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Entretien avec Yannick Corboz
interview accordée aux SdI en octobre 2014


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Héhé, non. Nous pouvons nous tutoyer si vous êtes d’accord. smiley

Tout a fait d’accord, ça simplifie les choses… Merci bien…
Peux-tu, en quelques mots, nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)

J’ai fais mes études à Emile Cohl à Lyon pendant 4 ans. J’ai commencé par pas mal de petits boulots : caricatures, fresques, animation pubs TV… On m’a proposé un boulot d’animateur 3D chez Infogrames (Atari) et j’ai poursuivi chez Ubisoft. J’ai gardé un pied dans le secteur du jeu avec intermittence chez Eden Games et Etranges Libellules en tant que Concept artist.
Je me suis lancé dans l’illustration et la bande dessinée en 2004. Woody Allen (BD music) et Voies Off sont les premiers albums sur lesquels j’ai travaillé en compagnie de Nicolas Pothier. J’ai réalisé également quelques travaux de com (affiches, storyboard, illustrations)
Aujourd’hui, j’ai 38 ans et je termine la série « l’assassin qu’elle mérite » avec Wilfrid Lupano et Nicolas Vial. Je fais également de la direction artistique chez Ubisoft. J’aime la peinture, les voyages, les chats… smiley

Construction de la couverture du tome 2 de l'Assassin qu'elle mérite © Yannick CorbozSur quels jeux as-tu œuvré en tant qu’animateur 3D ?
Le premier jeu sur le quel j’ai travaillé était un jeu de foot qui n’est jamais sorti. Brazil V futebol. Un jeu de foot concurrentiel style PES ou FIFA un peu plus fun. Bon, à l’époque je n’aimais pas le foot. Ce n’était pas facile pour moi mais c’était un premier job et je m’y suis vite fait. Avec le DA de l’époque, on a du se déplacer dans des stades voir des matchez de ligue 1 mais aussi faire de la Mocap de « vrais » joueurs pour étudier les mouvements. Le projet a finalement été arrêté et j’ai travaillé sur d’autres projets d’Infogrammes comme La femme Nikita puis Alone in the dark V.
Chez Ubisoft, j’ai travaillé sur des projets en Recherche et développement puis Splinter Cell.

Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient tes livres de chevet et quels sont aujourd’hui tes auteurs favoris ?
J’ai toujours adoré la BD. Mes parents, mes cousins, mes oncles, mes grands parents avaient des albums et c’était un plaisir de lire déjà très jeune. Des classiques comme Astérix, Gaston, Tintin, Lucky Luke… ça a évolué à l’adolescence avec les œuvres de Otomo, Moebius, Loisel, Ledroit, Jodorowski, Toriyama… maintenant j’aime toujours autant toutes ces références et je m’ouvre à de nouvelles lectures.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir dessinateur de BD ? En faire ton métier a-t-il relevé du parcours de combattant ?
A Emile Cohl, des profs comme Lax et Got nous ont donné l’envie de faire de la BD mais je n’ai pas osé me lancer tout de suite. Pour moi, c’était trop difficile.
Bien plus tard, j’ai dessiné des histoires courtes avec Nicolas Pothier. Elles ont été publiées dans Bodoï. C’était une chance. J’ai eu envie de continuer et d’avancer.

Construction de la couverture du tome 2 de l'Assassin qu'elle mérite © Yannick Corboz Quels sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Les grandes joies c’est la découverte du scénario. Ce qui m’intéresse c’est d’apprendre, de découvrir des univers et de raconter des histoires.
Les grandes difficultés, c’est la sortie de l’album. Une fois l’album terminé, il faut rebondir et continuer à avancer et essayer de se renouveler.

Comment as-tu rencontré Wilfrid Lupano qui signe l’excellent scénario de L’Assassin qu’elle mérite ?
J’ai rencontré Wilfrid à Angoulême juste après avoir terminé Voies Off. On a été mis en relation grâce à Grégoire Seguin, directeur de collection chez Delcourt. On s’est bien entendu, je crois. J’ai commencé « Célestin Gobe-la lune » quelques semaines après. Célestin était déjà écrit.
J’ai beaucoup d’admiration pour le travail de Wilfrid. Il m’a beaucoup guidé et aidé.

Qu’est ce qui t’a séduit dans l’Assassin qu’elle mérite ?
A la base, j’avais envie de dessiner une histoire sombre. C’est la première chose que j’ai dit à Wilfrid à l’époque. C’était pendant la réalisation de Célestin Gobe-la-lune.
Puis j’étais séduit par l’idée d’illustrer un personnage naïf à la Pinocchio qu’on fait évoluer dans des mondes différents. Des mondes assez réalistes et cruels.

Construction de la couverture du tome 2 de l'Assassin qu'elle mérite © Yannick Corboz Comment se lance-t-on dans une telle histoire ? La mise en image d’un scénario à composante historique a-t-elle nécessité de longues recherches documentaires? Quel(s) livre(s) conseillerais-tu aux lecteurs désireux d’en apprendre un peu plus sur ce Vienne bouillonnant du crépuscule du XIXième sicècle?
L’histoire aurait pu se dérouler dans une autre ville et à une autre époque. A la lecture du « monde d’hier » de Stephan Zweig, il nous apparu intéressant de poser l’histoire à Vienne et de creuser autour de la période. Ensuite, c’est un travail de documentation classique.
J’ai d’abord fait pas mal de recherches. J’ai été pas mal aidé par des copains autour de moi qui m’ont donné des conseils sur la ville de Vienne. J’ai pu me procurer des livres qu’on ne trouve pas forcément en France avec de la coumentation photo et des images de l’époque. J’ai été aussi pas mal influencé par les peintres mais aussi les illustrateurs et le caricaturistes de journaux de l’époque.

Construction de la couverture du tome 2 de l'Assassin qu'elle mérite © Yannick Corboz Comment s’est organisé ton travail avec Wilfrid Lupano? Du scénario à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de votre travail sur l’album ?
Au départ, on monte un dossier pour convaincre les éditeurs. A ce moment, le scénario n’est pas complétement écrit mais la trame est en place et les thèmes sont abordés. C’est important pour nous de savoir où on se dirige.
Ensuite, c’est pas mal d’aller retour. Surtout au moment du storyboard. Le scénario est découpé en séquences. J’essaye de dessiner séquence par séquence que j’envoie au fur et à mesure à Wilfrid. Nous faisons des points régulièrement en fonction de l’avancée et un point d’ensemble de l’album à la fin. On relit, on en discute et on modifie des planches, des cases... pour avoir le rythme voulu.
Comme mes story-boards ne sont pas suffisamment précis, il est ensuite nécessaire que j’envoie à Wilfrid des crayonnés de planches plus poussées. C’est à ce moment, si on est tous les deux d’accords que je travaille l’encrage.
Enfin le travail de la couleur, sur le tome 1 Catherine Moreau puis Nicolas Vial sur le tome 2 et 3 se tiennent au courant de l’histoire. Ils doivent être raccord avec les ambiances.

Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes ?
Le travail de couverture est complexe. Il y’a plus de contraintes mais la méthode reste à peu prêt la même.

Construction de la couverture du tome 2 de l'Assassin qu'elle mérite © Yannick Corboz Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
Quand j’ai commencé à faire de la bande dessinée, je préférais l’étape du story-board. C’est à ce moment que l’histoire et le rythme se mettent en place. On à alors une vison globale du projet.
Maintenant, j’aime toutes les étapes. Le crayonné permet de travailler dans le détail et de préciser des éléments. D’enrichir. L’encrage, c’est l’étape qui fige un peu tout. Il faut être précis et concentré.

Comment s’est fait le « casting » de la série ? A partir de quelle « matière » as-tu élaboré l’apparence de tes personnages?
Pas de casting particulier peut-être à part pour Mathilde. J’ai été inspiré par une femme dans mon entourage que je trouvais très charmante.
A la lecture du scénario, j’ai pensé immédiatement à Guillaume Depardieu pour Alec. C’était une évidence. Puis je m’en suis un peu écarté…

Si l’histoire avait été adaptée au cinéma, Guillaume Depardieu aurait effectivement été l’acteur rêvé pour ce rôle…
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur?

Le vent se lève de Miyazaki. L’échiquier du mal de Dan Simmons… j’ai beaucoup de retard. smiley

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
smiley

Construction de la couverture du tome 2 de l'Assassin qu'elle mérite © Yannick Corboz Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


un personnage de BD: Nausicaä
un personnage mythologique: Son wukong (le roi des singes)
un personnage de roman: Nemo
une chanson: Je T’ai manqué
un instrument de musique: le piano
un jeu de société: le poker
une découverte scientifique: la gravitation
une recette culinaire: les lasagnes
une pâtisserie: religieuse au café
une ville: New-York
une qualité : rêveur
un défaut: l’orgueil
un monument: les Alpes
une boisson: un verre de vin rouge

Un dernier mot pour la postérité?
Merci beaucoup pour cette interview. Ce fut long mais bon.

Merci à toi en tout cas!
Le Korrigan