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Entretien avec Sylvain Dorange
interview accordée aux SdI en février 2013


Bonjour et merci de vous prêter au jeu de l'interview... Question préliminaire : êtes-vous farouchement opposée au tutoiement ?
Non, tu peux y aller !

Merci bien… Peux-tu en quelques mots nous parler de toi (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)?
Je suis né à Fréjus en 1977 avec un crayon dans les mains. En primaire je rencontre Franck Viale, je ne cesse de dessiner, de faire du sport et de la musique (clavier et piano) dans différents types de groupes (rock progressif, speed métal, impro, rock indé...). mes facilités en math me conduisent à un Bac Général Scientifique obligatoire pour pouvoir entrer dans une école d'art, en l’occurrence « Les arts décoratifs de Strasbourg » dont je sors diplômé en illustration (formé par Claude la Pointe)


Pourquoi les Arts Déco de Strasbourg si cela n’est pas indiscret?
J'étais en école préparatoire à Nice et je n'avais jamais entendu parler des Arts Déco de Strasbourg. En prépa, j'ai été viré de moulage, sous prétexte que je faisais du figuratif en cachette... Quand fut venu le temps des concours d'entrée, on nous a parlé des arts déco comme une grande école... Trop grandes pour nous... Mon professeur de moulage m'a dit : soit tu l'as, et ça voudra dire que tu es très intelligent, ce qui m’étonnerait fort, donc c'est même pas la peine de t'y présenter ». Du coup à 6, on est allé passer le concours, persuader de le rater, et pour ma part en m'étant inscrit pour le concours des Beaux Arts de Nice, et d’Angoulême. Nous sommes 5 à l'avoir eu. Et ce fut 5 merveilleuses années. Où j'ai découvert toutes les branches artistiques dans les 2 premières années, et 3 ans de spécialisations en illustration. Une Vrai ouverture d'esprit avant de rentrer dans le monde un peu sclérosé de la BD (qui aujourd'hui passe les frontières),


Le fameux journal où tout a commencé…Pour beaucoup d’illustrateurs passés par les Arts Déco de Strasbourg, Claude Lapointe conservera semble-t-il toujours une place particulière… Peux-tu nous parler de cet illustre professeur illustrateur?
C'est surtout ce qu'il dégage : il ne souhaitait pas imposer un style graphique, mais plutôt donner les armes aux élèves avec leur techniques de se faire comprendre par le plus grand nombre. Il était d'ailleurs très ouvert aux nouvelles générations, et se remettait en question régulièrement, lui qui avait un style plutôt à l'ancienne. On sentait un vrai intérêt pour les élèves et je pense qu'on lui rendait assez bien... C'est très rare en effet de croiser un élève (des plus cons au plus ouverts) qui n'ait pas avoir une pensée sympa pour lui.


Enfant, quel lecteur étais-tu? La BD occupait-elle déjà une place de choix? Quels étais tes auteurs de prédilection?
Je n'ai pas eu une éducation en Bande Dessinée (mes parents n'en lisant pas) mais j'avais les classiques (Tintin and CO). J'ai lu et relu en boucle Astérix, j'ai également était marqué par les 4 As et le courageux Luc Orient. C'est bien plus tard que j'ai découvert Comes avec « Silence », l'Incal de Moebius, et d'autres grand classiques qui m'ont bouleversé. Aujourd'hui mes auteurs préférés sont Rabaté et Frédéric Peeters. Mais mes références restent dans le cinéma et dans la littérature. (Barjavel, Paul Auster, Kafka, Françoise Sagan, Jacques Demi, Polensky, Franck Cappra, Robin Hardy (The Wicker man) ...



Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
Je réalise ma première BD réalisée à 5ans (les pirates contre les corsaires 12 pages, pas encore édité), à 12 ans avec Franck Viale nous réalisions « Mango » une BD dont le Héros était un croisement entre Rambo et une sorte de chippendale à moustache. Donc non, ce n'était pas un rêve mais plutôt un choix, il y en qui veulent être plombier moi je voulais faire de la BD (quoi que j'ai un moment hésité à être John Wayne), mes parents étaient plutôt de nature optimistes, et ne m'ont jamais dit que je pourrais ne pas y arriver, de plus ne connaissant personne dans le métier, nul ne m'avait prévenu de la difficulté à être édité.


Storyboard de la page 8 de l’Arcane sans NomQuelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier?
Le problème de mon travail, c'est que c'est une passion (voir plus) une obligation à ma survie. Donc édité où pas je fais des projets, j'en suis à une quinzaine éditable. J'étais très heureux de me faire éditer peu de temps après mon diplôme, une très belle rencontre avec Robert Guédiguian et aussi Georges Lautner, deux grands messieurs du cinéma français, et de plus à l'écoute de jeunes comme je l'étais. Mais très vite je me suis fâché avec l'éditeur, comme il s'est à peu près fâché avec tous ses auteurs... Après plusieurs projets presqu'édités mais en fait pas j'ai été contacté via mon Site par Benoit Houbard, qui montait une nouvelle boîte d'édition... Nous lui avons proposé avec Franck Viale notre projet que nous avions écrit il y a quelques temps, et il l'a accepté... Tant mieux. C'est une belle rencontre, et j'espère que ça boîte va marcher comme il le souhaite, autant pour nous que pour lui, il le mérite.


