Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au « tutoiement » ?
Bien sûr que non, je l’utilise encore de temps en temps malgré ma renommée grandissante. Il est important de garder les pieds sur terre quand on passe la plus grande partie de sa vie à jouer
Merci bien
Peux-tu en quelques mots nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux îles caïmans…)
Mes amis m’appellent PJ (pour Petit joueur …). J’ai 36 ans avec un bac littéraire en poche, mais qui ne m’a pas épargné les boulots alimentaires. Comment reprendre sa vie en main ? C’était soit reprendre les études, soit tenter ma chance. Alors j’ai choisi la création d’entreprise, mais pour quoi faire ? La réponse était évidente, jouer.
D’abord en ouvrant ma boutique il y a 9 ans. Plein de rencontres intéressantes et l’apprentissage de la filière sur le tas. Il manquait pourtant quelque chose pour que tout soit parfait, un désir remontant à loin : la création, partir d’une feuille blanche. C’est aujourd’hui chose faite, pour la deuxième fois !
Sinon pour tous ceux qui rêvent de richesse dans le jeu, j’ai bien quelques lingots qui s’entassent sur un compte au Liechtenstein, au nom d’Heinrich. Je vous invite tous à y participer en scannant le plus souvent possible le code barres en bas à droite au dos de la boite.
Enfant, quel joueur étais-tu? Quels étaient tes jeux de prédilection ?
J’adorai les livres dont vous êtes le héros et les Lego (Aujourd’hui encore ! Mais je n’ai pas d’enfants, alors je ne peux pas leur piquer les leurs…) Un jour, peut-être à 7 ou 8 ans, mon frère a reçu une boite rouge, Donjons et dragons. Ce fut une révélation. J’allais devenir auteur de jeux de rôle (J’y travaille toujours …)
J’ai immédiatement mal tourné. Je me suis mis à fréquenter assidument les mauvais lieux où contre quelques piécettes on pouvait repartir avec un jeu complètement hermétique aux parents. Le graal ! Puis ce fut Détective conseil, Junta et plein d’autres. Et surtout L’appel de Cthulhu, mon préféré aujourd’hui encore ! (A ce propos, je suis très admiratif du travail fait par Sans Détour.)
Si tu devais en quelques mots expliquer à ma grand-mère ce qu’est le JdR, que lui dirais-tu ?
M’enfin grand-mère, t’as rien compris ! C’est Cthulhu, pas le loup !
Rares sont les adultes s’adonnant au jeu de société… N’avez-vous jamais cessé de jouer ou un jeu en particulier vous a-t-il fait basculer dans le jeu de société pour « adulte » ?
J’ai bien eu une période à l’adolescence où je jouais un peu moins aux jeux de rôles et aux jeux de société, la faute à la Super Nintendo et son monde aux 36000 couleurs ! Attention, je ne renie pas le moins du monde cette période, j’ai d’ailleurs un émulateur de cette console que j’allume de temps en temps pour mon plaisir, certainement par nostalgie car je ne suis plus du tout jeux vidéos aujourd’hui.
Mais je pense y revenir prochainement pour des raisons professionnelles. Beaucoup de jeux de société se déclinent à présent en numérique. J’attends encore de voir dans quel sens évolue ce phénomène.
Mais pour en revenir aux anciens jeux vidéos, je les trouve aujourd’hui affreusement durs ! Et dire que je les finissais à l’époque, je comprends mieux pourquoi j’avais du mal à l’école !
Pourquoi suis-je revenu au jeu de société et au jeu de rôle ? Parce qu’au final ils sollicitaient beaucoup plus l’imagination. Je pouvais écrire une aventure, ou carrément réécrire les règles d’un jeu. Peut-être un côté Lego que les jeux vidéos ne pouvaient m’offrir.
De joueur passionné vous êtes devenu joueur-vendeur puis joueur-vendeur-auteur-éditeur… En 2012 paraissait le premier jeu de la société Petit Joueur et premier jeu auquel vous apparaissez au « générique »… Pourquoi avoir voulu créer votre propre société d’édition plutôt que de proposer Jack Bananas à une boîte existante ?
Parce qu’avec le temps je me suis découvert une nouvelle passion, l’entreprenariat. A bien des égards, cela ressemble à une immense partie grandeur nature, où l’on remplace les cubes en bois et les pions par de vraies ressources et de vrais gens !
