Bonjour et tout d’abord un grand merci de nous accorder un peu de ton précieux temps pour répondre à nos questions !
Bonjour ! C’est un plaisir, merci à toi.
Peux-tu en quelques mots nous parler de toi (âge, études, boulot, numéro de compte en suisse ou aux îles caïmans)?
Alors moi c’est Pierre-Yves, 42 ans, fonctionnaire. Je suis trop bête de ne pas avoir de compte en Suisse, car je suis à moitié Suisse, alors cela ne serait pas difficile. Ca doit être ma moitié française qui me freine.
Enfant, quel joueur étais tu ? Quels étaient tes jeux de chevet ?
Ma première peluche était un ours. Ensuite, il y a eu un lapin. J’adore les lapins, surtout les bleus. Bon ensuite j’ai grandi et j’ai joué aux jeux que mon père avait gardés de sa propre enfance : Ascot, Rome&Carthage, La Conquête du Monde, etc. J’étais déjà bien accro aux cubes en bois et aux planches en carton.
Un jeu particulier t’a-t-il fait sombrer dans le jeu pour adulte ou n’as-tu au final jamais cessé de jouer ?
C’est avec Donjons&Dragons, en 1984, que j’ai plongé dans l’univers des jeux adultes. Du coup je me suis mis à fréquenter les magasins spécialisés à Paris, à lire Casus Belli, etc. Ce fut révélation et de fil en aiguille je me suis essayé à plein de trucs. Adolescent, j’ai eu une grosse période « wargame » avec Squad Leader et j’ai vite attaqué les jeux de plateau : Supergang, Diplomatie, Junta, etc. Diplomatie a été une vraie passion.
Si tu devais en quelques mots expliquer à ma grand-mère ce qu’est le jeu de rôle, que dirais-tu ?
Elle a l’air sympa ta grand-mère ! Je lui dirais que c’est du théâtre improvisé, avec un metteur en scène qui dévoile le scénario au compte-gouttes. En fait je lui dirais que c’est encore mieux que ça, car les décors sont sans limites.
Quels est ton meilleur et ton pire souvenir de rôliste ?
Le meilleur : ma première partie ! Mon personnage arpentait les sous-sols de je ne sais quel dédale et découvrait des traces de pas de zombies dans le sable… J’avais frissonné pour de bon et fait faire demi-tour à mon personnage ! C’est la magie de la découverte. Après quelques parties, on voit un peu trop les ficelles derrières les pantins, mais on peut toujours bien s’amuser ! Le pire ? Quand les joueurs ne sont pas concentrés et cassent l’ambiance. C’est comme au cinéma, quand le voisin de siège ouvre un paquet de chips : insupportable.
Nosferatu, ton premier jeu édité, est en passe de sortir sur les étals… Dans quel état d’esprit es-tu à quelques jours de sa sortie ?
Impatient ! Beaucoup de gens connaissent déjà le jeu, car je l’ai fait tester par de nombreuses personnes, dans des contextes divers (cercle d’amis, magasin, asso, ludothèque, etc.) mais je me réjouis de le faire découvrir à un public plus large, notamment sur les salons. Le premier rendez-vous est à Cannes en mars 2013.
Du concept à sa publication combien de temps s’est-il écoulé ?
C’est une longue histoire. J’ai défini le concept de Nosferatu en 1998. D’emblée, un Vampire se dissimulait parmi les autres joueurs, qui devaient le démasquer. Pendant deux ou trois ans, j’ai testé le jeu auprès de collègues et d’amis, on rigolait bien, mais le jeu n’était pas abouti dans sa mécanique. Entre 2000 et 2010, ma passion pour la musique a pris le dessus. J’ai alors mis Nosferatu en sommeil (ce qui lui allait bien !) En 2009, le seigneur ténébreux a émergé de son cercueil : je me suis replongé dans la conception du jeu. Avec le recul des années, j’ai fait un audit général du jeu et introduit les éléments clés de son gameplay actuel – notamment Renfield, le serviteur du vampire. Pendant trois ans, j’ai du faire une centaine de tests. J’ai senti un véritable engouement ; les testeurs me réclamaient de nouvelles parties. Cela m’a motivé pour contacter des éditeurs début 2012 et j’ai rencontré Arnaud Pierru de Grosso Modo Editions au salon Paris Est Ludique. Arnaud était très motivé et me proposait de sortir Nosferatu sans tarder, en m’associant à la définition du contenu et des illustrations. Marché conclu !
Peux-tu en quelques mots nous faire le pitch de ce jeu que l’on présente comme s’inscrivant dans la lignée des Loups-Garous de Thiercelieux.
Le background est directement tiré du Dracula de Bram Stocker. Un suceur de sang débarque en ville et un groupe de chasseurs de vampires se ligue pour l’anéantir. Il s’agit d’abord de l’identifier, puis de le zigouiller à la faveur du lever du Soleil. Au début du jeu, seul l’identité de Renfield est connue. Un système permet au vampire de mordre tout en préservant son anonymat : c’est Renfield, son allié, qui collecte les cartes jouées par les joueurs et les applique. Plusieurs mécaniques distillent les indices : la défausse obligatoire et surtout une pile de cartes nommée l’Horloge, composée de plusieurs cartes Nuit et d’une carte Aurore, qui segmente les phases de jeu de manière impromptue. Comme dans les films, le vampire peut être trahi par le lever du jour. Au niveau du style, Nosferatu appartient effectivement à la catégorie des jeux à rôle caché, mais on est loin des LGdT : Nosferatu est surtout tactique, alors que LGdT ne joue que sur la psychologie - c’est ce qui fait l’élégance des LGdT. Bien-sûr, on démasque le vampire s’il perd son sang-froid, mais dans les deux camps, la victoire ne s’acquiert qu’avec une bonne coordination et une maîtrise de la mécanique. Sans être compliquée, celle-ci offre de nombreuses ficelles qui permettent à chacun de trouver son style de jeu.
Fichtre… le moins que l’on puisse dire c’est que cela donne bougrement envie d’y jouer!
Merci, ça fait plaisir ! Je suis moi-même loin d’être blasé, malgré mon nombre colossal de parties. Il faut dire que chaque partie est différente, car les joueurs sont tous différents et Nosferatu laisse beaucoup transparaître de la personnalité des joueurs. Certains vont plutôt exploiter les aspects tactiques, d’autres jouer avec la psychologie, etc.
La thématique du jeu a-t-elle toujours été le vampirisme ou a-t-elle évoluée au fil du temps ?
C’était d’emblée le vampirisme. Je suis depuis gamin fasciné par les films de vampire les plus lents, les plus mystiques, comme le Nosferatu de Murnau et surtout celui de Herzog, avec Bruno Ganz, Roland Topor, Isabelle Adjani, etc. Le choix du nom du jeu en découle, c’est un hommage à ces deux films hors du commun. Je voulais donc traduire le thème en mécaniques de jeu. C’est ma démarche dans la plupart de mes projets : créer d’emblée une synergie entre un thème et une mécanique. C’est pourquoi la mécanique est fortement imprégnée du thème : le lever du jour peut provoquer la perte du vampire et les chasseurs mordus peuvent jouer malgré eux contre leur camp car ils sont sous « l’emprise du mal ».
Comment s’est fait le choix de l’illustrateur qui a, rappelons-le, signé une partie des dessins du sublime Archipelago?
Grosso Modo m’a associé à 100% du processus éditorial : choix de l’illustrateur, brief, maquette de la boite, mise en forme des règles, etc. Pour un auteur, c’est idéal. Arnaud Pierru a travaillé avec moi à rendre les règles claires et Yoann Laurent de Blackrock a apporté la touche finale. C’est mon premier jeu édité, j’ai beaucoup appris avec eux. Concernant les illustrations, j’ai proposé une liste de noms et Ismaël était en tête de liste. Grosso Modo l’a choisi. Il faut dire qu’Ismaël a un talent fou. Je voulais que Nosferatu ait des illustrations plutôt réalistes, pour qu’il soit un beau jeu d’ambiance, sans pour autant être austère ou trop sérieux. Le résultat est fantastique.
Quelle a été ta réaction en ayant dans la main le produit finalisé?
Pour l’instant, je n’ai vu que les fichiers d’infographie, car la fabrication est en cours. Nous serons livrés pour le salon de Cannes, donc fin février. Le jeu sera dans les boutiques un peu après. Cela dit, c’est déjà très émouvant de voir la boite et les règles mises en forme par des pros, car je me revois 15 ans en arrière faisant mes premières parties de Nosferatu avec les potes !
Quelle étape de la conception d’un jeu te procure le plus de plaisir ?
L’écriture des règles. C’est peut-être à cause de ma formation de juriste ! Cela peut sembler un peu austère, mais c’est en mettant les règles à jour au fil des tests que l’on sent son jeu évoluer et progresser. Bien-sûr, les fous-rires des joueurs sont parmi les meilleurs moments d’un auteur !
As-tu d’ores et déjà d’autres projets sur le grill ? S’ils ne sont pas classés secret-défense, peux-tu nous en toucher un mot ?
Comme la plupart des auteurs, j’ai une tonne de projets sur le grill ! Le plus avancé est un vieux projet, encore plus ancien que Nosferatu, dans lequel je me suis replongé depuis deux ans. C’est un jeu de plateau sur un background policier. Rien à voir avec un jeu d’enquête : c’est un jeu de tactique, de bluff et de diplomatie pure. J’espère le finaliser cette année, mais je prends mon temps pour peaufiner les équilibrages et la fluidité des mécaniques.
Quel est ton dernier coup de cœur ludique ?
Difficile de n’en citer qu’un ! Ca fait un peu lèche-bottes, mais tant pis : la réédition de Rome & Carthage par Grosso Modo a été pour moi un événement. C’est d’ailleurs grâce à ça que j’ai rencontré Grosso Modo : sur leur stand à Paris Est Ludique en juin 2012, ils faisaient jouer à la version historique de Rome & Carthage, l’édition de 1954. Ca a été un choc pour moi d’y voir ce matériel tout droit sorti de mon enfance ! La réédition m’a donné l’occasion d’y rejouer plusieurs fois et le jeu est toujours aussi bon. Sinon, ces derniers mois, mes coups de cœur ont été le Sherlock d’Arnaud Urbon et aussi Water Lily. Et puis il y a ceux dont je ne me lasse pas de jouer avec mes proches : Ghost Stories, La Guerre des Moutons, Guerre et Bêêêh…
Quels sont tes derniers coups de cœur, tous médias confondus ? (BD, ciné, romans, musique…)
Ciné : Melancholia et la Cabane dans les Bois (le grand écart, quoi !) Roman : Le Trône de Fer. Musique : la réédition de Flue, un side-project d’un ex-Mecano (les hollandais, pas les espagnols). BD : Quai d’Orsay.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Trop cool ! « Quels sont les 7 CD que tu emmènerais sur une île déserte ? » - Spirit of Eden de Talk Talk / Rock Bottom de Robert Wyatt / Stella Obscura de Opera Multi Steel / Giant Normal Dwarf des Nits / Organisation de OMD / The Figure One Cuts de Minimal Compact / The Tower des Legendary Pink Dots
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Ouhla … ça va faire mal.
Si tu étais…
un personnage de BD : Milou, ça ferait plaisir à mon fils
un personnage biblique : Plutôt que de dire une énormité, je passe.
un personnage de roman : Jean-Baptiste Adamsberg
une chanson : « Le Chercheur d’Arbres » de Hide&Seek
un mécanisme de jeu : un jet de dé (le hasard fait bien les choses)
un instrument de musique : le triangle (je ne suis pas un gars compliqué)
un jeu de société: Diplomatie
une recette culinaire : un sucré-salé, en tous cas
une pâtisserie : l’éclair au café
une ville : Genève
un monument : Aucun, je n’aime pas être pris en photo.
une boisson: une eau pétillante
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Merci à toi et longue vie aux Sentiers de l’Imaginaire !