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E.Courbier et B. Dahan sur le divan
psychanalyse effectuée par les SdI en mars 2014


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’interview…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Erwan: C’est toi qui voyez, les deux me vont.
Benoit: Non, ça m’est égal, on peut faire preuve de respect ou au contraire en manquer, que l’on vouvoie ou non…

Merci bien…Pouvez-vous en quelques mots nous parler de vous? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Erwan :Mon parcours est très banal, j’ai 40 ans cette année, l’année de tous les dangers, donc, études de commerce international, et aujourd’hui je suis acheteur dans une entreprise. Pour ce qui nous intéresse, ma philosophie de la vie est que nous existons pour nous distraire et pour créer, donc je m’intéresse de près au cinéma fantastique (à tout ce qui est fantastique en général, à vrai dire, quelque soit le format), aux jeux vidéo, à la musique…A tout ce qui raconte des histoires, en fin de compte. Logiquement j’aime en raconter, d’autant plus que j’aime manier les mots. Pour ce qui est de mon numéro de carte bleue, je veux bien en donner un : le 4.
Benoit: J’adore les petits suisses et j’ai une relative sympathie pour les reptiles… smiley J’ai 38 ans. J’ai fait une école de graphisme (dessin, composition, typographie, photo…), l’ESAG rue du Dragon à Paris, puis je me suis enfui de la grotte (du dragon) car je n’y faisais plus assez d’illustrations les dernières années. Alors je me suis vite mis à travailler pour l’illustration de presse, les livres jeunesse, un peu de pub et de design graphique mais pas trop. Ce n’est qu’au bout de quelques années que j’ai osé tenter un vrai projet de BD, qui a toujours été ma passion principale : raconter des histoires, visuellement et scénaristiquement.

Psycho-Investigateur, Drink & Enjoy © Physalis / Dahan / CourbierEnfant, quel lecteur étiez-vous ? Quels étaient alors vos auteurs de chevet ?
Erwan :D’abord des comics, des comics et encore des comics. Et j’aime toujours ça. Egalement de la BD plus traditionnelle. Puis j’ai exploité la bibliothèque de mon père, féru de SF, pour plonger dans l’imaginaire de l’âge d’or de la Science Fiction. D’abord des livres « simples » à lire (Van Vogt par exemple), puis plus complexes, d’Asimov jusqu’à Arthur C. Clark. Un peu plus tard, je me suis aussi intéressé au fantastique (Stephen King, bien entendu, mais aussi des classiques comme Lovecraft ou Poe). C’est la nouvelle « Il était une fois un monstre » de Richard Matheson, qui nous a quitté il y a peu, qui a été l’électrochoc pour moi. J’ai découvert à sa lecture le pouvoir des mots.
Benoit: Au début je ne lisais presque que des BDs, puis des comics Américains de super-héros, peu de littérature. Les romans qui m’ont marqué pendant mon adolescence : Rhinocéros de Ionesco, 1984 d’Orwell, Candide de Voltaire… Mais à ces quelques exceptions près, je ne m’y suis vraiment intéressé qu’après le lycée. Et je suis avant tout un énorme fan de littérature « Victorienne » (XIX° siècle) notamment tous les livres les plus préfiguratifs de la SF et du fantastique, bref H.G. Wells, Conan Doyle, Jules Verne, Stevenson… Mes héros sont souvent les plus intellectuels et variés dans leurs capacités.

Psycho-Investigateur, Noël 2013 © Physalis / Dahan / CourbierDevenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
Erwan :Quand j’étais gosse, je voulais être écrivain quand mes copains voulaient être pompiers. J’ai fait plusieurs essais en ce sens, mais j’ai dû me rendre à l’évidence, le format « roman » n’était pas pour moi. Je m’intéresse plus à la narration et aux idées fortes qu’au style.
Benoit: Oui, complètement. Je ne peux pas répondre plus clairement !

Mon petit doigt m’a dit que vous avez pratiqué le jeu de rôle… Était-ce déjà pour le plaisir de raconter des histoires ?
Erwan :Pas seulement, également pour le plaisir d’en vivre une. Mais c’est vrai que j’étais très souvent maître de jeu, et que j’écrivais des scénarios souvent basés autour d’une idée forte. Le JdR est l’occasion de raconter ses histoires et de les faire vivre, en profitant d’un retour immédiat des joueurs. D’ailleurs, notre premier projet de BD était l’adaptation d’un univers que nous avions développé en JdR !
Benoit: Oui, je crois que raconter des histoires, que ce soit visuellement, scénaristiquement, musicalement, ou ludiquement est ce qui me stimule le plus dans la vie. Ca peut sembler très vain, mais la création de « mondes », d’histoires, et en fait toute forme de création, nous fait effleurer le divin. Et quand je dis ça, il n’y a pas une once de religion dans mon discours…!

Psycho-Investigateur, croquis © Physalis / Dahan / Courbier Si vous deviez en quelques mots expliquer ce qu’est le JdR à ma grand-mère, que le diriez-vous ?
Erwan :S’assoir autour d’une table, écouter celui qui dirige la partie exposer des situations, et réagir en direct suivant le rôle qu’on joue, comme au théâtre. Je crois bien que c’est comme ça que je l’avais expliqué à ma grand-mère !
Benoit: Je dirais comme Erwan. Mais pour ajouter une touche grandiloquente, j’ajouterai que le jeu de rôles est une démonstration de pouvoir d’imagination mutualisée. Comme un groupe de musique qui fait un « bœuf », en improvisant. La différence est que tout le monde n’est pas obligé d’avoir un grand talent pour que ça tienne la route… T’es toujours avec nous, Mamie ?

Quels étaient alors vos jeux de prédilection ?
Erwan :Au tout début D&D puis AD&D, mais je crois que nous avons passé le plus de temps sur L’appel de Cthulhu, Star Wars et DC Heroes, un jeu basé sur l’univers de l’éditeur avec plein de super-héros dedans, et un système de règles génial car d’une simplicité totale (version du début des années 90 avec 2D10).
Benoit: Oui, on a aussi joué à Légende des 5 Anneaux, Vampires, Zombies. Personnellement, je n’ai pas trop aimé ces deux derniers, mais beaucoup le premier. En y repensant maintenant, les jeux que je préfère encore sont L’Appel de Cthulhu (que nous utilisions parfois sans monstres, dans des scénarios plus « Sherlock Holmes »), et DC Heroes.

L’univers de Psycho-Investigateur évoque par bien des aspects celui de la Méthode du Docteur Chestel… L’avez-vous pratiqué ?
Erwan :Et non, désolé !
Benoit: Un ami m'a parlé de ça après la sortie du tome 1 de 'Simon Radius' en 2005… Mais non je n'en avais jamais entendu parler avant, et je n'ai pas fait de recherches dessus après (ça m’est sorti de la tête). De ce qu'il m'avait dit, ça avait l'air très sympa et original.

Psycho-Investigateur, croquis © Physalis / Dahan / Courbier Pour clore cet intermède rôlistique, quels sont vos meilleurs et vos pires souvenirs de rôlistes?
Erwan :J’ai un souvenir ému d’un scénario que j’avais écrit pour Star Wars, où les joueurs devaient voler les plans de l’étoile de la mort, vivant ce qu’on ne voit pas dans les films. Et c’est bien normal qu’on ne le voit pas, car le plan que les joueurs ont inventé a été plus que surprenant, et irracontable car largement interdit aux moins de 18 ans. J’ai rarement autant ri. D’une façon générale, j’ai adoré une grande période de jeu, à DC, pendant laquelle les joueurs me confiaient leur fiche à la fin de chaque partie. C’était moi, en tant que maître de jeu, qui décidait comment allait évoluer les personnages d’une histoire à l’autre. Une façon de construire un univers qui était passionnante. Mais pires souvenirs sont tous liés à des histoires de règles, l’aspect qui m’ennuie le plus dans les jeux de rôle.
Benoit: Je partage les mêmes bons souvenirs qu’Erwan, puisqu’ils sont communs. Certains sont hilarants. À DC Heroes, on a vraiment poussé loin nos créations, avec tout un groupe de super-héros à thème démoniaque, dont on a par la suite développé un projet de BD trop ambitieux (envoyé à Dark Horse Comics et DC sans succès…). J’ajouterai mes souvenirs antérieurs de jeux : mes premières expériences de Donjons & Dragons à 9 ans, où j’arrivais à avoir vraiment peur quand on me disait qu’un gobelin approchait au fond d’un tunnel sombre… Mais c’était sain, ça restait « mignon », comme dans un conte de fées. Mes pires souvenirs sont ceux que beaucoup d’ados qui se cherchent ont du connaître aussi : les joueurs qui se complaisent à jouer des personnages « chaotiques-mauvais » et qui bousillent tout le scénario du maître de jeu.

Psycho-Investigateur, croquis © Physalis / Dahan / Courbier En 2005 paraissait Les fantômes de la culpabilité, premier tome Simon Radius. Se faire éditer a-t-il relevé du parcours du combattant?
Erwan :Nous avons pris la mesure des obstacles qui se dressent face à une production originale. On a entendu des choses… Bref, il faut garder le moral et avoir foi dans ce qu’on fait. Je n’ose imaginer le nombre d’œuvres novatrices et sans doute géniales qu’on ne verra jamais. Ce n’est pas seulement une histoire de talent ou de valeur de ce qu’on présente, mais aussi une question de logique de marché, et de volonté qu’on doit mettre pour vendre sa création.
Benoit:Oh oui… Notre première BD publiée était notre troisième projet ensemble, les deux premiers n’ayant jamais trouvé preneur, et chacun ayant donné lieu à de longs démarchages.

Comment est né ce concept original et novateur de psycho-investigateur ?
Erwan :Après deux projets qui ont échoué, nous avons cherché un concept à la fois novateur, et qui pourrait susciter l’intérêt d’un éditeur. Je serais bien incapable de dire aujourd’hui comment est née l’idée en elle-même, mais ensuite, par contre, c’est un gros travail avec Benoit pour lui donner corps, pour la rendre cohérente. Ce concept nous correspond bien, au carrefour de nos centres d’intérêt.
Benoit: Nous voulions un enquêteur spécial, un peu fantastique. Le voyage dans les rêves avait déjà été fait, mais pas dans les souvenirs ! Cela en soi, méritait qu’on y créât un cadre structuré et cohérent, une architecture qui lui serait propre, non sans rappeler la présentation visuelle chronologique d’un menu de chapitrage de DVD. Et un héros psychanalyste était encore très peu utilisé quand nous avons développé notre Psycho-Investigateur à partir de 1998, puis plus concrètement à partir de 2003, des années avant le « Mentalist ».

Psycho-Investigateur, croquis © Physalis / Dahan / Courbier Depuis, les lecteurs du premier opus guettaient le second tome de ce qui était annoncé comme une trilogie… Que s’est-il donc passé durant ces huit années ?
Erwan :Des déceptions, de l’incompréhension, et ce qu’on considère comme étant la logique de marché. Je reconnais être un peu amer sur ces 8 années… Je ne veux pas dire que nous sommes les meilleurs et qu’on aurait dû bénéficier d’un tapis rouge, je n’ai pas cette prétention, mais après un premier tome ayant reçu un accueil correct pour un premier tome écrit par des inconnus, je ne comprends toujours pas pourquoi la suite n’a pas été publiée.
Benoit: Notre éditeur précédent a trouvé notre BD pas assez « rentable », et alors que les dessins du tome 3 étaient déjà très avancés, et que le tome 2 ne demandait plus qu’à être publié depuis un moment, nous a « encouragés » à partir. Je reconnais que de mon côté, j’ai passé trop de temps au dessin et aux couleurs, mais jamais par fainéantise. Puis, entre 2009 et 2013 nous avons fait la tournée des éditeurs, cherchant à publier de préférence une intégrale. Il y eut sans cesse des rebondissements (nous avons failli publier chez Manolosanctis début 2012), des éditeurs intéressés puis finalement non… Jusqu’à ce que Physalis nous dise « oui », y compris à notre idée de trou dans la couverture !

Justement, j’allais y venir… L’(excellente) idée de la maquette avec cette pièce de puzzle manquante vient donc de vous… En tant que lecteur, un truc m’échappe : comment un livre aussi joli, avec une couverture si originale et une telle pagination (représentant 3 tomes de 46 pages) peut-il ne coûter que 18 euros? Quand on voit l’envolée des prix de la BD, on s’étonne…
Erwan :Je ne suis pas certain que nous soyons les bonnes personnes pour répondre à cette question ! C’est l’éditeur qui a fixé le prix. Nous pensions aussi qu’il serait plus cher, mais cela étant, de ce fait, le livre est très abordable au regard de ce qu’il propose, ce qui est très bien !
Benoit: Tant mieux !

Psycho-Investigateur, croquis © Physalis / Dahan / Courbier Entre la reprise de l’histoire par les éditions Physalis et sa publication, l’histoire a-t-elle connu des transformations?
Erwan :Non, tout était bouclé avant que Physalis ne décide de publier l’album.
Benoit: Nos mésaventures éditoriales, les années précédentes, nous avaient laissé le temps de tout terminer entièrement.

Ce qui est épatant dans cet album, c’est le dessin, formidablement inventif… Est-ce que ça a été un casse-tête de représenter graphiquement ces cartes du souvenir, de donner à chacun d’en eux une coloration particulière traduisant l’émotion ressentie par le patient « visité » de façon presque physique par Simon Radius ?
Benoit: Oui, parfois un casse-tête, pour ne pas trop se répéter dans les couleurs et que ce soit bien différentiable dans chaque souvenir. Les cartes du souvenir, je pense que tu parles en particulier de la partie 2 où on voit carrément un schéma avec les différentes voies mnémoniques des identités multiples d’un schizophrène, c’était très excitant à représenter et très « ludique », une fois encore. Traduire graphiquement des concepts habituellement abstraits, c’était le défi qui nous interpelait.

Comment s’est organisé votre travail sur l’album ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de votre travail ? Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes ?
Erwan :Une fois le concept établi, nous avons fonctionné pour chaque étape sous forme d’un ping-pong créatif. On discutait ensemble de la direction globale à prendre, puis je travaillais pour proposer quelque chose à Benoit. A partir de là, on travaillait ensemble pour modifier, réécrire, développer, etc… Puis je repartais retravailler, et ainsi de suite. C’était le schéma le plus fréquent, mais pas immuable, puisque Benoit pouvait très bien de la même façon proposer et écrire pour discussion. Le principe est que n’importe quel élément devait trouver notre double approbation pour être validé. Ainsi, le résultat est bien la synthèse de nos deux personnalités. Nous avons d’abord travaillé l’histoire globale, puis un synopsis grossier pour estimer le découpage de chaque scène, ensuite un synopsis détaillé et bien plus complet, jusqu’à l’écriture du script en tant que tel. Il faudrait un paquet de pages à cette interview pour visualiser ces étapes, car il a fallu le plus souvent de nombreuses versions avant d’arriver au résultat final !

Psycho-Investigateur, croquis © Physalis / Dahan / CourbierQuelle étape de réalisation d’un album vous procure-t-elle le plus de plaisir ?
Erwan :En ce qui me concerne, c’est l’étape de l’histoire et celle du synopsis détaillé, avant l’écriture des dialogues et le découpage des pages. Cette dernière étape est plus technique, ce qui est aussi intéressant, alors qu’au niveau du synopsis le travail est avant tout basé sur des idées, sur la fluidité de l’histoire et sur son équilibre. Ca c’est pour le plaisir « individuel » devant la feuille blanche, car d’une façon générale j’adore les séances créatives avec Benoit, quand les idées fusent, quand on cherche des solutions à des problèmes de narration ou de dialogues…C’est du boulot, oui, mais en même temps on s’est beaucoup amusés.
Benoit: Le brainstorming des idées avec Erwan, vraiment grisant. Je pouvais y rester plongé toute une journée avec le cerveau qui fume sans fatiguer. Ensuite, au niveau du dessin, plusieurs moments sont très agréables. Le moment où j’accouche d’une mise en page originale et qui fonctionne. Aussi, je ne vais pas être original en disant que dessiner les personnages, surtout les visages, est le bonheur pour un dessinateur, surtout quand il y a de la place pour qu’ils soient d’une taille conséquente. Encore après, le moment où la page prend vie avec le choix des premières couleurs d’une planche, cela me met en appétit. La couleur amène le vivant, le palpable, le charnel.

Revenons-en à la trame de l’histoire. Votre concept, scénaristiquement et graphiquement très original, aurait pu être décliné en plusieurs histoires qui auraient été autant d’enquêtes originales et passionnantes. Mais c’est le fil rouge du cas du Docteur lui-même qui confère à l’album sa densité et qui ne peut que captiver le lecteur… L’idée de ce souvenir qui le hante s’est-elle imposée d’emblée?
Erwan :Effectivement la trame scénaristique directement liée à Simon Radius était là dès le départ. C’est l’histoire de fond du livre. Dans le même temps, l’idée était qu’à chaque tome une histoire séparée, ayant une vraie conclusion, se déroule, en écho aux avancées du personnage principal sur lui-même. Nous pensions au départ à une publication étalée dans le temps, il était donc important que chaque tome puisse offrir un début et une fin, et dans le même temps que le lecteur ait envie de connaitre la suite.
Benoit: Notre modèle, c’était des histoires denses, remplies et finies en un tome, comme par exemple dans Tintin. Mais ça ne nous empêchait pas d’avoir une trame de fond, surtout qu’il devait s’agir d’une trilogie ! Donc on a tenté d’avoir une certaine puissance dans chaque enquête, mais aussi dans l’histoire personnelle du héros. Si bien que pour laisser la place à une grande conclusion digne de ce nom, l’enquête isolée de la troisième partie est plus petite que les deux autres. Mais comme tout est lié…

Psycho-Investigateur, croquis © Physalis / Dahan / CourbierComment avez-vous travaillé l’apparence de vos personnages ? Simon Radius a-t-il dès le départ eu cette apparence ou est-il passé par différents stades avant d’avoir celle qu’on lui connaît?
Benoit: Ouh là, non ! Il est passé par plusieurs stades. Au début, son apparence était beaucoup moins réaliste, sans doute par mon habitude de travailler plus souvent pour l’illustration jeunesse, à l’époque. D’une manière générale, en revoyant maintenant, j’optais pour des physiques très typés et bruts (peu importait leur beauté) et par la suite j’ai décidé de calmer le jeu, de rendre mes personnages un peu plus « beaux ». Même après les premiers essais rejetés, je crois qu’on sent encore une évolution entre le tout début du livre fini, et sa fin. Même en osant un peu plus de réalisme, j’ai la sensation que pour la plupart des lecteurs, nous restons dans quelque chose d’assez stylisé, ce qui me satisfait.

Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Erwan :Je n’ai pas le recul nécessaire pour beaucoup développer cette question ! La grande joie, c’est de voir se formaliser une création, et de la partager. La grande difficulté, c’est d’arriver à cette formalisation.
Benoit: En ce qui concerne la mise en page et le dessin, une des grandes difficultés est de surmonter les doutes et les milliards de questionnements qu’impliquent les prises de décisions relatives à la création d’une planche. La satisfaction arrive bien sûr quand on finit une planche et qu’elle est belle et limpide pour la compréhension du lecteur. À la parution, la joie est énorme, un peu comme un bébé qui naît (désolé pour le cliché), et pour lequel on a bataillé. De manière plus terre à terre, une des grandes difficultés est de rentrer dans le moule de l’industrie actuelle qui exige un rendement rapide avant la qualité pure.

Sur quel(s) projet(s) travaillez-vous à présent ?
Benoit: Nous travaillons sur plusieurs projets de BD en ce moment : un humoristique avec Erwan, aussi un autre projet policier et conceptuel fait en binôme, moi avec un autre ami (notre ami commun Cyril Liéron). Mais probablement, le projet que nous espérons voir le jour en premier sera un autre projet avec Erwan, une sorte de conte de fées tout public, très conceptuel sur la forme, très différent de Psycho Investigateur, mais qui devrait ravir le public des Sentiers de L'Imaginaire, notamment…

Psycho-Investigateur, carnets (mise en page) © Physalis / Dahan / CourbierTous médias confondus, quels sont vos derniers coups de cœur ?
Erwan :J’ai envie de mentionner le jeu vidéo The Last of Us, une histoire banale, mais une narration magnifique, et le film Berberian Sound Studio, qui raconte une descente aux enfers d’un bruiteur qui bosse sur un film d’horreur italien dans les années 70. Petite mention aussi en passant à Manu Larcenet, dont je ne ma lasse jamais.
Benoit: Dans un joyeux désordre, d’abord en musique Asaf Avidan, le nouvel album de R.A. The Rugged Man, Chapelier Fou, en littérature la biographie de Sir Richard Burton « Un Diable d’Homme » (fascinante), et j’accroche beaucoup sur le dessin de trois BDs que je n’ai pas encore eu le temps de lire : The Flash (DC New 52) vol 1 (par Francis Manapul), Punk Rock Jesus (Vertigo / Urban) (par Sean Murphy), et Mauvais Genre (Delcourt) (par Chloé Cruchaudet). Pas vu assez de films ces derniers temps.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle vous souhaiteriez néanmoins répondre ?
Erwan :Je crois bien que nous n’avons jamais répondu à une interview aussi complète !

Psycho-Investigateur, le bouquet © Physalis / Dahan / CourbierPour finir et afin de mieux vous connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si vous étiez…

un personnage de BD:
Erwan :Dardevil
Benoit: Batman
un archétype de jeu de rôle :
Erwan :De la SF décalée, donc Paranoïa
Benoit: une bonne enquête immersive, façon Appel de Cthulhu ou Sherlock Holmes
un personnage mythologique:
Erwan :Dans les 3 Parques, celle qui tisse le fil
Benoit: Horus
un personnage de roman:
Erwan :Cugel L’astucieux (un livre très drôle de Jack Vance)
Benoit: Sherlock Holmes ou le professeur Challenger (tous deux de Conan Doyle)
une chanson:
Erwan :« Jump Around » de House of Pain
Benoit: « Learn Truth » de R.A. the Rugged Man & Talib Kweli
Psycho-Investigateur, Dora © Physalis / Dahan / Courbierun instrument de musique:
Erwan :L’orgue électronique, mais attention, un modèle qui imite à la perfection les autres instruments.
Benoit: Un piano ou une trompette, mais non, je n’en fais pas…
un jeu de société:
Erwan :Citadelle…Ou Dixit
Benoit: Mr Jack Pocket
une découverte scientifique :
Erwan :La téléportation
Benoit: Lire dans les pensées, mais pas complètement, car ce ne serait pas drôle
une recette culinaire:
Erwan :Une galette complète avec un supplément champignons
Benoit: Un poulet Korma avec du riz pullao.
une pâtisserie:
Erwan :Tarte aux fraises
Benoit: Un gâteau au thé vert.
une ville:
Erwan :Rennes
Benoit: Paris
une qualité :
Erwan :La dérision
Benoit: L’imagination
un défaut:
Erwan :La dérision
Benoit: Manque de concentration
un monument:
Erwan :Le musée du Louvre
Benoit: La bibliothèque Fornay.
une boisson:
Erwan :Coca-Cola, mais en bouteille de verre
Benoit: Le Tamaryokucha.
un proverbe :
Erwan :Chacun voit comme il l’entend.
Benoit: Heureux les simples d’esprit.
un tableau :
Erwan :Les montres molles de Dali
Benoit: La mort de Sardanapale, par Eugène Delacroix.

Un grand merci pour le temps que tu vous nous avez accordé…
Le Korrigan