Proposer le jeu à un autre éditeur, pour qu’il puisse disposer librement de mes petits cubes en bois et poser mes pions où bon lui semble ? Non. Ca ne m’ennuie pas de perdre à un jeu, mais je n’aime pas qu’on décide de mes coups à ma place. J’ai qui plus est aujourd’hui un aperçu de toute la filière du jeu, depuis la création jusqu’à l’animation du produit. C’est inestimable.
Il faut dire aussi que je ne partais pas de zéro. Grâce à la boutique, je disposais quand même d’une certaine expérience dans ce milieu, d’un réseau et d’un carnet d’adresses. Tout cela m’a quand même bien mis en confiance, mais ne m’a pourtant pas mis à l’abri de plusieurs erreurs. Il s’agit tout de même de deux métiers bien différents ! J’ai beaucoup appris avec Jack Bananas. Je pense avoir fait un bien meilleur travail sur Bioutifoul. Mais Jack restera le premier…
Pouvez-vous en quelques mots nous parler de Bioutifoul, votre second jeu?
C’est de loin la question la plus difficile, tellement la tête dans le guidon et l’envie que ça marche, ne serait-ce que pour pouvoir en faire un troisième. Que dire sur Bioutifoul ? 18 mois de travail et une équipe dont vous allez entendre parler : Sophie (Alice), Silvère (Rodrigo), François (Sunny), et moi-même (Heinrich). J’y crois vraiment, essayez le !
Habituellement, lorsque tu te lances dans la création d’un jeu, commences-tu par réfléchir à une thématique ou à une mécanique?
Je n’ai pas vraiment de règle générale. Disons que pour moi l’un ne va pas sans l’autre et dans le processus d’écriture d’un jeu, j’avance un peu par ricochet entre le thème et la mécanique. Il m’arrive par exemple de trouver une idée de mécanisme sympa, mais de la laisser provisoirement de côté car je ne parviens pas à la développer à travers un thème approprié. L’inverse est tout aussi vrai.
L’étincelle a lieu quand les deux se rencontrent, souvent devant un autre jeu, et c’est une combinaison qui me semble alors tout à fait naturelle. Ça s’imbrique plutôt facilement à partir de ce moment là car tout coule de source. Attention je parle là de l’idée générale du jeu, et non de son équilibrage qui m’est toujours beaucoup plus fastidieux.
Je suppose que tu travailles déjà sur d’autres projets ? Peut-on en savoir plus si ce n’est pas classé secret défense ?
Prudence, la NSA écoute.
Quels est actuellement ton jeu de chevet ?
Je dirai Les châteaux de Bourgogne de Stefan Field. Un jeu faussement compliqué quand on l’explique pour la première fois, et qui se déroule tout seul une fois la partie lancée. Surtout, il me change un peu des jeux de gestion de ressources, que j’apprécie en général beaucoup. Là, on optimise le hasard… Mais pour le coup on oublie complètement le thème très superficiel.
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Le film Rush de Ron Howard. Il retrace la lutte épique entre James Hunt et Niki Lauda lors du championnat 1976 de F1. Ce genre d’histoire où la réalité dépasse la fiction. Mon seul regret dans ce film, l’absence de ces odeurs si caractéristiques des courses automobiles : la gomme brulée, l’huile, le carburant… alors oui je sais, ce n’est pas très écolo aujourd’hui de tenir pareils propos, mais je brûle d’une véritable passion pour ce sport. Je n’ai d’ailleurs jamais manqué UNE SEULE course de F1 depuis près de 20 ans !
Pour finir et afin de mieux te connaître, voici un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
un personnage de BD: Gaston Lagaffe
un personnage mythologique: Ulysse 31
un personnage de roman: Nyarlathotep
une chanson: les génériques de Tom Sawyer
un instrument de musique: le gaffophone
un jeu de société: Axe & alliés
un mécanisme de jeu de société : regarder l’adversaire pleurer
une découverte scientifique : le boson de higgs
une recette culinaire: eau plus sucre égal caramel
une pâtisserie: toutes, je ne suis pas difficile.
une ville: Metz
une qualité : ambitieux
un défaut: une petite touche de gourmandise tout au plus
un monument: la F1 RB 7 à diffuseur soufflé, par Adrian Newey
une boisson: le chocolat chaud
un proverbe : je te l’avais dis que c’était chaud !
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !