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Entretien avec Tiburce Oger
Interview accordée aux SdI en mars 2015


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposée au tutoiement ?

Non

Merci bien… Peux-tu, en quelques mots, nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
47 ans, bac arts plastiques- histoire de l’art, beaux-arts section bande dessinée d’Angoulême, 3 ans dans le dessin animé et auteur de bd depuis 1992.

Enfant, quelle lecteur étais-tu? Quels étaient tes auteurs préférés? La BD occupait-elle déjà une place de choix ?
Pif, le journal de mickey, Lucky Luke, puis les Pilotes de mon père et Giraud, Reiser, Hermann…

Devenir dessinateur de BD, était-ce un rêve de gosse ?
À 12 ans j’ai décidé que ce serait mon métier. Je remplissais des pages d’aventures ou de gags. J’ai eu droit au « passe ton bac d’abord- fais plutôt prof- c’est ça on verra- etc… »

Buffalo Runner, croquis © Tiburce OgerEn faire votre métier a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Non, mes années dans l’animation ( Denver le dino, les Tortues ninja, Lucky Luke, etc… m’ont permis d’apprendre réellement le dessin et surtout les contraintes en terme de délais. J’envoyais mes projets en parallèle aux éditeurs. J’ai eu le prix Alph’art avenir en 1991 je crois et Vents d’ouest m’a permis de signer mon premier contrat. Là c’était champagne !

Buffalo Runner, croquis © Tiburce OgerScénariste, dessinateur, coloriste… Tu as porté toutes les casquettes… Qu’est-ce qui t’attire finalement dans le métier d’auteur de BD ? Quelles en sont les grandes joies et les grandes difficultés ?
Tout est passionnant. J’adore dessiner depuis tout gosse, j’aime l’idée que je vais faire passer une émotion à travers un dessin. Le scénario est la base même d’une bande dessinée, c’est passionnant. Cela faisait huit ou neuf ans que je n’avais pas écrit pour moi et ça me manquait. La couleur, c’est autre chose. C’est un combat, c’est physique, je travaille en couleurs directes et je me bagarre avec des planches format raisin. Si je rate une couleur ou si je fais une tâche involontaire, c’est la cata. Heureusement mon épouse, Eliette , fait tout le drawing gum des personnages, des avant-plans , etc avant la mise en couleur. Elle me fait gagner deux mois de travail.

Buffalo Runner, rough de la planche 61 © Tiburce OgerC’est ta passion pour le dessin qui t’a naturellement emmené à écrire pour le neuvième art… As-tu déjà été tenté d’explorer d’autres médias, romans ou cinéma, pour conter tes histoires?
Les deux me tenteraient vraiment. J’oserai sans doute l’écriture dans quelques années, le cinéma par contre demande trop de compromis et d’argent, trop de courbettes.

Quand tu te lances dans l’écriture du scénario d’un album ou d’une série, sais-tu d’emblée si tu vas ou non le mettre en images?
Je sais si l’histoire sera pour moi ou au contraire dessinée par un autre au moment de l’écriture et inconsciemment je vois les images avec le style de l’auteur. Je crois que ça influence aussi la narration

Buffalo Runner est en passe de sortir sur les étals. Qu’est-ce qui t’as donné envie de remonter en selle pour un nouveau récit s’ancrant dans la conquête de l’ouest sauvage ?
Je suis passionné par l’histoire de l’Ouest américain, non pas par sa vision holywoodienne ni par ce qu’il en a résulté mais par ce que l’idée d’un nouveau monde pouvait susciter chez les miséreux de la vieille Europe et la différence de vision du monde avec la population amérindienne.

Buffalo Runner, rough de la planche 58 © Tiburce OgerPourquoi selon toi cette période a finalement été assez peu traitée au cinéma, au profit du western grand spectacle, délaissant au final l’histoire individuelle de ceux qui ont forgé un pays?
Tout simplement parce que Hollywood se voulait glamour et grand spectacle. La boue, les alcooliques et les balles dans le dos, c’est pas glam

L’élaboration du scénario de Buffalo Runner a-t-il nécessité de longues et passionnantes recherches documentaires et iconographiques ? Quelles furent tes principales sources? Aurais-tu un ouvrage à conseiller à un lecteur désireux d’en apprendre plus sur cette période ?
Il y a un nombre incalculable d’ouvrages passionnants sur la conquête de l’ouest américain, en français ou en anglais, et internet apporte des pistes nouvelles. C’est pourquoi je ne donne aucune excuse à un album ou un film qui s’autorise les mêmes inepties que les westerns de papi.

Quel fut le point de départ de cette histoire solidement charpentée qui, tout en se déroulant l’espace d’une nuit, nous fait revisiter un pan entier de l’histoire de la conquête de l’Ouest?
Je voulais essayer de retrouver l’état d’esprit d’un homme du 19ème siècle et ne pas trop apporter de jugement moderne. Pour qu’il raconte son histoire, un prétexte d’unité de lieu était important tout comme celui de devoir se tenir éveillé.

Buffalo Runner, rough de la planche 54  © Tiburce OgerComment as-tu organisé ton travail sur cet album ? du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes son élaboration ? Serait-il possible, pour une planche donnée, de de visualiser ces différentes étapes?
J’écris le scenario comme une nouvelle, après avoir réuni les notes éparses accumulées et établi un plan numéroté des différentes scènes, ça permet de croiser des éléments et de retomber sur ses pieds. Puis je fais le découpage du scenario en pages et en cases en essayant d’équilibrer les actions et de ménager de futures grandes cases. Je passe ensuite à la partie crayonnée où je réalise toutes les planches afin de visualiser l’ensemble de l’histoire. Puis je réalise tout l’encrage au pinceau et encre de chine. Mon épouse pose du drawing-gum sur les personnages ou avant plans afin que je réalise les couleurs des ciels et des fonds. Une fois ce masque enlevé, je pose les lumières et les couleurs sur les parties restées en blanc. Le lettrage et les bulles sont posés sur calque.

Quelle étape te procure le plus de plaisir?
Quand je travaille sur la mise en couleur des ciels, leur lumière, leur intensité

Sur quel(s) projet(s) travailles-tu actuellement?
Sur le scénario de Black sands, avec Mathieu Contis au dessin, une histoire se déroulant sur une ile du pacifique pendant la seconde guerre mondiale, et je termine les pages des Chevaliers d’émeraude tome 5

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Le dernier Johnny Cash, Anthony and the Johnson, Boardwalk empire, plein de bd…

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…

Buffalo Runner, rough de la planche 41  © Tiburce Oger
un personnage de BD: Red Dust de Comanche
un personnage mythologique:Femme peinte en blanc des légendes Chiricahua
un personnage de roman: un personnage de Jack London
une chanson: Les anarchistes de Léo Ferré
un instrument de musique: violon
un jeu de société:le mille bornes
une découverte scientifique: le Big bang
une recette culinaire: crevettes sauce piquante
une pâtisserie: l’éclair au chocolat
une ville: je déteste la ville
une qualité: l’honnêteté
un défaut: tête de pioche
un monument: je ne sais pas, beaucoup sont beaux mais toujours érigés pour de mauvaises raisons
une boisson: thé
un proverbe: Araignée du jour… jour

Un dernier mot pour la postérité ?
Mince… Déjà ?

Un grand merci pour le temps que tu nous a accordé…

Le Korrigan