En 2004 paraissait A l'attaque, ton premier album scénarisé par Robert Guédiguian. Comment as-tu rencontré le scénariste et réalisateurs des Contes de l’Estaque?
C'était un projet de Proust (éditeur), dont j’ai appris l’existence par l'intermédiaire de Stéphanie Hans. Je lui ai tout de suite proposé une adaptation storyboardé de ce film... Et avec quelques retouches, ça a fonctionné... C'est une adaptation libre à partir du scénario écrit de Guédiguian. Je n'ai rencontré Robert, qu'après la parution de l'album, lors des nombreux rendez-vous avec le public. Je crois que nous nous sommes bien entendu.


Qu'as tu fait durant les six années qui séparent Marius et Jeannette et l'équation interdite et qui apparaissent comme ton Grand Hiatus ?
Je me suis occupé des futurs morts ainsi que des nouveaux vivants, sans oubliés les anciens vivants mais pas encore morts … J'ai proposé de nombreux projets de BD a plusieurs éditeurs qui n'ont jamais vu le jour … « Les promeneurs du temps », fait partit de ces nombreux projets. Du coup j'ai fait un peu de Com, des Dessins animés (2D) pour le théatre, génériques de courts métrages, installations, films pour les enfants cancéreux (sur la radiothérapie ), pour la pub... Des storyboards, j'ai donné des cours de com, j'ai fait pas mal de Site Web … Sans perdre de vue mon but premier : faire de la BD...


Comment as-tu abordé le travail graphique cette série fantastique, polar ludique et jubilatoire, des Promeneurs du Temps? L’apparence du Commissaire Ambroise Clé s’est-elle rapidement imposée ou est-il passé par différentes étapes?
Je n'ai pas de style prédéfini et j'essaye de l'adapter en fonction du sujet. Pour cette série, au premier abord j’ai dessiné à la ligne claire... pour en fin de compte les enlever et obtenir des formes colorées sans contour. Le dessin devenait moins figé et ainsi plus proche du concept de la série. Comme elle le dessin parait très proche de la réalité certain me demande même si ce n'est pas vectoriel, mais quand regarde mieux le trait est mou, et en fin de compte très lâché. Quand au commissaire Clé, il s'est en effet très vite imposé, très classique par apport à l'image d'un héros de 1900, c'est surtout ses proportions surréaliste qui en font un personnage à par entière. Et son stoïcisme légendaire.


Planche 8 finalisée de l’Arcane sans Nom Comment s’est organisé le travail avec Franck Viale? Du synopsis à l’album finalisé, quelles furent les différentes étapes de ton travail en commun sur cet album?
Nous avons discuté au tour d'un verre, du sujet proposé par Franck, des paradoxes temporels, de l'idée de série, etc... Nous l'avons pensé en 6 tomes, et Franck m'a envoyé les synopsis des 6 tomes. En suite il écrit seul les scénarii (il me suggère quelques plans mais ne s'occupe pas du découpage papier), épisode par épisode, il me les fait lire, je les critique, il réécrit en fonction. En suite, seul, je réalise le découpage du storyboard, je lui fais lire, ainsi qu'à l'éditeur, ils critiquent, je corrige... Une fois ok, je réalise la BD.


Quelle étape te procure le plus de plaisir dans l’élaboration d’un album?
Le plus grand plaisir pour moi, est de me poser dans un café avec une bière, et me mettre à lire le scénario que Franck vient de m'envoyer... Les images se forment immédiatement dans ma tête, et j'ai déjà hâte de lui envoyer les portrait de ses personnages, qui je le sais déjà, vont le surprendre, car loin des portraits qu'il s’en était fait en les inventant.
Au niveau de mon travail personnel, c'est évidemment le découpage pendant le storyboard. Je n'arrive d'ailleurs qu'à lire le Storyboard réellement avec un regard extérieur. Je ne peux pas avant quelques années, lire une de mes BD, sans m'arrêter sur le graphisme. Alors que le storyboard me permet de suivre l'histoire sans problème.


Quels outils utilises-tu pour donner vie à tes planches?
Je ne travaille qu'à la palette graphique, que ce soit pour la recherche de mes persos, les décors, et les croquis, ainsi que la réalisation finale. Pour moi c'est plus simple plus rapide, et je suis moins critique avec le rendu, mais comme tout le monde je préfère les encrages à la main... et passer du temps devant un original que je n'aurai jamais, en tout pour cette série...


Quels sont tes projets en cours ou à venir ?
Je suis en train de faire une BD Avec Thomas Riot (spécialiste du Rwanda), qui parle d'une jolie histoire d'amour entre une jeune française et un Rwandais qui a participé au génocide entant que leader vingt ans plus tôt...

Quels sont tes derniers coupe cœur, tous médias confondus ? (bd, ciné, romans, jeux, musique...)
BD - Toujours Gipi, plus j'en découvre plus j'aime ...
CINE - Pas trop le temps...
ROMAN – la petite marchande de vermicelle de Nguyên Quang Tuiêu
MUSIQUE – Pit-Er-Pat – Deerhoof – Jean-Claude Risset.

Y a-t-il une question que je n'ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Non...

Recherche sur le personnage d’Ambroise ClefPour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


un personnage de BD : Luc Orient
un personnage biblique : Joseph
un personnage de roman : Côme (du Baron Perché)
une chanson : le sud de Risset
un instrument de musique : Piano
un jeu de société : un dé
une recette culinaire : un aïoli
une pâtisserie : un croissant au beurre
une ville : Pompéi
une qualité : la patience
un défaut: la paraphasie
un monument : la maison Bulle de Jérôme Peyret
une boisson : un bourgogne
un proverbe : « le cul des Bergers sentiront toujours le thym et le romarin »

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Le Korrigan