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Entretien avec Maxime Rambourg
Interview accordée aux SdI en janvier 2016


Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Bonjour, pas de problème, j'aime bien les petits jeux...

Peux-tu nous parler de toi en quelques mots (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
En quelques mots, je suis un joueur, un peu touche à tout. Le sport, la musique, les arts de manière générale, et toutes ces choses qui font du bien, comme par exemple le jeu de société, sont présent depuis mon plus jeune âge. J'ai fait des études d'art du spectacle, et doucement je me suis dirigé professionnellement vers le jeu, en tant qu'animateur, puis comme gérant d'un café jeux, puis comme auteur.

Je suis âgé d'environ pile poil une trentaine d'année, et mes qualités sont bien trop nombreuses pour être énumérées ici. Mes passions sont éparpillées ! Mais j'essaye de les tempérer le plus possible. Mis à part le Jeu de société qui est devenu mon métier, j'essaye de ne pas être trop passionné pour me laisser le temps de découvrir encore bien des choses et des gens.

The Big Book of Madness, monstre du grimoire © IELLO / NaïadeMais autant le Handball que la sociologie, en passant par la vie des animaux, au détour d'un peu de physique pour les nuls, que toutes les formes d'humour, que la musique à écouter et la musique à jouer, que les bandes dessinées, que la nature et les séries plus ou moins débiles, que rester deux heures bloqué sur un reportage sur les loutres d’Amazonie, à passer une journée à me demander ce que je ferais demain.

Quand à ma légendaire fortune... les numéros de compte seront disponibles dès que possible!

Enfant, quel joueur étais-tu? N’as-tu jamais cessé de jouer ou un jeu en particulier t’a-t-il fait basculer dans le jeu de société « moderne »?
Je ne crois pas que ce soit un jeu en particulier qui nous fait tomber dedans, mais plutôt les gens qui nous font jouer. L'ambiance autour de la table, le plaisir qui se partage.
D'aussi loin que je me souvienne j'ai toujours joué, aimé ça et en redemande encore plus !

Personnellement, c'est mon papa, qui me faisait jouer tout petit à toutes sortes de jeux plus ou moins classique. Bien conditionné, je ne fus que mieux préparé à la découverte du jeu de société moderne, un peu sur le tard, vers l'âge de 19 ans.
Avec mes amis d'enfance j'ai toujours été celui qui proposait des jeux, et même tout petit, en inventait. Avec l’adolescence, il était même devenu traditionnel que j'inventais un nouveau jeu à chaque vacances pour animer nos soirées.
Plus tard à la fac, un ami me montrait Catane, Pitch Car, Puerto Rico et El grande, For Sale, Ricochet Robot,... et tous ces jeux qui m'ont fait comprendre que le « monde du jeu » existait bel et bien, et qu'être auteur de jeu était quelque chose qui existait pour de vrai !

The Big Book of Madness, Etudiants en sorcellerie  © IELLO / NaïadeDe joueur à acteur du monde du jeu, comment et pourquoi as-tu sauté le pas?
Ça n'est pas quelque chose qui se décide, ni qui se passe du jour au lendemain. Ça arrive sans trop savoir pourquoi, ça s'impose naturellement au cours des événements de la vie. Quoique, depuis l'enfance lorsqu'on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais souvent « Inventer des jeux ».
Le début de l'aventure commence à la Fac. Je rencontre des gens passionnés de jeux, qui animent souvent des parties auxquels je me joins avec le plus grand enthousiasme. Très vite, le groupe se forme et des animations dans les bars de la ville de Metz s'organisent pour en faire profiter le plus de monde.
Arrivé au crépuscule d'étude professionnellement inutiles, nous décidons de tenter l'aventure jeux. On ne sait pas encore ce que ce sera. Un site internet de critique de jeux, une maison d'édition, une structure d'animation, un collectifs d'auteur... Les projets ne manquent pas et nous plongeons dans la chose ludique. Nous avons alors testé plus de 600 jeux en 8 mois. C'est là que nous découvrons le concept de café jeux à Lyon chez « Moi j'm'en fou j'triche ».
Les projets sont nombreux, mais les avis divergent, les envies s'éloignent et les personnalités s'opposent. Nous sommes deux à revenir en lorraine, avec pour but d'y installer un café jeux, notre association à nous, notre QG, à partir duquel faire de nouvelles rencontres, se construire une base solide.
Sans réfléchir, grâce à nos formidables et généreux parents, une multitude d'amis aux divers talents, nous créons La Feinte de l'Ours. De là tout le reste suivra...
Au bout d'un an et de quelques efforts, nous sommes entourés d'autres passionnés aux personnalités merveilleuses et à la générosité sans faille et je deviens salarié de l'association, le gérant du café jeux. Je deviens acteur du monde du jeu, et je crée enfin cette base qui me permettra d'avoir les conditions idéales pour devenir auteur de jeux.

The Big Book of Madness, Etudiants en sorcellerie  © IELLO / NaïadePeux-tu nous parler de la Feinte de l’Ours un café jeu que tu as ouvert en 2008 à Nancy?
C'est avec Gabriel Durnerin, que nous donnons naissance à notre café jeux : la Feinte de l'Ours. C'est une association qui propose de faire découvrir le jeu de société moderne. Les étagères, par manque de place ne possède qu'un tout petit millier de jeux, et le lieu accueille chaque soir une trentaine de personne. Nous comptons tout de même plus d'un millier de membre à l'année.
La structure est tenue par une quinzaine de bénévoles très actifs qui sont là pour accueillir les membres et surtout leur expliquer les jeux. Nous tenons tout particulièrement à rendre le jeux de société accessible à tous. Les animateurs sont donc formé à l'animation de jeux de société pour rendre la découverte plus agréable.
Notre volonté était de casser une image du monde du jeu encore très présente il y a une dizaine d'année. Nous voulions montrer ce que représentait le jeu pour nous et faire tomber les à priori. Le jeu de société n'est pas un divertissement débile où on avance de x case grâce à un dé et où l'on suit les instructions de la dite case. Où à l'inverse un milieu très fermé d'initiés complètement geeks qui se prennent aux sérieux en jouant avec des bouts de cartons incompréhensibles.
Non le jeu n'est pas sérieux, lorsque la partie est terminée, le jeu aussi. Le premier but du jeu est de s'amuser. Mais ça n'est pas non plus dénué de sens, ni d'intérêt.
Oui, le jeu c'est simple, accessible, amusant, convivial et chaleureux et parfois même intelligent. C'est sur ces convictions que le café se crée et au bout de 8 ans, c'est toujours sur ces principes qu'il attire de plus en plus de monde. Et chose étrange : que des gens sympa !

Faire éditer ton premier jeu, Le Truc le +, a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Pas vraiment. Gabriel, l'ami avec qui j'ai crée la Feinte de l'Ours, s'était fait embauché chez l'éditeur IELLO. Nous avions déjà signé « The Big Book » et souvent nous parlions de créer un jeu d'ambiance comme on en sort tous les soirs dans un café jeux.
Mon sens de l'absurde avait crée « Le Truc le + » et le prototype marchait à merveille au café. IELLO cherchait à cette époque à éditer un jeu dans cette gamme. Je n'ai donc pas vraiment eu à démarcher un éditeur.
Le jeu a été signé tout de suite et il était assez simple à éditer. Il a juste fallu se mettre d'accord sur l'ensemble des mots et des questions et c'était fait.

The Big Book of Madness, Etudiants en sorcellerie  © IELLO / NaïadeThe Big Book of Madness vient de paraître sur les étals. Comment est née l’idée de ce jeu enthousiasmant mêlant avec audace deck-building et coopératif?
L'idée nait quelque part au milieu de tous mes prototypes. La volonté était de créer un deck-building qui soit coopératif. A l'époque je ne connaissais aucun exemple de ce mélange et comme j'aimais autant l'un que l'autre...
Le jeu à fait un chemin incroyablement long pour arriver dans les boutiques. Le prototype a été torturé, trituré, modifié des centaines de fois. Même après l'avoir signé, il a fallu plus de 4 ans de développement pour en arriver là.
Dans tout bon coopératif qui se respecte, l'important ça n'est pas vraiment ce qui nous fait gagner, mais bel et bien ce à quoi nous devons faire face, ce contre quoi nous devons lutter. Et tout de suite l'idée de la folie qui vient « pourrir » notre deck s'est installée. C'était l'idée centrale du jeu, celle qui n'a jamais quitté le moindre prototype.
Mélanger les 2 mécanismes (coopératif et deck-building) ont logiquement donné la folie et le soutien.
Qu'est-ce qui freine l'amélioration d'un deck et qu'il faut à tout prix éviter dans un deck-building : Les cartes inutiles !
Qu'est-ce qui permet aux joueurs de d'avoir besoin de s'entraider ? : la possibilité d'utiliser momentanément les cartes d'un partenaire.
Voilà, le cœur du jeu était né. Finalement il ne restait qu'à rendre ça jouable !... et trouver une autre thématique que des patients qui cherchent à s'évader d'un hôpital psy tenu par des zombies nazis...

The Big Book of Madness, Etudiants en sorcellerie  © IELLO / NaïadeFichtre… des patients cherchant à s’évader d’un hôpital tenu par des nazis… Mais par quoi donc était remplacé le Big Book of Madness et les composantes élémentaires?
Le jeu est passé par beaucoup de changement, ballotté d'une thématique à l'autre. Il y a fort longtemps, à la genèse de l'émergence du début, il y avait des salles à franchir qui comportaient différentes épreuves et les composants du deck étaient la force, l'adresse, l'intelligence et les diverses aptitudes des personnages. Mais les mécaniques ne collaient pas vraiment et le thème n'était pas très... adapté.
Après plusieurs étapes, les salles sont devenus des monstres ; les pièges et les zombies nazis ont mutés pour devenir des malédictions ; les caractéristiques de mauvais JdR ont glissée vers les éléments ; les fous n'ont pas trop changé, ils s'appellent simplement magiciens, mais la folie est restée là !

