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Entretien avec Brüno
interview accordée aux SdI en octobre 2013


Bonjour et merci de vous prêter à ce petit entretien…
Petite question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Non

Merci bien… Peux-tu en quelques mots nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
J’ai 38 ans; je suis né en Allemagne, j’ai une maitrise d’arts plastiques. Je fais de la bande Dessinée depuis une vingtaine d’années.

Enfant, quel lecteur étais-tu ? Quels étaient alors tes livres de chevet ?
Un lecteur boulimique, j’adorais (et j’adore toujours) la BD. Des livres de chevet, il y en a eu des tonnes, Gotlib, Morris, Peyo, Hergé etc. Puis plus tard, à l’adolescence, Schultheiss, Manara, Pratt, Munoz, Breccia, Moebius...

Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse? Des dessinateurs en particulier ont-ils suscité cette vocation?
Même si j'adorais la bande dessinée, devenir un auteur me paraissait totalement utopique. Je n'ai pas vraiment eu un parcours qui me prédestinait à ce métier, cela s'est fait un peu par hasard, en grande partie grâce à de belles rencontres faites à la fac de Rennes. J’ai fait mes premiers livres avec des potes qui avaient monté une petite structure d'édition.

rough de la couverture© BrünoQuelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
La plus grande difficulté est celle de ne pas pouvoir toujours coucher sur le papier les images mentales qui apparaissent lorsque j’adapte un scénario. Et une des plus grandes joie est précisément l’inverse, lorsque je parviens à matérialiser ces images mentales.

Dès ton premier album, tu as privilégié un style très caractéristique qu’on pourrait qualifier de minimaliste. Qu’est ce qui a présidé à ce choix graphique?
Ce ne fut pas un choix, ce style très synthétique s’est imposé naturellement, comme une solution pour pouvoir créer des images fortes malgré mes lacunes techniques.

En 2011, tu signes le brillant Atar Gull avec Fabien Nury. Comment vous êtes-vous rencontré ? Qu’est-ce qui t’avais séduit dans cette adaptation du roman d'Eugène Sue?
Lorsque Fabien m’a envoyé le scénario d’Atar Gull, j’ai tout de suite été emballé. C’était une manière incroyable de traiter de l’esclavage, sans le manichéisme habituel que l’on trouve à chaque fois que l’on aborde ce sujet.

rough de la planche 4 de Tyler Cross © BrünoTyler Cross, polar sombre et violent évoquant le cinéma des années 50 vient de paraître sur les étals. Comment est né cet album jubilatoire et percutant?
Bien que nous ne nous connaissions pas, avec Fabien, on s’est éclaté à travailler sur Atar Gull, et, fiers du résultat, on a eu aussitôt envie de repartir à l’aventure ensemble. Il y avait un désir de polar noir, de belles blondes et de rednecks, Fabien m’a passé des photos de Bogart dans High Sierra, avec son fusil à pompe… De là, on a très vite décidé de créer un antihéros, laconique et meurtrier, héritier de l’homme sans nom de Leone, de Lee Marvin et Jack Palance.

Est-ce à partir de ces photos de Bogart que s’est construite l’apparence si particulière de Tyler Cross?
Pour l’esprit oui, en revanche, plutôt que Bogart, je suis allez voir du côté de Jack Palance pour l’aspect physique du personnage.

Le polar hardboiled était-il déjà un genre que tu appréciais particulièrement? Quelles sont tes références en la matière?
Je ne suis pas un grand lecteur de romans, et j’avais peu de références en la matière. Pour ce qui est des films, il y en a trop : High Sierra, Kiss me deadly, L’enfer est à lui...

encrage de la planche 4 de l’album© BrünoComment s’est organisé votre travail avec Fabien Nury : du découpage à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de votre travail ? Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes ?
Je travaille par séquences, donc, j’envoie à Fabien un story-board d’une dizaine de pages, puis on en discute longuement, on les retravaille pour faire en sorte que la mise en scène et la rythmique de l’album soient au cordeau. Lorsque nous sommes d’accord sur la mise en scène, je passe à l’encrage.

Quelle étape de la réalisation d’un album te procure le plus de plaisir?
L’encrage est de loin la phase la plus sensuelle, le scénario et le découpage les plus ludiques, et les crayonnés, les plus laborieuses.

Laurence Croix signe une fois de plus les couleurs de l’album. Comment as-tu fait la connaissance de cette talentueuse coloriste avec qui tu as signé tant d’albums? A partir de quelle « matière » met-elle tes planches en couleur ?
Nous nous connaissons depuis la fac. Pour ce qui est des couleurs, on discute un peu avant de l’ambiance générale du livre, puis elle m’envoie les pages en couleurs, au fur et à mesure que je livre les pages encrées. Ces versions sont un premier jet qui va parfois demander beaucoup de discussions, d’aller-retours (et de patience de sa part !) avant que l’on trouve la bonne gamme de telle ou telle séquence un peu particulière.

Mise en couleur de la planche 4, première version © Laurence Croix/ BrünoLa couverture de l’album couleur évoque à elle seule être les polars des années 50. Comment se sont ait les choix graphique de cette dernière? Existait-il des couvertures alternatives?
On a, naturellement, fait des recherches d’affiches et de couvertures « pulp », pour déterminer notre charte graphique. Celle-ci avait vraiment la classe. On en a essayé d’autres, et bien sûr on ne s’est pas contenté de transposer, mais l’esprit général était là.

Une suite aux aventure se Tyler Cross est d’ores et déjà sur les rails… Quand donc est née cette envie de poursuivre l’aventure ?
Dès le début, nous avions prévu de lui faire vivre plusieurs aventures. Le personnage a trop de classe pour qu’on se contente d’un seul volume.

Quand se situera l’action de ce déjà très attendu second opus ?
Nous retrouverons Tyler au bagne, en Louisiane, dans le pénitencier d’Angola.

As-tu d’autres projets sur le grill ?
Pornopia, en février aux éditions Glénat, et bien sûr, Tyler Cross 2, Fabien Nury a dèjà écrit le scénario, moi je n’ai plus qu’a me mettre au boulot.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Dark Magus, un live de Miles Davis qui date de 1974. En BD, Scalped, (chez Urban Comics) une série noire qui se déroule dans une réserve indienne.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
euh, je ne crois pas.

 Mise en couleur version définitive de la planche 4 © Laurence Croix / Brüno Pour finir et afin de mieux te connaître, voici un petit portrait chinois à la sauce imaginaire… Si tu étais…

un personnage de BD :Alack Sinner
un personnage mythologique:Perséphone
un personnage de roman:K.
une chanson:What’s Going On
un instrument de musique:Un orgue Hammond
un jeu de société:L’awalé
une recette culinaire:Un croque madame
une pâtisserie:Un Apfelstrudel
une ville:Nantes
une qualité :L’Humour
un défaut:La Susceptibilité
un monument:Aucun
une boisson:Du thé vert
un proverbe :Une devise, plutôt : Liberté, Egalité, Fraternité

Un dernier mot pour la postérité ?
Eh, c’est un peu tôt pour ça, non ?
Le Korrigan