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Entretien avec Guillaume Tavernier
interview accordée aux SdI en mai 2014


Bonjour et merci de te prêter au petit jeu de l’entretien…
Bonjour, merci à toi de t'intéresser à mon travail.

aquarelle © Guillaume TavernierPeux-tu, en quelques mots, nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Et bien, je suis un jeune dessinateur plutôt âgé. Je suis né en 1971. Je suis marié et j'ai une grande famille. Grande comme 4 enfants. Ce qui garanti d'avoir une maison 'vivante'. J'habite en Normandie.
Je ne suis pas dessinateur à plein temps. J'ai un autre métier à coté qui n'a rien à voir. Je suis dessinateur concepteur dans l'automobile, je travaille sur les moteurs électriques. Le dessin prenant une place de plus en plus importante dans ma vie j'ai aménagé mon temps de travail et je suis maintenant à temps partiel (à 80 %).
Je dispose donc de mes mercredi et WE pour dessiner. Si on ajoute ma famille, j'ai des délais de réalisations pour un album assez long. J'ai mis 1 an pour faire 'chasseur d'héritiers' tome 1.
Je n'ai pas de passion particulière. Peut être la lecture. je suis un gros gros lecteur de romans, Sf, policier, classique … tout ce que je trouve.
Et puis quand je réussis à me motiver je prends mon vtt. Mais là, c'est un peu n'importe quoi, la saison d'entraînement 2013 a été catastrophique … je m'en rends compte à la moindre bosse !

Enfant, quel dessinateur étais-tu? Quels furent tes « maîtres »?
J'ai toujours aimé le dessin. Enfant, j'adorais recopier les couvertures de mes tuniques bleues. Mes premières BD ont été Johan et Pirlouit, Yoko Tsuno, Tintin, les tuniques bleues, Spirou, Astérix, bref les mêmes classiques que des milliers d'enfants.
Et comme d'autres de ma génération je suis passé à d'autres bd grâce aux légendes des contrées oubliées. Et maintenant je lis de tout, je n'ai pas d'auteur préféré. Mes goûts changent au fil de mes lectures. Un jour je voudrais faire comme Chabouté et le lendemain c'est Gibrat mon dieu.

aquarelle © Guillaume TavernierQuand donc est née l’idée d’en faire ton métier?
En fait, très récemment. Je ne sais même pas si je pourrais un jour m'y mettre à plein temps.
Le milieu est très aléatoire. Je dessine les tomes 1 et 2 de chasseur d'héritiers mais après, je ne sais pas. Si le livre est un succès la question pourra se poser, il y aura des suites, une visibilité sur l'avenir. Mais restons réaliste, même si le livre fonctionne correctement, ça ne me permettra pas de tout plaquer pour tenter de faire vivre la famille avec mes avances.
Alors je me fais une raison et j'essaye de trouver un équilibre. Ma famille est ultra compréhensive et me laisse passer une grande partie de mon temps libre sur mes planches… et je continue jusqu'à faire le livre bankable! je dois juste trouver des éditeurs qui ne demandent pas de tomber 12 planches par mois.

Concrétiser ce rêve a-t-il relevé du parcours de combattant?
Oui et non. En fait je n'ai pas dessiné ou très peu de mes 20 ans à mes 30 ans. C'est à ce moment là que j'ai repris mes crayons et que je me suis dit que j'aimerais bien en faire quelques choses, pour m'amuser, pour ne pas juste dessiner pour moi.
Je ne pensais pas encore à la BD, et encore moins à vivre du dessin. J'ai commencé dans les fanzines. Les fanzines de jdr. Mes premières publications furent dans le Chrysopée HS 9 'vapeurs d'épices', ça ne nous rajeunit pas hein Laurent! smiley

C’est le moins que l’on puisse dire… à l’époque déjà, tu étais bougrement doué!
J'ai aussi dessiné pour la boîte à polpette, les érudits de l'ambigu. C'était très formateur et très sympa.
Et petit à petit une envie s'est faite. La BD.
Je suis donc allé sur des forums de discussions BD où on rencontre des dizaines de personnes avec les mêmes envies. On fait des rencontres, on monte des dossiers.

aquarelle © Guillaume TavernierComment est né ton premier projet publié chez Théloma ?
Justement grâce à ces forums. J'ai rencontré le scénariste Sébastien Viozat sur l'un d'eux et nous avons monté ensemble Paul Neutron. Une super expérience, Sébastien et moi avons beaucoup appris avec ce premier livre, les bons et mauvais cotés de la BD.
Nous sommes allé ensemble à Angoulême où nous avons démarché les éditeurs et notre projet à plu aux éditions Théloma. Quel plaisir! c'était en 2006.
L'album est sorti en 2007 et puis… l'éditeur à fait faillite, sans nous payer les pages. Bon, c'était pas une fortune mais ça la met mauvaise.
Au final c'était très bien, j'ai rencontré à cette époque des personnes avec qui on a crée un atelier virtuel, Alexis Sentenac, Thierry Lamy, Sébastien Viozat… Nous continuons à parler de dessin et à nous montrer nos projets.

Après l'expérience Théloma, j'ai pris un peu plus d'assurance et j'ai démarché. J'ai pu participé à de nombreux collectifs aux éditions petit à petit et j'ai fait 20 planches chez soleil… le projet a été arrêté et j'ai été payé sur 10 pages…. quel monde merveilleux….

Chasseur d'héritiers, crayonné de la planche 7 du tome 1 © Delcourt / Tavernier / Rivière / JarryLe premier tome de Chasseur d’héritiers vient de paraître sur les étals. Comment as-tu rencontré Benoît Rivière et Nicolas Jarry qui en signent le scénario?
Benoît et Nicolas avaient passé une annonce sur Café Salé pour un projet ayant l'aval d'un éditeur mais pour lequel ils ne trouvaient pas de dessinateur.
J'ai donc pris contact et nous avons préparé quelques planches pour Delcourt. C'est Thierry Joor qui suit ce livre. Il a aimé mon dessin mais m'a fait retravaillé un certain nombre de chose. Il a été très présent sur ce livre et m'a parfaitement guidé tout au long de ces planches.
Encore une belle expérience et de belles rencontres. Nous travaillons actuellement sur le tome 2, les pages avancent bien. Je dois tout rendre pour septembre… je sais déjà ce que je vais faire de mon mois d'août smiley

Qu’est ce qui t’as séduit dans ce scénario?
Le coté décalé de l'enquêteur. Ce n'est pas un policier, pas un journaliste pas un détective, c'est … un chasseur d'héritiers! Ils existent vraiment. Je doute que leur métier soit aussi mouvementé que ce que l'on raconte mais le point de départ est original. J'ai aussi aimé le concept de personnage récurent. Lélio peut vivre autant d'aventures que l'on souhaite (ou ce que veux l'éditeur). Et pour finir, j'ai accroché à cette histoire d'amour entre une française et un officier allemand. Coïncidence, je venais de finir 'suite française' d'Irène Némirovsky qui traite de ce sujet. J'aime que l'on sorte des clichés du méchant allemand ou de la française collabo. Il faut juste se dire qu'il y a eu de belles histoires d'amours.

Chasseur d'héritiers, encrage de la planche 7 du tome 1 © Delcourt / Tavernier / Rivière / JarryA partir de quelle « matière » as-tu élaboré l’apparence de tes personnages ? Lélio, Victor ou Ernest ont-t-ils d’emblée eu l’apparence qu’on leur connaît ou sont-ils passés par différent stades avant de se fixer?
J'ai un peu crayonné pour Lélio. Il y a eu quelques échanges avec Nicolas et Benoît mais je suis arrivé rapidement à ce design. Pour les autres c'est venu très rapidement.
En fait, j'ai un soucis, je déteste les crayonnés préparatoires. Je dois me lancer très rapidement sur les planches. J'ai l'impression de perdre mon temps sur les études. Ca pose tout de même des problèmes, certain personnage évolue au fil des pages ce qui m'oblige à retoucher mes dessins sur mes premières planches!

Certaines scènes se passent dans la France occupée. Leur mise en scène a-t-elle nécessité de longues recherches documentaires? Quelles furent tes principales sources iconographiques? Aurais-tu un ouvrage à conseiller au lecteur désireux d’en savoir plus sur cette époque troublée?
J'adore rechercher de la doc. Autant je n'aime pas les études, les croquis préparatoire, autant j'aime fouiller dans les livres et sur le net. Avant chaque scène je fouille, je cherche. Je regarde les photos d'époques pour sentir les devantures de magasins, les ambiances. Je cherche les voitures d'époques, les vêtements.
J'ai quelques livres à la maison qui m'aide bien. J'ai les chroniques de la rue parisiennes en 1950, un énorme pavé sur Doisneau aux éditions Hazan et de nombreux livres sur la résistance.

Du synopsis à la planche finalisée, comment s’est organisé ton travail sur l’album avec Benoît, Nicolas et Dimitri ?
Précision importante, le travail et l'entente entre nous tous à été parfait! Nicolas et Benoît me faisait parvenir les planches découpées scènes par scènes. A partir de ces pages je découpe en faisant un story board assez poussé, presque un crayonné. Je travaille à 100 % sur tablette. Ça me permet d'avoir une souplesse incroyable.
Je leur envoie et on réajuste si besoin. C'est là que la tablette prend toute sa puissance. Je peux facilement recommencer, modifier, enlever, gommer jusqu'à ce que tout le monde soit d'accord. Une fois validé, j'encre sur mon pseudo crayonné. Là aussi je soumet la page à tout le monde et je modifie si besoin. Je n'ai pas de soucis à intégrer des modifications, c'est du numérique. En encrage traditionnel c'est bien plus compliqué, ça oblige à faire des rustines, mettre du blanco. Si j'avais choisi de travailler sur du papier avec de l'encre je m'y serais pris différemment.
Une fois les pages encrées validées Dimitri Fogolin pouvait passé à l'action. Il a fait un travail formidable sur mes dessins. Je trouve qu'il y a une réelle plus-value.

Atelier de Guillaume TavernierSerait-il possible de visualiser les différentes étapes de l’élaboration d’une planche ?
hop, voilà une planche story-crayonnée et la même encrée, la planche 7 du tome 2 !

Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
hum, je dirais toutes, du moment que ça change. Je suis incapable, par exemple, de crayonner les 46 pages d'affilées. Je fais en général par paquet de 5-7 pages, crayonné, encrage, crayonné, encrage … Ça me permet de ne pas me lasser. Et entre les pages je fais autre chose. J'ai besoin de dessiner autrement pendant la création de l'album.
Je ne peux pas rester une année avec les mêmes personnages, à ne dessiner que ça. Alors je prends mes pinceaux et je fais des aquarelles. C'est complètement différent et ça me sert de soupape de décompression.

Quelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Une difficulté du métier c'est justement de rester une année ou plus à faire la même chose. J'ai tellement d'envie que quelque fois c'est dur. Je trouve que la phase la plus jubilatoire est la création du dossier, c'est la plus enthousiasmante. Les recherches de docs, les premières pages, les rencontres.
Et puis ensuite, bien sûr, la sortie du livre. Je n'en ai pas beaucoup derrière moi donc je ne suis pas encore lassé smiley

Chevalier Casqué © Guillaume TavernierLorsque tu t’atèles à la planche à dessin, dans quelle ambiance sonore travailles-tu habituellement? Silence monacal ? radio ? musique de circonstance (ou non)?
Très très peu de musique. En général, c'est les bruits de la maison, la radio ou … hum …. c'est dur à avouer mais j'adore le jeu starcraft 2 et quand il y a des tournois j'adore les mettre sur mon ordinateur pendant que je dessine.

As-tu d’autres projets sur le grill ?
Pour l'instant c'est priorité au tome 2.Mmais comme je le disais j'aimerais bien travailler à l'aquarelle ou alors sur un projet héroic-fantasy. Mais pour l'instant rien de défini.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
En roman j'ai lu dernièrement la ballade de lila K de Blandine le callet, ouch, quelle claque, j'ai adoré! En film mon dernier coup de coeur est les fils de l'homme, un film de SF qui date de 2006 je crois et que j'avais laissé passer. Pareil, terrible!

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
Ma foi non, c'était bien complet smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


Ecolière © Guillaume Tavernierun personnage de BD: Johan
un personnage mythologique: euh … éros?
un personnage de roman: d'Artagnan
une chanson: euh … euh …
un instrument de musique: le piano (j'essaye modestement d'en faire)
un jeu de société: les échecs
une découverte scientifique : l'électricité
une recette culinaire: les nems
une pâtisserie: l'éclair au chocolat
une ville: Paris
une qualité : optimiste
un défaut: inconstant
un monument: la muraille de chine
une boisson: le jus de pommes
un proverbe : je sèche

Un dernier mot pour la postérité ?
ahah smiley non, juste un grand merci à toi pour cette interview très agréable smiley

Un immense merci pour le temps que tu nous as accordé !
Le Korrigan