Outre le thème, quelles fut la plus grande modification qui fut apportée au jeu en cours de développement?
De nombreux éléments du jeu initial ont disparu, puis sont revenus, se sont transformés. Mais ce qui reste le plus gros bouleversement c'est d'avoir rétabli un tour de jeu classique. A la base, il n'y avait pas de tour de jeu, mais un certain nombre d'actions limitées et chacun pouvait annoncer ses choix. Un système de fatigue et de repos, que j'aimais beaucoup, venait contraindre les joueurs dans leur potentiel d'action et obligeait à se demander combien d'action nous aurions besoin pour la manche suivante. Après des parties test qui duraient parfois plus de 3 heures, je me suis laissé convaincre d'en revenir au bon vieux tour de table classique... Là sont nés les sorts d'Air permettant à un autre joueur de jouer pendant son tour.

The Big Book of Madness, carte folie  © IELLO / NaïadeQuel effet cela fait-il de voir son jeu si joliment mis en image par un Naïade particulièrement inspiré?
Ça fait plaisir ! Vraiment. À chaque fois que j'arrivais à soutirer une illustration, je refaisais un nouveau proto. J'avais envie de montrer ça à tout le monde, j'ai dû être un peu lourd. Voilà l'effet que ça fait.

Les retours sur le jeu sont pour le moins enthousiastes mais dans quel état d’esprit étais-tu lors de la parution de The Big Book of Madness sur les étals?
C'est assez étrange, mais au bout de 4 ans, plusieurs reports de sortie, quelques soucis de règles de dernières minutes, j'étais pas vraiment excité, mais plutôt soulagé. Le jeu est passé par tellement d'épreuves que la sortie était plutôt une délivrance, qu'un commencement. Les premiers retours des sites de critiques n'étaient pas très bon du à des erreurs de règles à la GenCon et j'angoissais un peu de lire les critiques tranchantes de la sphère geek d'internet. Mais finalement presque tous les avis sont constructifs qu'ils soient bons et surtout mauvais et c'est très intéressant à suivre au quotidien.

Je me doute que tu dois avoir des projets plein les tiroirs… Peux-tu nous dire quelques mots sur un proto bien avancé?
Arh, c'est assez difficile de lâcher des info sur des proto, surtout lorsqu'on sait que ça peut prendre plusieurs années avant de voir le jour. Mais j'ai en moyenne une idée par jour, très souvent inexploitable, ou par fainéantise laissée au placard des idées pour plus tard. Mais d'ici 2017, il devrait y avoir un jeu chez Iello avec mon nom dessus. Un jeu de baston. Après un coop et un jeu d'ambiance, on change de style, j'aime bien toucher à tout ! Un jeu de combat dans une arène mais avec une phase d'équipement un peu nouvelle et rigolote. Là je devrais être limite entre donner envie d'en savoir plus et ce que j'ai officiellement le droit de dire...

The Big Book of Madness, partie en coursTous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur (jeux, bd, ciné, romans…)?
Alors ça, c'est une question qui mérite plusieurs conférences de quelques heures... Je vais me contenter d'un ou deux coup de cœur...
Leftover pour les séries télé. Pour le scénario d'une qualité rare ; une musique et une gestion sonore de façon générale à humidifier l’œil. Parce que ça n'a aucun sens et tellement à la fois que je pourrais en faire l'analyse pendant plusieurs jours.
En BD, Zombie. J'attendais le 4ème tome avec impatience et un peu d’inquiétude de sauter un génération comme ça d'un coup. Mais quel bonheur. La dernière page qui nous fait toujours frissonner, à chaque épisode j'ai au moins un coup de panique, c'est assez rare en bd.
Pour les jeux, j'ai découvert Catacomb il y a peu et moi qui suis un adepte de la pichenette, je ne m'en remets pas encore...

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Non, je pense que c'est aussi bien de laisser une part de mystère entre nous.


The Big Book of Madness, monstre du grimoire © IELLO / NaïadePour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


un personnage de BD: Spike (cowboy bebop)
un personnage de roman: Robert Neville (Je suis une légende)
un personnage de cinéma: The Mask
une chanson: Ma faute à toi (la rue kétanou)
un instrument de musique: Hang
un jeu de société: Le carom
un mécanisme de jeu de société: le bluff
une découverte scientifique : l'électricité
une recette culinaire: une choucroute
une pâtisserie: un éclair à la vanille
une boisson: un verre d'eau
une ville: Gotham city
une qualité : la provocation
un défaut: la lâcheté
un monument: l’obélisque
un proverbe : Jusqu'ici tout va bien... Jusqu'ici tout va bien...


Un dernier mot pour la postérité ?
Monde de merde
Le Korrigan



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