Dans l’hyper centre du Mans, non loin de la célèbre cathédrale et d’une grande enseigne multi média (commençant par F…) qui ne lui fait pas du tout d‘ombre, se dresse le superbe bâtiment de la librairie « Bulle !». Il rend hommage dans son logo (conçu par Marc-Antoine Matthieu) et sa fresque murale au célèbre album « La marque jaune » d’Edgar P Jacob et célèbre le 9eme art sur deux étages et 350 m2.
Nous y avons rencontré pour « Les Sentiers de l’imaginaire » son fondateur, Samuel, un jour « ordinaire » de dédicaces à l’annexe de la librairie baptisée « l’éphémère ». Chevereau, Manini et Willem étaient présents ainsi que des auteurs de mangas (Redjet et Salvatore Nives) qui avaient fait un détour par le Mans avant de se rendre à la Japan expo.
Bonjour Samuel et tout d’abord merci de nous avoir accordé cette entrevue, est-ce que tu pourrais te présenter ?
Et bien je m’appelle Samuel Chauveau, j’ai 56 - bientôt 57- ans et j’ai ouvert une première librairie spécialisée dans la bande dessinée fin 1982. J’avais alors à peine 20 ans. Je me suis dirigé plutôt vers la vieille ville parce qu’au centre-ville les pas de porte étaient déjà hors de prix et moi qui avais pour objectif d’ouvrir une librairie totalement consacrée à la bande dessinée en n’ayant pas trop de moyens je me suis tourné vers ce quartier où je suis resté finalement plus de 30 ans.
J’ai démarré en fait le 2 janvier 1983 parce que je n’étais pas très bon commerçant ! J’étais tout prêt à ouvrir fin d’année 1982 mais j’ai pensé que c’était mieux de laisser passer un peu la vague des fêtes de Noël pour ouvrir tranquillement après… Comme quoi j’avais bien compris ce qu’était le commerce ! Bon, c’est pas mal comme vision et j’étais persuadé en plus d’avoir raison ! (rires)
J’ai démarré complètement en amateur, ne connaissant rien à ce métier, étant un gros lecteur « geek » achetant et lisant énormément depuis déjà des années. J’étais toujours en parallèle à la fac parce que j’avais un poste de pion et c’est ce poste de pion qui, entre guillemets, me faisait vivre ! Et quand j’exerçais mon pionnicat, la librairie étant ouverte, c’est ma maman (Ginette NDLR) qui venait me remplacer et c’est ce qui explique qu’elle a été très vite de l’aventure ! De cette façon elle m’a donné aussi un peu d’oxygène parce que dans le vieux Mans dans les années 1980, ce n’était quand même pas la foule et souvent l’après-midi on pouvait s’ennuyer de façon assez considérable !
Donc voilà le début. Ça n’a pas été compliqué parce que je n’avais de toute façon pas d’objectif, pas de stratégie, j’étais simplement un gros geek qui avait envie, pourquoi pas, de s’amuser en faisant quelque chose autour de la bande dessinée !
Donc c’est ça l’origine de ta « vocation » ? Tu es devenu libraire parce qu’avant tout tu étais lecteur ?
Ah totalement ! Ce n’est vraiment pas original ! Dès que j’avais un peu d’argent en travaillant l’été tout y passait. Mon poste de pion- je touchais 4300 francs à l’époque, je m’en souviens parfaitement - tous les mois mon salaire voire plus, tout était consacré à la bande dessinée !
Et quelles études poursuivais-tu en parallèle à la fac ?
J’ai eu, comme nous disions dans le temps, un bac économique : un bac B. Donc j’ai suivi la voie à peu près classique : une fac d’éco ; ça a été une catastrophe ! Ensuite, je me suis réinscrit en Lettres modernes et c’est là où j’ai trouvé mon poste de pion puis après j’ai encore été inscrit deux ans pour pouvoir conserver mon poste de pion mais j’étais déjà entre guillemets « libraire » donc j’ai fait une formation « carrière bibliothécaire » et une dernière année en science éco pour pouvoir conserver ce poste et ma carte d’étudiant !
En fait, j’ai l’habitude de dire que j’ai une maîtrise, c’est-à-dire bac +4, comme on disait à l’époque, mais c’est une maîtrise de première(s) année(s) en fait ! (rires).
Et donc tu n’es pas passé du tout par le cursus classique de libraire «métiers du livre» etc …
Non pas du tout, ça n’existait pas d’ailleurs à cette époque-là ; il n’y avait pas d’apprentissage de libraire, pas d’école …. Les métiers du livre c’était tout de même beaucoup plus simple que maintenant. Non là, ça a été complètement sur le tas !
Et quel est le premier « gros » auteur que tu as reçu en dédicace parce que les dédicaces c’est tout de même dans l’ADN de « Bulle ! », non ?
Le premier qui est venu, c’est Jean-Louis Pesch, c’est un sarthois, il n’habitait pas loin du Mans et le pas de porte de la librairie où je me suis installé lui avait appartenu ! Il avait acheté l’immeuble, y avait fait des travaux et puis l’avait vendu en lots. A quelques semaines près j’aurais pu être le locataire de Jean-Louis Pesch ! Et le second c’est Pierre Makyo qui est devenu un ami depuis et qui était encore plus célèbre à l’époque que maintenant car c’était l’auteur de « Grimion gant de cuir » et « Balade au bout du monde » avec Vicomte qui avait un succès vraiment considérable ! Et l’un des très très grands souvenirs aussi, c’est la venue de Morris, le papa de « Lucky Luke » : j’avais réussi à monter un dossier pour le faire venir à la « 25 eme heure du livre » … Mais il y a eu tellement de noms que parfois je mélange les périodes, les époques !
C’est devenu effectivement par la suite une sorte d’ADN pour pouvoir se faire connaître parce que le vieux Mans n’était pas vraiment très « bankable », pas très commercial … Pour exister, il a fallu trouver quelque chose - on parlait de stratégie tout à l’heure, ce n’était pas vraiment une stratégie, je n’avais pas ça en tête – mais je me suis dit si je fais venir des auteurs, les gens viendront et découvriront peut-être la librairie. Donc c’est devenu quelque chose de récurrent.
La difficulté était que la librairie était toute petite -75m2- même s’il n’y avait pas une production comme maintenant. A l’époque c’était moins de 300 nouveautés par an. Mais c’était tout de même difficile de laisser un auteur dans un lieu aussi exigu pour dédicacer ! Alors on a très vite fait les dédicaces dehors quand il faisait beau et puis il y avait une boîte en face de la librairie et comme la rue était très étroite, j’ai très vite demandé à la propriétaire de me laisser le hall d’entrée afin qu’on puisse faire les dédicaces dans ce lieu ! Et c’est devenu quelque chose de connu ! Toutes nos dédicaces, à 90%, se faisaient dans ce hall !
Et tu y es tout de même resté plus de 30 ans !
Je voulais vite partir sachant que ce n’était tout de même pas l’endroit le plus génial de la ville. La vieille ville vivait plus tout de même que maintenant, il y avait encore beaucoup de commerces de bouche, de commerces de première nécessité, il y avait encore une vie de quartier. On était vraiment à cheval entre la mixité sociale avec des générations d’immigrés espagnols ou portugais et le côté bobo et totalement transformé qui était en train de se faire ; il y avait vraiment une vie de quartier qui était peut-être encore plus forte que maintenant. Ceci a fait que je me suis dit que finalement c’était tout de même un super quartier avec une super ambiance et j’y suis resté.
Tu as évoqué le festival du livre du Mans, « la 25 eme heure », est-ce que tu as été tout de suite partenaire avec les organisateurs (la 42 eme édition aura lieu en octobre prochain NDLR)
Oui tout de suite, dès la première année. On est arrivés en octobre 1983 et on a mis déjà, à mon petit niveau, un petit coup de pied dans la fourmilière parce qu’il n’y avait pas forcément beaucoup d’auteurs de bande dessinée invités à l’époque et dès cette première année on a joué un peu les trublions et on a fait monter d’année en année l’exigence, le nombre d’auteurs, la « qualité » d’auteurs enfin quand je dis « qualité » d’auteurs je veux dire qu’on a fait venir des auteurs plus connus et ça a été tout de suite quelque chose d’important dans la vie de la librairie.
Tu me parlais tout à l’heure de la « stratégie » c’est à dire de de la nécessité pour une librairie spécialisée en bande dessinée de se démarquer. Il y a donc eu les dédicaces, le partenariat avec « la 25eme heure » mais aussi les expositions à l’abbaye de l’Epau.
Oui alors ça c’était déjà un peu plus tard, nous étions déjà un peu plus installés, beaucoup d’auteurs se succédaient. Les éditeurs commençaient à me connaître et surtout quand ils débarquaient dans le vieux Mans ils étaient assez surpris du chiffre d’affaire qu’on arrivait à faire dans une surface aussi petite et retirée du centre-ville !
Ça se passait bien avec pratiquement tous les éditeurs et un jour on me dit, pour me récompenser, « écoute Bilal va venir chez toi ! » Et moi que pouvais-je faire de Bilal dans le vieux Mans dans 75 m2 ? C’était plutôt paniquant ! Mais comme je travaillais déjà avec le conseil départemental (qu’on appelait alors le conseil général) et la bibliothèque départementale, j’ai été leur proposer une sorte de partenariat en leur disant « je vais avoir Bilal, que pourrions-nous faire ensemble pour le recevoir dans des conditions quand même favorables ? » Et comme l’abbaye de l’Epau appartenait au conseil départemental, on a décidé d’y faire une soirée pour la venue de Bilal. Elle s’est préparée longtemps en amont, ça a été un peu de stress car c’était un auteur qui était au sommet dans le domaine de la bande dessinée. D’un point de vue artistique il n’avait pas encore pourtant commencé ses ventes d’originaux à des prix invraisemblables, mais les sorties de ses albums étaient très attendues cependant. On a donc monté cet événement et un vendredi soir, sans trop de publicité, le dortoir aux moines était plein, 500 personnes ! Et ça a été le début de la magie de l’abbaye de l’Epau !
Si bien que depuis, tous les ans, nous organisons un événement avec un auteur mais pas simplement une venue d’auteur. La spécificité de l’abbaye de l’Epau, c’est « pas de dédicaces » : tout tourne autour de l’auteur, de sa création, d’invités qui pourraient parler de son œuvre, d’une mise en scène aussi avec des thématiques… On voulait construire un évènement qui soit différent d’une simple dédicace et ça n’a cessé de prendre de l’importance avec des choses complètement invraisemblables quand on fête par exemple la fin de la série « XIII » et qu’on fait arriver les auteurs en hélicoptère avec un côté très showbizz ! Pour chaque auteur, on essaye d’imaginer quelque chose qui soit à la fois avec du sens, de l’épaisseur et de l’originalité …
Et qui est à l’origine de toutes ces idées ? Je pense par exemple à la reconstitution années 40 en costumes que vous aviez faite pour la sortie du « Vol du corbeau » ou encore au bal XVIII eme du « Scorpion »
C’est moi qui vais voir les gens de la bibliothèque et par rapport à ma connaissance du milieu et des auteurs, je leur propose plusieurs projets en essayant de m’appuyer évidemment sur une grosse nouveauté qui sortirait en même temps que la venue et la rencontre de l’auteur. On s’appuie sur les programmes éditoriaux de chaque éditeur et on essaye de choisir celui qui pourrait avoir le plus de sens, qui pourrait aussi ramener à l’abbaye le plus de monde parce que la difficulté c’est que ce dortoir aux moines est remarquable mais il fait 500 places et même si avoir 200, 250 personnes pour une simple rencontre où il n’y a pas de dédicace c’est vraiment très chouette ça ferait tout de même un peu vide ! On ne peut pas se le permettre car l’auteur voit toute cette salle et surtout les sièges vides ! Donc il y a aussi cette difficulté de trouver des projets qui doivent « remplir » le dortoir ! Parfois ça occasionne des choix un peu compliqués ! Mais je dois dire qu’on n’a jamais eu vraiment de difficulté à remplir cette salle car il n’y avait pas que l’auteur, il y avait aussi des sujets, des thématiques qui venaient épaissir tout cela …
les reconstitutions de Bulle !
A propos de sujets, de thématiques, de conférences, ça ne se réduit pas à l’abbaye de l’Epau ! Je pense à ce qui s’est passé pour la sortie de « Nymphéas noirs » où tu as fait venir, Bussi, Duval, Cassegrain pour une conférence sur l’adaptation …
Oui, maintenant que nous avons déménagé sur ce nouveau lieu voici maintenant 6 ans plutôt proche de l’hyper centre sur une superficie beaucoup plus importante, la programmation s’est amplifiée, multipliée d’autant que j’ai gardé l’esprit de sortir de la librairie …
Et d’aller faire des dédicaces sur les marchés ?
Au marché des Jacobins oui ! (rires), en partenariat avec non seulement le conseil départemental mais aussi la mairie ; en créant des partenariats avec les musées également, avec le théâtre aussi … C’est ça qui a du sens à mon avis : sortir de son lieu de confort pour essayer d’aller aussi rencontrer une population différente. Ça peut sembler beau sur le papier seulement , mais j’y crois quand même : j’essaye de gagner lecteur par lecteur, petite goutte d’eau par petite goutte d’eau afin de mettre ce médium, la bande dessinée, dans les mains d’un public le plus large possible et de faire en sorte que la librairie soit aussi un acteur culturel important de la ville , qu’on fasse bouger la ville, qu’on fasse venir tous les plus grands noms mais pas simplement et tout ça dans des lieux différents. C’est ça qui m’anime de plus en plus avec les années qui passent, avec la maturité supplémentaire, avec aussi une connaissance des éditeurs ; j’aime pouvoir faire en sorte que n’importe quel projet soit envisageable.
Tu parlais des éditeurs, tu es aussi devenu éditeur …
Non je ne suis pas devenu éditeur (rires), là aussi on peut parler de « coups ». On peut faire des coéditions sur des albums qui vont sortir en demandant à l’éditeur et à l’auteur de faire des petites choses supplémentaires. Le dernier album de Stéphane Oiry par exemple sur Lino Ventura paru chez Glénat a ainsi bénéficié d’une couverture spécifique pour la librairie, d’un ex-libris et d’un cahier graphique de 8 pages exclusif. Donc on en fait un album un peu différent, un peu plus collectionneur qui est réservé à la librairie et qui n’est pas forcément un blockbuster ; Ça peut être des albums pas forcément très connus mais qu’on a vraiment aimés et qu’on a envie de pousser, comme pour « Lino » grâce à une édition plus collector et ça nous amène aussi plein de gens de l’extérieur du département , de plein d’autres départements qui ont entendu parler de cela parce qu’on développe beaucoup aussi une communication par internet, Facebook. J’ai ma compagne qui s’occupe de cela de façon remarquable !
Les réseaux sociaux, on y passe beaucoup de temps mais ça permet de faire connaître tous nos événements, toute notre petite production et de faire en sorte que les gens viennent vers vous !
D’où l’intérêt de faire partie du réseau « Canal Bd » par exemple ?
Oui …pas forcément
Même pour la vente en ligne ?
Non par ce qu’on ne passe pas par le site « Canal Bd », on a créé un site qui était plus à notre image. Je ne suis pas du tout contre le réseau évidemment ! Je suis même à l’intérieur puisque je fais partie du bureau, mais des fois je défends plus l’unité de chaque libraire que la quantité. Dans notre réseau il y a une vision de dire il faut qu’on soit le plus de libraires possible et de rentrer peut être dans un certain moule. Moi, ma librairie ce n’est pas ça, mon histoire ce n’est pas ça. Chaque libraire a son histoire, chaque libraire a sa vision des choses …Rentrer dans un groupement c’est grès bien de façon à être peut être plus fort d’un point de vue commercial avec les éditeurs, avec les diffuseurs mais en tout cas votre personnalité ne doit pas être tuée …
Pas franchisée ?
Pas franchisée, surtout pas ! Donc nous on est évidemment dans cela mais on développe aussi à côté d’autres manières de faire connaître la librairie. Pour moi c’est pas le GLBD, je suis désolé de dire cela, le plus important ! C’est la librairie le plus important, la librairie qui s’inscrit, elle, dans le GLBD…L’important pour nous c’est de mettre en avant notre librairie, notre histoire et de faire en sorte qu’elle rayonne sans être du tout prétentieux, mais qu’elle rayonne le plus possible parce qu’économiquement il faut faire vivre aussi un gros bateau comme celui-là !
Et qu’est –ce que ça t’apporte de ce point de vue de tenir le stand Casterman au festival « Quai des Bulles » de St Malo ?
Et bien nous n’en serons plus les représentants au bout de 15 ans ! Le pôle Gallimard regroupe – c’est un petit scoop - à partir de cette année les éditeurs du pôle image Futuropolis, Casterman et Gallimard Bd et ils ont choisi un autre libraire. C’est là aussi la stratégie commerciale d’un éditeur ou d’un groupe, c’est comme ça …
Mais là aussi « Bulle ! » n’en a plus vraiment besoin en termes de visibilité !
Ce n’est jamais une question de besoin ! Ça ne nous empêchera également pas d’être à St Malo : nous serons le représentant de Bamboo et nous serons aussi très certainement le représentant de Daniel Maghen, donc voilà, c’est la vie !
Et est-ce que tu es conscient du fait que « Bulle ! » - ou « chez Samuel » parce que c’est comme cela qu’ils désignent « Bulle ! » souvent, c’est comme une maison pour eux ! - c’est une référence pour les auteurs ?
A chaque fois que j’en rencontre, ils ont tous une petite anecdote, sans parler de Gibrat qui t’imite à la perfection ! Je pense, par exemple, à Maël qui n’en revenait pas du nombre d’albums de « Notre mère la Guerre » vendu lors de sa dernière séance de dédicace ici, à Alex W Inker qui ne s’est toujours pas remis du match de boxe organisé pour la sortie de « Panama Al Brown » ou à Chloé Cruchaudet qui s’est demandé si tu étais sous amphètes et qui a vu que non, tu carburais juste à l’enthousiasme ! (rires)
C’est vrai qu’on pourrait penser qu’au bout de 36 ans je sois complètement ramolli… Mais je ne suis pas rassasié ! Il y a tellement encore une fois de créations et c’est cela qui m’importe ! Ce projet de la librairie plus importante c’était aussi de me dire au bout de 30 ans je suis toujours dans ma petite librairie- j’allais dire mon petit gourbis !
Je connais bien ce milieu, je connais beaucoup d’auteurs, mais je n’ai pas l’impression d’avoir rendu à ce métier autant que lui m’a apporté ! Et quand on a démarré ce projet de nouvelle librairie ; quand tout le monde nous disait vous serez morts au bout de 6 mois parce que l’économie du livre ne peut pas supporter avec des marges plutôt faibles de faire un investissement aussi important et bien moi j’avais vraiment la sensation que cela pouvait être tout autre. On a fait ce projet et de toute manière l’ADN encore une fois c’est les auteurs, la création, mettre cela en avant et d’avoir une énergie la plus forte possible pour être au service de ces auteurs. Ça me plaît cela ! Je ne suis pas créateur, je ne suis pas dessinateur, je ne suis pas scénariste, je suis libraire point final !
Et à ce titre-là, j’essaye d’être entre guillemets, le meilleur libraire possible avec mes yeux à moi ! Je ne détiens pas la vérité, je n’ai aucune prétention …
Tu transmets ta passion ?
Voilà ! Et quand on me dit « vous êtes connu, vous êtes ceci » et bien je m’en fous ! je ne regarde pas à droite à gauche … bien sûr je sais ce que l’on fait, je ne suis pas non plus naïf, mais ce qui m’intéresse c’est d’avancer, de faire des choses et désormais de faire des choses beaucoup plus professionnelles –même s’il faut garder de la fraîcheur - et moins naïves qu’à mes débuts. Dans ma tête je sais où je veux aller maintenant ! Je crois qu’il y a réellement possibilité de mettre ce médium encore plus en avant et nous devons être acteurs de cela et faire que cette exception culturelle soit plus haut parce que la bd n’a pas été toujours reconnue et n’est toujours pas reconnue alors on doit toujours se battre, ce n’est jamais gagné ! Et à ce titre-là moi je ne suis pas rassasié et on va continuer !
Bon alors j’aurais encore tout un tas de questions à te poser mais je vais te laisser rejoindre tes auteurs … Je voulais juste te demander quels avaient été tes derniers coups de cœur ?
Là aujourd’hui dans les albums qui m’ont vraiment marqués, je suis encore sous le coup d’une émotion certaine, c’est l’album de Gess… Les deux albums des « contes de la pieuvre » chez Delcourt qui m’ont complètement chamboulé. J’avais lu le premier trop vite, je l’ai relu avant de lire le « Trouveur »mais il y a vraiment une ambiance, une écriture … Le « Lino » évidemment de Stéphane Oiry, l’album de Aude Mermillod sur l’IVG « il fallait que je vous le dise » chez Casterman qui est remarquable aussi ; Là je suis un peu pris au dépourvu ! (rires)Il faudrait que je repasse un petit peu à la libraire regarder les rayons et me dire « ah oui celui-là bien sûr ou encore ça, ça et ça » ! ! Ce qui fait, là encore, une part importante de ce métier c’est de lire, de lire le plus possible avec l’équipe….
Pour en parler un peu tout de même !
Oui parlons-en de ton équipe bien sûr ! Ils sont combien maintenant tes collaborateurs ? Au départ vous étiez deux, ta maman et toi !
Nous étions deux et puis à la fin de la plus petite librairie nous sommes partis vers ce nouveau lieu à cinq et aujourd’hui nous sommes onze.
Avec un dernier libraire qui vient d’arriver !
Oui Fred, qui vient d’arriver tout à fait ! Il ne vient pas du tout du métier du livre mais je le connaissais depuis longtemps parce que là aussi ça fait partie de ma personnalité, j’ai du mal à travailler avec des gens que je ne connais pas. Toute l’équipe ce sont des gens que je connaissais depuis un certain temps, des passionnés qui ont souvent laissé leur métier pour venir rejoindre l’équipe de la librairie et pour bosser dans des conditions où il n’y a pas forcément de hiérarchie verticale… c’est un management un peu patriarcal et tout de même très familial !
Donc pour conclure « Bulle ! » c’est la fraîcheur, l’enthousiasme et la passion ?
Ben écoute, oui autant que c’est possible oui !
Merci beaucoup Samuel !