoire...
un personnage de roman : Harry Potter, comme ça je pourrais montrer à Poudlard comment on fait la fête pour de vrai!
un personnage de théâtre : Sais pas...
un personnage de cinéma : Larvell Jones dans Police Academy (le black qui fait les bruits avec sa bouche... toujours rêver de faire ça quand j'étais gamin).
un instrument de musique : Mais personne veut être un instruments de musique!! Bon, une guitare...
un personnage de dessin animé : Fry dans Futurama. On a des points en commun lui et moi...
un jeu de société : Un jeu de Twister que seul les belles filles ont le droit de jouer avec... en petite tenue.
une recette culinaire : Un hamburger bien gras, dégoulinant de condiments, qui rend bien heureux.
une ville : Québec...
une boisson : Une Sierra Nevada Pale Ale, une bière amer qui me rappelle l'Ouest américain.
une pâtisserie : Un gâteau aux bananes... Sans raison. Je ne suis pas très porté sur le sucre.
un proverbe : Pas très original, « quand on veut on peut ».
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé!
Merci à vous!