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Entretien avec Gaëlle Hersent
Interview accordé aux SdI en janvier 2015


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Bonjour, bonjour !

Question liminaire : êtes-vous farouchement opposée au tutoiement ?
Du tout, je n'y vois aucun souci .

Merci bien!
Peux-tu, en quelques mots, nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans…)

Un jour, certainement vers mes 2/3 ans, on m'a mis un crayon entre les mains, j'ai commencé à tracer des lignes, des cercles, des bonshommes, des maisons, des poneys, j'ai trouvé ça cool, et je n'ai jamais arrêté. Alors je suis devenue dessinatrice spécialiste de poneys et chevaux au collège . En 3eme, j'ai acheté un petit carnet de croquis, j'ai ouvert mon champ des possibles à la réalité et commencé à croquer ce qui était autour de moi ( j'ai toujours avec moi un carnet de croquis dans mon sac) . Par la suite, j'ai enchaîné le lycée option arts plastiques puis les Beaux-Arts d'Angoulême. Le climat étant agréable à Angoulême, j'y suis restée pour suivre la formation de l'EMCA en cinéma d'animation. Et un beau jour, sans trop savoir ce qui m'est passé par la tête, je suis revenue sous la grisaille parisienne où je suis toujours.


Sauvage, page de titre © Gaëlle HersenEnfant, quelle lectrice étais-tu? La BD occupait-elle alors une place de choix?
Gamine, je passais des heures à lire et à dessiner . À la maison, j'avais beaucoup de journaux de Mickey, des Picsou Mag ( j'adorais les épisodes de la jeunesse de Picsou de Carl Barcks) . J'ai baigné aussi dans les classiques : Tintin, Gaston, Boule et Bill, Astérix,Yakari etc etc... j'ai découvert les mangas au collège au début de Tonkam et ça a été un grand bouleversement.

Devenir dessinateur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
Je voulais dessiner les images dans les romans que je lisais, mes premières planches de bd s'inspiraient certainement des journaux de Mickey . J'ai toujours voulu en faire et aujourd'hui avec « Sauvage » entre les mains, j'ai l'impression que ça s'est réalisé.

Sauvage, co-écrit par Aurélie Bévière et Jean-David Morvan est en passe de paraître sur les étals… Comment est né ce projet de retracer la vie de Marie-Angélique Memmie Leblanc en bande-dessinée?
Un soir, je naviguais sur le web, à aller de lien en lien, faisant des recherches sur les enfants sauvages mais sans aucune volonté particulière. Je suis tombée sur l'article wikipédia et les quelques lignes concernant Marie-Angélique. Et j'ai senti que cette histoire avait un sacré potentiel, elle paraissait tellement incroyable. Alors j'ai commencé à crayonner cette petite Amérindienne.
Quelques mois après, en 2011, j'ai revu JD Morvan que je connaissais déjà depuis quelques années. Il m'a demandé quel type d'histoire m'intéresserait et je lui ai parlé de ce que j'avais lu sur cette enfant sauvage. Jean-David a accroché très vite. On a intégré par la suite Aurélie au projet et rencontré Serge Aroles, car on s'est basé sur son livre pour réaliser « Sauvage ».

Sauvage, recherche de personnage © Gaëlle HersenQu’est ce qui t’as séduit dans l’incroyable destin de Marie-Angélique?
Dans un premier temps ce fut l'aspect « enfant sauvage », un peu comme Victor de l'Aveyron. Comment a-t-elle pu se réadapter après avoir passé temps de temps en forêt ? Surtout que contrairement à Victor, elle a réussi à parler et à se « civiliser » à nouveau. C'est cet étonnant aller-retour entre deux états qui m'a fasciné. Puis peu à peu, l'aspect « femme dans son siècle » est apparue : comment a-t-elle pu devenir une femme qui tenait salon à Paris ? À l'époque, une femme célibataire devait certainement être rare. Jamais mariée, refusée par les ordres, elle a construit son indépendance, même si elle percevait une rente venant des autorités royales. Et ce côté constamment décalé me l'a rendue précieuse .


Sauvage, recherche de personnages © Gaëlle HersenComment s’est organisé votre travail à six mains sur l’album? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de la réalisation de l’album ?
Aurélie et Jean-David ont travaillé ensemble sur le scénario, c'est plus leur tambouille, je recevais le découpage, je dessinais les roughs, des fois j'ai modifié ce qu'ils m'avaient livré. Je leur renvoyais pour validation, puis me mettais au trait définitif et à la colorisation. Pour chaque étape, je leur envoyais les fichiers pour des corrections.


Quelle étape te procure le plus de plaisir?
Dur à dire, chaque étape à sa spécificité : le rough / board pour la construction de la narration, l'encrage pour jouer avec le trait (tout en pensant à la couleur et à l'équilibre qui devra se faire avec elle ) et la couleur pour apporter les ambiances et rajouter un plus à la narration. Non, je n'ai pas forcément de préférence, j'ai essayé de trouver du plaisir et de l'intérêt à chaque étape.


Sauvage, recherche de personnages © Gaëlle HersenLe rendu graphique de l’album s’avère très particulier. Comment as-tu composé ce dessin doté d’une forte personnalité graphique?
Ah hum , je suis étonnée par la question. Enfin, il faut savoir que ce livre m'a pris deux ans et demi à temps complet, et que vu la pagination (204 pages dessinées) j'ai dessiné et colorisé l'équivalent de quatre albums de 46 pages en un tome. « Avant », un jeune auteur pouvait faire ses armes sur un premier 46 pages, avoir des retours, en dessiner un autre etc. J'aimerais que cela soit encore possible mais ça n'a plus l'air d'être ça. Mon trait s'est aguerri et libéré au fur et à mesure de ces centaines de planches.

C’est sûr que pour un premier album, la pagination est impressionnante! Et le fait est que le rendu est magnifique!
Merci smiley


Sauvage, rough © Gaëlle HersenCe récit fortement ancré dans l’Histoire a-t-il nécessité de longues recherches documentaires et iconographiques? Quelles furent tes principales sources?
Il était impensable pour moi de ne pas faire de recherches, j'ai essayé d'être le plus juste possible dans les costumes, les constructions, les apparences des villes (notamment Paris). Mais cela peut vous perdre aussi, à trop chercher la petite bête, il y a un côté maniaque, et passionnant à faire des recherches mais à un moment il faut savoir lâcher et se mettre à sa planche.
Internet a été une source de documentation très importante, je suis allée rechercher les grands peintres du XVIIIe siècle, entre Watteau, Fragonard, La Tour, Chardin, Liotard, à regarder les costumes, les outils … D'ailleurs la robe de Marie Leczinska dans la bd est inspirée d'un de ses portraits par exemple. Je suis allée voir les gravures, et croquis de Paris en 1750, j'ai regardé les photos de Curtis pour les Amérindiens (même s'il est du XIXe siècle)et les quelques portraits de l'époque les concernant.
J'ai aussi regardé quelques films en costumes d'époques dont « Barry Lindon » en tête de référence, non pas exactement pour les costumes car ceux-ci sont anglais surtout, mais pour le récit en lui-même.
Il y aura toujours des gens pour me dire que tel ou tel élément n'est pas juste mais tant pis, j'aurai fait au mieux.

Sauvage, recherche de personnage © Gaëlle HersenAprès cet album passionnant, as-tu d’autres projets sur le grill?
J'ai décidé de me laisser un peu respirer depuis la fin de l'album, et je fais un peu d'illustration jeunesse. Il y a des prémisses de projets mais rien de concret. Mais j'ai hâte de m'y remettre !

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur?
En cinéma d'animation, j'ai adoré « Song of the Sea » du Cartoon Saloon, ce film est d'une finesse et d'une beauté assez exceptionnelle. En bd, je viens de terminer « un grand méchant renard » de Benjamin Renner, ( le coréalisateur d' « Ernest et Célestine », film sur lequel j'ai travaillé ) qui est un livre à lire et à relire à chaque fois que la déprime pointe son nez. Sauvage, recherche de personnage © Gaëlle HersenMais aussi « Petit » d'Hubert et Gatignol, pour l'a force du dessin et du scénario. En roman, j'ai terminé « La Part de l'autre » d'Eric Emmanuel Schmitt, très belle réflexion sur les conséquences des actes et l'attitude que l'on adopte face aux événèments.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais répondre?
Hum non , je ne crois pas

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


Sauvage, recherche sur les personnages d'indiens © Gaëlle Hersenun personnage de BD: Gally de Gunnm
un personnage mythologique: pouuuuh, c'est super vaste la mythologie, de quelle culture en plus ? Allez Amaterasu pour pouvoir jouer à Okami.
un personnage de roman: le fou de l'Assassin Royal de Robin Hobb
une chanson: feeling good de Nina Simone
un instrument de musique: un oud
un jeu de société: un jeu de carte basique et facile à transporter
une découverte scientifique: le feu, restons dans les basiques
une recette culinaire: un truc simple et facile à faire, une salade tomate mozzarella
une pâtisserie: une tarte au citron
une ville: aucune idée, si c'est pour être toute polluée bof quoi.
une qualité: l'écoute
un défaut: ouhlala, hum pas cool, l'opportunisme.
un monument: Angkor Vat
une boisson: du thé Pu Er
un proverbe : « écouter l'herbe pousser »

Un dernier mot pour la postérité ?
Hum, la quoi ?

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé…
De rien !

(*) :La photo de l’article est signée Chloé Vollmer Lo
Le Korrigan