Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, une petite question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?
Pas le moins du monde, vous pouvez me dire « tu »
Merci bien… Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Je suis né en 1970 à Versailles, j'ai suivi une formation en dessin animé au CFT Gobelins en 91-94. Passionné de dessin depuis le plus jeune âge, mais aussi d'Histoire, j'arrive depuis 2012 à concilier ces passions grâce à la BD.
D’où te vient cette passion de l’Histoire ?
Je suis né à Versailles, une ville qui pousse à s'intéresser à l'Histoire , les séries tv que je regardais enfant comme Vidocq et Les Brigades du Tigre. Je me souviens d'un film sur la défaite de Fachoda dont la musique m'avait marqué . Je crois avoir été entouré de gens qui aiment l'Histoire , c'est une affaire de transmission et la BD est un excellent médium pour cela, et un vivier d'histoires exceptionnel !
Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes auteurs de chevet et quels sont-ils aujourd’hui?
Enfant je lisais Tintin, Astérix , Alix , Blake et Mortimer , les classiques! Depuis j'ai découvert bien d'autres choses, mais mes goûts sont éclectiques. Cela va de Gibrat à Alan Moore , de Bill Waterson à Chris Ware en passant par Will Eisner et Tllieux … Mais je lis plus de livres que de BD , il faut nourrir son imaginaire .
En dehors de la la BD, j'ai toujours aimé la lecture qui m'a procuré des moments inoubliables avec Steinbeck, André Dhötel , Marcel Aymé ou Fenimore Cooper…
Devenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse?
Oui, je me dessinais comme un adulte dessinateur. Dès 7 ans je me racontais des histoires en images .Je peux dire que je réalise un rêve d'enfant.
Devenir dessinateur de BD a-t-il relevé du parcours du combattant?
C'est un métier difficile mais passionnant. J'ai eu la chance de signer chez Glénat à 25 ans, mais il y a eu ensuite 10 ans de projets sans trouver d'éditeur. C'est aux éditions Une Idée Bizarre que je dois mon retour à la BD, avec la publication de Sur Les Pas dell'Arte. Depuis les albums se suivent chez Artège : Cathelineau (2013) Herr Doktor ( 2015) et Franz Stock , à paraître à l'automne 2016.
Quelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier de dessinateur de BD?
Les joies : signer un contrat avec un éditeur, mener à bien un album qui va occuper un an de votre vie et tenir l'album. J'aime l'objet livre, les rencontres avec les lecteurs.
Les difficultés : le travail solitaire parfois pesant. Il faut une bonne autodiscipline, c'est atténué par les collaborations avec le scénariste et le coloriste. Le rapport temps passé et les faibles revenus. Il faut souvent accepter des commandes en parallèle pour joindre les 2 bouts.
Mais au final la satisfaction de faire ce pour quoi on est fait et de partager sa passion.
Comment est née la série Herr Doktor, série scénarisée par Jean-François Vivier?
C'est une histoire qu'il a écrite il y a 15 ans mais qui n'avait pas trouvé d'éditeur. Passionné par la Seconde Guerre Mondiale, il m'a proposé ce scénario que j'ai lu d'une traite et qui m'a tout de suite séduit. Je visualisais très bien cette histoire, ce qui est un très bon début. SI le tome 1 trouve son public, je m'attèle au tome 2 fin 2016. Mais tous les retours que nous avons sur notre travail sont encourageants.
Une petite-nièce de Malgrés-Nous m'a contacté, remercié et raconté l'histoire poignante de ses grands-oncles morts sur le front de l'Est. Si ce travail sur la mémoire de notre Histoire peut faire écho aujourd'hui, nous en serons heureux. A suivre comme on dit!
Qu’est-ce qui t’as intéressé dans le destin de cet incorporé de force?
Je ne connaissais pas vraiment le sujet et je trouve que le destin tragique de ces Malgré-Nous méritait qu'on leur rende justice, en évitant d'être manichéen et certains amalgames.
Comment as-tu abordé cette série fortement ancrée dans l’histoire? Quelles furent tes principales sources iconographiques?
La documentation a été cruciale. D'abord les lectures avec Henri Amouroux et La Vie des Français Sous l'Occupation, Le Soldat Oublié de Guy Sajer (un soldat alsacien sur le front de l'Est ) et pas mal de films : Le Vieux Fusil, Le Silence de la Mer , Croix de Fer , Jeux Interdits , l'armée des Ombres ,M. Klein , …) mais aussi les photos couleurs d'André Zucca sous l'Ocupation.
Comment organises-tu généralement le « casting » de tes personnages principaux?
Pour Martin Wisenfall, je me suis inspiré du dessinateur Jacques Martin jeune (qui aussi né à Strasbourg, comme le héros). Pour Solange c'est Brigitte Fossey dans Jeux Interdits. Ensuite les photos d'époque m'aident , comme pour le couple Oléron ou l'inspecteur Boher de la Gestapo .
Du synopsis à la planche finalisée, comment s’est organisé ton travail avec Jean-François Vivier? Quelles furent les différentes étapes de l’élaboration de l’album?
Jean-François me fournit un script complet, je lui soumets au fur et à mesure le découpage graphique ou il m'arrive de modifier le découpage pour une question de rythme ou de composition de planche...
Ensuite, l'étape de crayonnés permet de mieux voir ce qui fonctionne ou pas. Il peut y avoir des retouches sur le texte ou une attitude. Ensuite l'encrage. La correctrice valide le texte, les planches encrées passent chez le photograveur qui fournit des scans impeccables. Je peux y ajouter d'ultimes retouches.
Ensuite j'envoie les fichiers au coloriste avec indications d 'ambiances, de lumière et la documentation des pages concernées .Enfin , c'est à l'imprimeur de jouer après le travail du maquettiste ( typo , textes de présentation )
Quelle étape te procure le plus de plaisir?
Les esquisses et les crayonnés, lorsque l'histoire est en train de de se matérialiser, les personnages prennent vie. Il y a le 1er élan !
Elaboration d’une planche de l’album
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé…