Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, une petite question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?
non.
Merci bien!
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Pas grand chose à dire, sinon que j’ai 46 ans, et que j’ai passé la majorité de ces années à dessiner. Et très vite pour raconter des histoires. J’ai donc fait les Beaux Arts à Tournai (en Belgique) et je suis professionnel depuis 1997.
Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes auteurs de chevet et quels sont-ils aujourd’hui?
J’ai commencer à lire de la bd avec les auteurs de chez Spirou des année 70. Je suis d’ailleurs toujours un grand fan de Franquin. Un peu plus tard, dans le même magazine, j’ai pu apprécier le travail de Dodier (aussi bien sur Jérôme K que sur Gully) et de Franck Pé. En même temps, je me passionnais pour le dessin de Giraud.
Vers 14 ans j’ai découvert Pratt et Tardi. Puis De Crécy.
Depuis la colorisation informatique, je ne lis plus trop de comics (à part Mignola et Jeff Smith). Mais j’ai consommé pas mal de Marvel à l’époque de Strange.
Il m’arrive de lire quelques Manga également (Akira, Nausica, Monster, Bakuman, Twenty century boys…). Mais j’ai un peu du mal à m’y retrouver dans la masse.
Devenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse?
Pas vraiment, je dessinais par plaisir sans penser à mon avenir. C’est quand j’ai eu 14 ans et que la question d’un futur métier s’est posée que j’ai naturellement pensé à la bd. Mais ce n’était pas un rêve, c’était une évidence, je crois. Et puis, je n’avais pas trop le choix, rien d’autre ne m’intéressait.
Devenir dessinateur de BD a-t-il relevé du parcours du combattant?
Pas vraiment. Ca a été un peu dur à faire comprendre et accepter à la famille mais quand j’ai commencé mes études aux Beau-Arts, ça a tranquillisé tout le monde.
Dans cette école, le prof (Antonio Cossu) rassemblait un jury composé de professionnels de la bd à chaque fin d’année pour noter le travail des élèves. C’est comme ça que, à la fin de ma seconde année, j’ai rencontré Laurent Galmot qui était, à l’époque, directeur de collection chez Vents D’ouest.
J’ai été diplômé deux ans plus tard, j’ai fait 15 jours de service militaire puis je l’ai recontacté et, 6 mois plus tard, il publiait mes premières planches dans la revue « Gotham ».
En fait, c’est une fois que j’ai été dans le milieu que les choses se sont un peu compliquées.
Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier?
Mes plus grandes joies…
- Quand un éditeur te rappelle pour te dire que le projet sur lequel tu as bossé pendant des mois l’intéresse et qu’il souhaite te rencontrer pour en parler avec toi le plus vite possible.
- Quand tu te retrouves à table avec ledit éditeur et ton scénariste à parler dudit projet et que tout le monde est enthousiaste.
- Et puis, si tout ça débouche sur un album qui a un peu de succès auprès, c’est pas mal non plus.
La plus grande difficulté…
- Savoir gérer la baisse d’enthousiasme des éditeurs quand le succès n’est pas au rendez-vous.
Nous ne dirons rien de leurs femelles, troisième album de la série Communardes. Qu’est-ce qui vous a séduit dans le scénario de Wilfrid Lupano?
Déjà, j’ai apprécié de n’avoir qu’un album à réaliser et deux autres dessinateurs sur la série. La pression est un peu moins forte que si on est seul ou à deux pour porter une série.
J’adore cette période. J’ai déjà travaillé sur le XIXème avec des séries comme « Miss Endicott » et « La légende de Changeling » mais c’est la première fois que je dessinais Paris.
J’aimais bien l’idée de travailler sur des scènes de combats urbains et sur cette armée de communards débraillés. Et puis, après quelques années passées à dessiner « Le train des orphelins » où se sont surtout les sentiments des personnages qu’on essaye de mettre en valeur, un peu d’action, ça ma fait du bien. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de sentiments dans « Communardes » mais on est plus proche de la colère et de la haine.
Dessiner cet album plein de mouvement de colère, de fureur ça avait quelque chose de défoulant.
Quelles furent tes principales sources iconographiques pour mettre en image cet album?
Wilfrid m’avait donné quelques titres de bouquins à consulter. Les deux qui m’ont le plus servi sont : La Commune de Paris par ceux qui l’ont vécue (Parigramme) et Image du siège de Paris (2d de L’Amateur).
Et puis, j’ai trouvé pas mal d’image sur internet.
Du synopsis à la planche finalisée, comment s’est organisé ton travail avec Wilfrid Lupano?
Wilfrid m’a envoyé l’entièreté du scénario. Après lecture, j’ai réalisé quelques croquis de personnages, rien de bien précis, pour me plonger dans l’ambiance du récit et rechercher un graphisme adapté.
Et puis j’ai travaillé plus précisément sur les personnages principaux. J’ai envoyé le tout à Wilfrid pour voir si cela correspondait à ce qu’il attendait.
J’ai ensuite dessiné tout le story board. Je commence toujours par un petit croquis rapide au format A5 qui va me permettre de savoir comment je vais positionner mes cases dans la planche et comment je vais (grossièrement) composer chaque case. A partir de ce premier croquis, j’en réalise un second au format A4 beaucoup plus détaillé. Cela me permet de gagner du temps sur l’étape du crayonné et puis le scénariste a une idée précise de ce que va devenir la planche.
Pour cet album, le fait de le faire en entier, avant d’attaquer le crayonné, m’a permis d’approfondir petit à petit le dessin des décors et des personnages.
Après avoir reçu l’accord de Wilfrid, j’ai commencé le crayonné et puis l’encrage.
Là, je travaille au format A3 et les planches sont encrées à la plume.
Wilfrid a, de nouveau, relu l’ensemble et, après quelques nouvelles corrections, j’ai pu livrer l’album à l’éditeur.
dans les coulisses de l’album: une planche pas à pas
Quelle étape de la réalisation d’un album te procure le plus de plaisir ?
Généralement, pour moi, c’est le story board. Les miens sont assez précis. C’est là que tout se met en place et, en même temps, comme ce n’est qu’un brouillon, je me sens très libre, très détendu. Quand je crayonne, j’ai un peu plus la pression. Et puis, quand arrive l’encrage, le plus gros du travail est fait, il n’y a plus vraiment de surprise.
Mais, sur cet album, je voulais un encrage un peu moins « propre » et précis que sur « Le train des orphelins », je me suis donc un peu plus lâché lors de cette étape. J’y ai pris plus de plaisir.
Certains protagonistes de l’album sont les personnages principaux des deux tomes de la série, mis en image respectivement par Lucy Mazel et Anthony Jean… Comment s’est organisé ce travail un peu particulier ?
Pour moi, c’était assez simple, comme Lucy et Anthony avait bien avancé sur leur album respectif, on a pu me fournir pas mal d’images de leurs personnages. Dans le cas de Lucy, j’ai pu voir plus d’une vingtaine de planches.
Ça a été un peu plus compliqué pour Anthony qui était plus en avance que moi et qui a dû attendre, pour dessiner certaines scènes, que je lui envoie des croquis de Marie et de sa copine.
Après, c’est vrai que c’est un peu délicat de reprendre le personnage de quelqu’un d’autre avec son propre style. Dans l’idéal, il faut que le lecteur l’identifie rapidement.
Sur quel(s) projet(s) travailles-tu en ce moment ?
Très exactement, je travaille sur le story-board des planches 38/39 du « train des orphelins ». Et en parallèle, avec Philippe Charlot, nous développons un nouveau projet … Paris Renaissance… rien n’est signé donc difficile d’en dire plus !
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Le film d’animation
Zootopie
L’album de W.A.S.P.
The Crimson Idol - vieil album mais découvert récemment, merci le net !
En BD, je dévore
Zipang de Kaiji Kawaguchi
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Non … je ne vois pas…
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD: Averel Dalton
un personnage de roman: Commissaire Adamsberg
une chanson: « Another brick in the wall »
un instrument de musique: Un triangle
un jeu de société: Le trivial pursuit
une recette culinaire: une fondue savoyarde
une pâtisserie: un macaron
une boisson: une bière, belge de préférence
une ville: Arkham
une qualité: l’obstination
un défaut: l’obstination
un monument: le pont des arts, sans les cadenas, SVP !
un proverbe: un tient vaut mieux que deux tu l’auras !
Un dernier mot pour la postérité ?
Quand est-ce qu’on mange ?
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé!