Bonjour et tout d’abord merci de te prêter au petit jeu de l’entretien et de m’avoir dérouillé les zygomatiques avec ton dernier album.
Bonjour !
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
C'est beaucoup trop de questions en même temps. Heureusement, la réponse à toutes ces questions est la même : 37. Sauf pour le parcours, c'est 18.
Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes auteurs de chevet et quels sont-ils aujourd’hui?
Enfant, j'étais un lecteur plutôt petit qui lisait des Bd plutôt franco-belges, comme on dit. Après j'ai lu plein d'autres choses. J'adore le travail de Gossens, mais je le dis tout le temps, on va croire que je lis que ça. Ce qui serait vrai s'il sortait suffisamment d'albums. Mais comme il produit peu, je lis des romans, en attendant.
Devenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse? Un auteur en particulier t’a-t-il donné envie de passer du côté obscur de la BD?
J'ai le souvenir d'avoir eu un album de Tintin au Tibet entre les mains vers l'âge de sept ans et d'avoir demandé qui faisait ça. On m'a répondu que c'était des êtres humains alors j'ai voulu en faire depuis lors. Puis j'ai vu sept ans au Tibet à l'âge de Tintin, j'ai demandé qui faisait ça. On m'a répondu d'arrêter de parler alors j'ai continué à faire de la BD.
Peux-tu dévoiler les mystérieuses origines du pseudo sibyllin avec lequel tu signes tes œuvres?
C'est bêtement un raccourci de mon nom de famille que les gens s'acharnent à mettre en entier dans des biographies alors que si j'ai pris un pseudo c'est bien pour ne pas utiliser mon vrai nom.
Quelles sont pour toi les grandes joies et les grandes difficulté du métier?
Les grandes joies sont 1. être satisfait du travail bien fait, 2. être bien payé, et 3. partir en vacances. Hélas, ça n'arrive jamais à cause de la joie numéro 2 qui n'arrive jamais. Les plus grandes difficultés sont 1. les festivals où ils faut boire et dessiner en même temps, 2. le fait que la joie 2 n'arrive jamais, 3. répondre à des entretiens.
J’avoue t’avoir découvert sur le tard avec le jubilatoire et azimuté Santiago… Où puises-tu ta folle inspiration?
Santiago est purement une parodie de différents westerns, mis à part quelques situations qui viennent de faits plus ou moins historiques ou de je ne sais plus où. Pour Santiagolf, ça cadre plus large puisqu'on a l'heroic fantasy, des régions françaises, des situations du quotidien, même de la politique. Moralité, l'inspiration vient de partout.
Les aventures de Santiagolf du Morbihan (un lointain ancêtre breton de Santiago?) viennent de paraître sur les étals… Comment est né cette nouvelle saga qui revisite de façon déjantée et joyeusement irrévérencieuse l’œuvre de Tolkien, invitant aussi à la fête quelques irrésistibles (et inquiétants) gaulois?
C'est venu du fait que je voulais faire une parodie d'heroic fantasy, mais je piétinais un peu à l'écrire. Ça se prenait trop au sérieux, même. Je pensais transposer Santiago dans d'autres univers que le western et Wandrille (l'éditeur) a suggéré que ce serait marrant en Heroic fantasy. Alors j'ai pris les idées les plus drôles que j'avais dans mes notes initiales et ça marchait bien mieux avec ces personnages. Comme ça n'allait pas que ça se passe dans l'Ouest américain, j'ai situé l'histoire en Bretagne, terre tant propice à la légende qu'à la dérision et ça a généré encore plus d'idées.
L’humour potache et décalé présent dans l’album n’est pas sans évoquer celui qui pouvait régner à certaines tablées de JdR, peuplées de joueurs occupant leurs longues soirées d’hiver en lançant compulsivement des dés cunéiformes et en trucidant de pauvres gobelins sans défense pour sauver quelques lubriques princesses… Es-tu ou fus-tu toi-même pratiquant de cette antique religion?
J'en ai fait quelques-uns, pas souvent, des trucs assez classiques. Mais c'est souvent très long et je n'ai joué qu'occasionnellement. Même si j'ai poussé la curiosité jusqu'à tester un JdR grandeur nature, un Conan dans un vrai château. J'aime bien, mais je ne suis jamais complètement rentré dedans. Je n'ai jamais été un maître du jeu, sauf pour les personnages de mes livres.
Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les grandes étapes de la réalisation de l’album? Quels outils utilises-tu?
J'ai travaillé différemment de Santiago, que j'avais écrit un peu au fur et à mesure. J'avais un storyboard avec à peu près toute l'histoire sauf la fin qui est toujours un peu floue. Après c'est la partie longue où on a l'impression de construire des cathédrales en allumettes avec trop d'étapes, crayonné de mise en place, crayonné par dessus pour affiner le dessin, encrage au pinceau, scan, nettoyage, couleur, ça en finit pas. J'aimerais travailler plus librement mais c'est encore un peu laborieux.
Quelle étape te procure le plus de plaisir?
C'est le storyboard qui m'amuse le plus, l'histoire se forme dans ma tête en même temps que sur le papier. C'est le moment où je peux me surprendre en bien. Au dessin, je m'éloigne parfois de ce que j'imaginais. Je pourrai confier cette étape à quelqu'un mais j'ai peur que ce soit encore pire. Heureusement, je trouve des idées de dernière minute qui permettent de rester stimulé. Santiagolf du Morbihan est bourré de gags de dernière minute. J'en trouve encore mais c'est trop tard.
Dans quel environnement sonore travailles-tu généralement? Silence monacal, musique de circonstance, radio, hurlement de scarabées?
Santiagolf était un prétexte pour écouter du Alan Stivell et du métal, mais finalement j'ai peu écouté de musique en le faisant. Du hip hop à la fin. Mais je travaillais trop pour avoir le temps de choisir des musiques la plupart du temps.
Peux-tu nous dire quelques mots sur tes projets présents et à venir et plus particulièrement sur ton prochain album? Un nouveau voyage spatio-temporel pour Santiago en perspective?
Santiago(lf) est sur la touche pour l'instant, pour les raisons évoquées plus haut. Je planche à présent sur un album qui s'appellera (a priori) « Glouton, la terreur des glaces » (chez bayard/milan), qui est l'histoire d'un glouton (carcajou), le plus dangereux prédateur du grand Nord selon le glouton, qui rencontre un chien qu'il essaie de dresser à être sauvage. On peut déjà voir des pages dans Wapiti. Oui c'est pour les enfants mais pas que. Les autres projets, je ne sais pas encore, je recharge mes batteries et je termine mon glouton.
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur?
Je suis en retard culturellement. Je viens de lire watchmen, c'est pour dire. J'ai bien aimé le film « Lucky » de John Carrol Lynch et le dernier livre qui m'ait emballé était « les croisés du cosmos » de Poul Anderson.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Comment ton travail va-t-il évoluer dans l'avenir ? Il est un peu tôt pour le dire mais j'espère que j'arriverai à travailler différemment.
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD : Glouton (que je suis en train de faire est assez proche de moi sous certains aspects)
un personnage de roman: Bilbo le hobbit
un personnage de cinéma: Bilbo (oui, je triche)
une chanson: twist again
un instrument de musique: un biniou
un outil de dessinateur: une cafetière
un jeu de société: un « qui est-ce » où on n'a pas le droit aux questions sur le physique
une découverte scientifique: l'acier
une recette culinaire: la tartiflette
une pâtisserie: un beign... la tartiflette, je suis pas très dessert
une boisson: la bière
une ville: Roanne
une qualité: le silence
un défaut: l'énervement
un monument: le vent
un proverbe: les paroles s'envolent, les disques durs
Un dernier mot pour la postérité?
Bisou.
Grand fou… Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé…