Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?
Absolument pas, bien au contraire.
Merci bien ! Peux-tu te présenter en quelques mots? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Je m'appelle François Ravard, comme le producteur célèbre de Marianne Faithfull et du groupe Téléphone, mais je n'ai aucun lien de parenté avec lui en revanche. Je suis né un jour pluvieux de novembre 1981, en Normandie. J'ai toujours nourri une passion sans limite pour le dessin et la bande dessinée en particulier, et c'est tout naturellement que je me suis orienté vers ce média, une fois mes études de graphisme terminées, en 2004.
Enfant, quel lecteur étais-tu ? La BD occupait-elle déjà une place de choix ?
Une grande place même. J'ai souvenir qu'à 10 ans à peine, je recopiais pendant de longues heures les planches de Franquin ou d'Uderzo… Je passais mes week-ends entiers à lire leurs albums et à "étudier" leur dessin. J'étais bien évidemment abonné au magazine Spirou, que je dévorais aussi chaque semaine, après avoir guetté son arrivée!
Devenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse ?
Bien sûr! Lorsqu'on se passionne pour le dessin, quel plus beau métier!? Et mes premières rencontres avec des auteurs n'ont fait que confirmer cette envie.
Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Je me souviendrai toujours du moment où j'ai reçu le premier album que j'ai dessiné. C'était en 2005, avec Le Portrait (une adaptation d'une nouvelle Russe avec Dauvillier). Tenir dans ses mains un objet sur lequel vous avez travaillé une année entière, c'est un aboutissement et une joie intense, et d'autant plus lorsque c'est la première fois! Sûrement beaucoup de fierté aussi… Dix albums plus tard, ce plaisir reste intact! Surtout lorsqu'on connaît les difficultés que rencontre notre métier ces temps-ci. Entre la surproduction, l'augmentation des cotisations, et dans le même temps, la baisse des avances sur droits d'auteur, je crois qu'on peut parler de malaise profond. C'est toute la profession qui est en danger.
Devenir dessinateur de BD a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Je crois que j'ai une bonne étoile, sûrement. Evidemment, les débuts sont toujours difficiles et parsemé d'embûches. Il faut faire ses preuves, en quelques sortes. Là où il y a 20 ans, de grands noms de la bande dessinée pouvaient aider les jeunes à démarrer (en proposant l'encrage ou toute autre partie de la réalisation d'un album), aujourd'hui, il faut publier, tout de suite! Les magazines permettaient aussi ce genre de choses. Mais je dois dire que j'ai fait, je pense, les bonnes rencontres, qui m'ont permises de m'installer un peu dans le métier, même si cette place n'est jamais définitive, et qu'il faut sans cesse se remettre en question et travailler son art…
Les Larmes d’Alger, troisième tome des Mystères de la Cinquième République vient de paraître. Comment est née cette ambitieuse et passionnante série qui se propose de revenir sur les zones d’ombres de l’histoire de France au travers d’enquête policières particulièrement immersives?
Cette série a été totalement pensée par Philippe Richelle, scénariste Belge de talent, à qui l'on doit entres autres "Amour fragiles"! C'est un passionné d'histoire politique Française, depuis plus de 30 ans maintenant. Cette idée d'un triptyque est arrivée entre les mains de Franck Marguin, éditeur de Glénat, qui a tout de suite adhéré au projet, pour le moins ambitieux, effectivement, car nous compterons en tout 15 albums, une fois la série achevée.
Je connaissais Franck depuis mes débuts, c'est d'ailleurs le premier éditeur que j'avais rencontré à ma sortie d'école. Nous savions que nous serions amenés à travailler ensemble, il fallait simplement attendre de trouver le projet, ce fut le cas avec "Les Mystères". J'ai une affection toute particulière pour le Paris des années 60 à travers le cinéma d'époque, ou même les "Burma" de Tardi. J'ai donc sauté sur l'occasion! Et la rencontre avec Philippe n'a fait que confirmer l'enthousiasme. Nous avions les mêmes attentes et les mêmes envies.
Comment s’attaque-t-on à une série fortement ancrée dans l’histoire? Quelles furent tes principales sources documentaires et iconographiques?
Eh bien tout naturellement, étant plutôt passionné par la politique en général (une question de racines sûrement, mon père était syndicaliste), mais aussi de l'histoire en général. Je crois que beaucoup de mes ouvrages y font d'ailleurs référence, à leur manière. Je pense notamment à "la faute aux Chinois" (Futuropolis, 2011) qui parle de la lutte des classes sous forme de polar (ça c'est pour les racines) mais aussi à "Clichés de Bosnie" chez le même éditeur où nous revenons avec Aurélien Ducoudray sur un pays marqué par le conflit (ça c'est pour l'histoire). Cette série est arrivée au bon moment donc, dans la continuité du travail déjà accompli.
Pour ce qui est de la documentation, j'ai revu beaucoup de films d'époques, cela m'est apparu comme indispensable, pour l'ambiance, d'une part, mais aussi pour le côté vestimentaire. Il y a bien sûr internet qui vient prendre le relais pour les choses plus précises et techniques. Une source inépuisable… Même s'il faut faire le tri. J'ai aussi eu la chance d'être invité à la première édition du festival de bandes dessinées d'Alger, d'où j'ai ramené beaucoup de photos, ce qui m'a bien aidé pour ce troisième tome.
Comment s’est organisé le travail avec Philippe Richelle? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de votre travail en commun ?
Philippe travaille de façon très avancée et pointue. Il est dessinateur à l'origine et je pense que cela y est pour quelque chose. Les planches sont donc déjà découpées au scénario. Mais il me laisse aussi une grande liberté d'interprétation. Il arrive parfois que je revois le découpage d'une planche entièrement, contrairement à d'autres, où je me laisse guidé par son travail en amont.
Avec ces trois tomes déjà parus, nous avons pris une habitude de travail, une complicité s'est installée, et il sait où je l'emmène au dessin. Je ne lui envoie même plus de storyboard, préférant passer directement à l'étape suivante, à savoir le crayonné. Nous nous voyons très peu (je suis en Bretagne, et lui en Belgique), donc chaque retours se fait par mails, avant le passage à l'encrage.
Quelle étape te procure le plus de plaisir?
J'ai tendance à enchainer beaucoup de crayonnés avant de passer à l'étape de l'encrage. Et inversement. Chaque étape est vrai bonheur, et si d'aventure je me lasse un peu, je repasse à l'autre.
Dans quelle ambiance sonore travailles-tu généralement? Silence monacal? Radio? Musique d’ambiance?
Avant j'écoutais énormément de musique, et je suis passé à la radio, récemment. Ce n'est absolument pas réfléchi, mais juste une question d'envie, là encore. En revanche, lorsqu'il s'agit d'écrire, effectivement, j'opte pour le silence!
As-tu d’autres projets sur le grill?
Oui, je travaille actuellement sur un autre projet, en parallèle de la série. La continuité de ce que nous avons déjà produit, avec Aurélien Ducoudray, toujours chez Futuropolis. Nous revenons à nos premières amours, après un bref détour par la bande dessinée reportage. Il s'agit là d'un polar qui répond au doux nom de "Mort aux vaches!". Une histoire de gros bras qui partent se mettre au vert dans une ferme familiale (pensant éviter les flics, loin de tout), après le braquage d'une banque. Une bonne idée, sauf que nous sommes en 96 et qu'au même moment démarre la crise de la vache folle! La ferme en question fait tout pour éviter les contrôles, et donc préserver ses bêtes! L'endroit devient alors la cible des "poulets", et nos braqueurs se retrouvent dans la gueule du loup!
Je travaille aussi régulièrement pour Fluide Glacial, avec James, sur une série autour de l'univers politique (là encore), ou comment raconter en images le quotidien de nos "Chères Elites". Nous participons également à la Revue Dessinée, en proposant à chaque fin de numéro, un cartoon résumant au mieux l'état d'esprit ambiant des trois derniers mois…
Et puis plein d'autres choses, à venir!
Y-a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Je ne crois pas, j'ai l'impression d'avoir été déjà très bavard!
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD: Gaston
un personnage mythologique: Bacchus
un personnage de roman: Burma
une chanson: le temps des cerises
un instrument de musique: le pipeau
un jeu de société: le jeu d'échecs
une découverte scientifique : Une planète aux confins de notre galaxie.
une recette culinaire: Poulet frites!
une pâtisserie: Moelleux au chocolat
une ville: Rennes
une qualité : la patience
un défaut: mon humour?
un monument: Le musée du cochon et de la charcuterie de Crots
une boisson: le cidre
un proverbe : À celui qui sait attendre, tout vient à temps.
Un dernier mot pour la postérité ?
Gardons espoir!
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé…
Merci à toi!