Haut de page.

Entretien avec Michel Colline
Interview accordée aux SdI en avril 2014


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’interview…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Non, surtout que tu as l'air bien intentionné smiley

Merci bien…
Peux-tu en quelques mots nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)

Je n’étais pas très passionné par l'école. J'ai lâché assez vite mes études secondaires pour rentrer aux Beaux-Arts, à une époque où le bac n’était pas encore nécessaire.
Je n’y ai pas étudié la bande dessinée mais elle commençait à être reconnue par cette institution notamment par l’explosion du mouvement de « la figuration libre » et des peintres comme Combas ou Di Rosa....
Pour ce qui est de mes comptes dans des paradis fiscaux tu comprendras que je reste discret....

Manitas, croquis © Michel CollineEnfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes auteurs de chevet ?
Je lisais beaucoup de bandes-dessinées, mais ma plus belle émotion de lecteur a été mon premier journal de Spirou acheté en kiosque, avec en couverture, Sammy de Berck. Il y avait aussi Gil et JO de Jeff Nyss que j'achetais dans une petite supérette pendant mes vacances d'été. J'ai toujours eu un grand faible pour la bd franco-belge. Je pourrai citer plein d'auteurs: Peyo, Franquin, Will, Hergé, Jijé, Jacobs, et, plus tard, la découverte d'Yves Chaland, Franck Legall, Ted Benoit, Didier Conrad.....

Devenir auteur de BD, était-ce un rêve de gosse ? Cela a-t-il relevé du parcours de combattant ?
Je ne sais pas si c’était un rêve, mais en tout cas j’ai toujours dessiné. J'ai peut-être eu du mal à l’envisager au début comme un métier. J'aimais également beaucoup le théâtre, J'en ai fait pendant pas mal d’années ainsi que la peinture, que je continue à pratiquer. Je me suis réellement mis à dessiner des bd après l’âge de trente ans. C'est vrai qu'exister dans le métier de l’édition peut ressembler à un parcours du combattant, car ce n'est pas simple de se vendre, mais la difficulté principale est de trouver son trait, son univers, travailler son dessin comme un artisan, jour après jour en préservant le plaisir, et surtout, élément essentiel, trouver de bons scénarios...



Comment as-tu rencontré Fred Le Berre qui scénarise votre dernier album, Manitas, dont le premier tome vient de sortir ? Qu’est-ce qui t’as séduit dans ce scénario ?
Notre rencontre s’est faite autour de la boxe, un univers qui m'intéressait depuis déjà quelques temps. Un ami s'entraînant dans la même salle de boxe que Fred, nous a mis en contact.
Nous nous somme tout de suite bien entendu.
Manitas, bleu et encrage © Michel CollineCe que j'aime dans l’histoire que m’a proposée Fred, c'est ce portrait croisé, cette saga qui suit les deux personnages de l’enfance à l’âge adulte, avec la boxe bien sûr en toile de fond, mais surtout une histoire axée sur le parcours intérieur de ces deux jeunes. L'idée aussi que cela se passe dans des pays lointains avec un environnement politique et social très fort, m'a séduit.
Fred a vécu quelques temps en Colombie. Son travail est très documenté, très riche tout en gardant la part belle à l’aventure.

Manitas, recherche © Michel CollineQu’est ce qui t’attirait dans l’univers de la boxe?
Je pense le mélange de brutalité et de grâce. Sur le ring, bien sûr, mais aussi dans l'entourage des combats, dans la vie même des protagonistes. Le fait aussi que ce sport soit pratiqué par des jeunes de milieux souvent modestes, aux parcours durs et attachants.

Le monde de la boxe est un univers finalement assez peu connu du grand public. La mise en scène des combats a-t-elle nécessité des recherches iconographiques? Quelles furent tes principales sources documentaires?
La boxe a perdu de sa force. Il n’y a plus à haut niveau d'affrontements comme celui d'Ali contre Foreman. Il y avait de vraies stars. Cerdan était une idole en France. Depuis Tison il n'y a plus vraiment eu de grand champion reconnu mondialement. Le cinéma a quand même exploité la force dramatique et symbolique de ce sport avec, entre autres, la saga des Rocky, ou le génial raging bull, sur Jake LaMotta. Ce film m'a évidemment nourri pour les scènes de boxe même si elles ne sont en fin de compte que peu présentes dans cette première partie. La deuxième partie comporteras sûrement plus de scènes de combats, celles, principalement, de l'affrontement entre Yuri et Ernesto,

Manitas, recherche © Michel CollinePour quelles raison Manitas a d’abord été proposée sur une plateforme de crowdfunding (Sandawe) avant d’en être retiré?
En fait la bd a été signée chez Poivre & sel bien avant. Elle était déjà avancée au niveau dessin. C'est un essai qu'a voulu faire l'éditeur, à mon avis à tort. Le site Sandawe est super pour des projets naissants, pour que les auteurs puissent échanger, montrer des dessins, des recherches, faire participer pleinement les lecteurs et leur donner l'envie de soutenir leurs futurs albums. Manitas était déjà signé et presque bouclé !!!

Manitas, réalisation d'une case de l'album, étape 1 : le bleu © Michel Colline Du scénario à la planche finalisée, comment s’est organisé le travail sur cet album? Serait-il possible pour une planche donnée de visualiser les différentes étapes de ton travail ?
Fred avait découpé l'ensemble de l'histoire et m'envoyait les planches scénarisées par 5 ou 6, Manitas, réalisation d'une case de l'album, étape 2 : l'encrage © Michel Collinede manière feuilletonesque. C'était agréable de découvrir progressivement le déroulé de l'intrigue. Ensuite, je fais mes crayonnés au bleu directement sur la planche avant d'encrer. Puis je scan et travaille les couleurs sur l'ordi .

Quelle étape te procure le plus de plaisir dans l’élaboration d’un album?
L'étape du crayonné est excitante. Les choses prennent vie progressivement. Comme un cinéaste, on choisit les plans, les cadrages, les expressions des personnages. Cela est assez Manitas, réalisation d'une case de l'album, étape 3 : la colorisation © Michel Collineprenant.

Comment élabores-tu l’apparence de tes personnages? Ernesto et Yuri ont-ils vite trouvé leur apparence ou sont-ils passés par plusieurs stades avant de revêtir l’apparence que l’on connaît? Est-ce facile de faire vieillir ses héros?
J'avais fait pas mal de recherches, notamment sur le personnage d'Etrnesto, le Colombien, avant que l'idée de Cuba et du personnage de Yuri viennent enrichir le récit. Ils sont venus graphiquement assez facilement. Pour ce qui est de les faire vieillir c’est vrai que j'avais toujours un peu peur de les faire trop jeunes ou trop vieux, mais apparemment ça à l'air de fonctionner…

Recherche pour un projet de polar avec Fred LeBerre © Michel Colline As-tu d’autres projets sur le grill ?
En ce moment je suis sur la deuxieme partie de Manitas et il me reste encore pas mal de planches à réaliser… Mais nous travaillons en parallèle avec Fred LeBerre sur un projet de one shot, un polar urbain. J'ai aussi un projet en solo, un album plus jeunesse, sur lequel je réfléchis tranquillement...

Tous médias confondus (ciné, bd, romans, musiques, jeux…), quels sont tes derniers coups de cœur?
En bd, J'aime beaucoup la série Aâma de Frederik Peeters. Le travail de Mathieu Bonhomme également, notamment avec sa série le Marquis d'Anaon. En musique, le français Cascadeur m'a bien plu.

Manitas, recherche © Michel CollineY-a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
N'étant pas très doué pour formuler des réponses passionnantes, je ne vais pas en rajouter une !!

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


Manitas, recherche © Michel Collineun personnage de BD: Popeye
un personnage mythologique: Le minotaure
un personnage de roman: Martin Eden dans la roman éponyme de Jack London
une chanson: La nuit je mens d'Alain Baschung
un instrument de musique: Le violoncelle
un jeu de société: La Belotte
une découverte scientifique : La machine à voyager dans le temps
une recette culinaire: Les tomates farcies
une pâtisserie: un éclair au café
une ville: Bénares
Manitas, recherche © Michel Colline une qualité : savoir s'adapter
un défaut: la prétention
un monument: Gérard Depardieu
une boisson: une mauresque
un proverbe : C'est à la fin de la foire que l'on compte les bouses!!


Un dernier mot pour la postérité ?
El pueblo unido, jamas sera vencido!!

Le Korrigan