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Entretien avec Frédéric et Julien Maffre
interview accordée aux SdI en octobre 2019


Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien et de nous consacrer un partie de votre temps si précieux !

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? (âge, passions, études, parcours …)

FM : Je vais avec résignation sur mes 40 ans, après des études d’anglais j’ai connu une phase de forte indolence qui m’a néanmoins permis d’enrichir mon bagage tournant principalement autour du cinéma (il fut un temps question de devenir un Spielberg puissance 1000), tout en faisant mes armes sur des scénarios de qualité variable. J’ai aujourd’hui un emploi « normal » compatible avec l’écriture et la consommation forcenée de films, livres et bandes dessinées.

JM :J’ai 38 ans et suis passé par les Beaux-Arts avant de rejoindre l’Atelier Sanzot -aujourd’hui Atelier du Marquis- à Angoulême en 2005. J’ai toujours eu des aptitudes pour le dessin sans jamais être le meilleur dans mon entourage, ce n’est que vers 16/17 ans que l’idée d’en faire un métier, que ce soit la bande dessinée ou l’animation, a commencé à vraiment faire son chemin.



Rough de couverture © MaffreEnfants, quels lecteurs étiez-vous et quels étaient vos auteurs de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?
FM : Notre père avait une collection pléthorique de titres franco-belges, ça a commencé par l’école Marcinelle (Franquin et les Schtroumpfs en particulier), une petite phase Marvel via les éditions Lug, le séisme du manga via Akira puis la découverte d’auteurs plus pointus comme Alan Moore et Frank Miller, puis la BD ouvertement indépendante, française ou européenne. Tout n’y est pas passé, mais j’y travaille.


A quel moment l’idée de devenir auteur de BD a-t-elle germé ? Un auteur en particulier a-t-il suscité votre vocation ? Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
JM :J'étais un peu perdu lors de mes études aux Beaux Arts, tout en gardant de très fortes envies de BD. C'est un passage à Angoulême à feu l'atelier Sanzot qui a été un déclencheur. Avec deux amis ous y avons montré nos travaux respectifs à des dessinateurs professionnels (Mazan, Loyer, Chicault, Dethan entre autres) qui ont estimé que nous avions le potentiel d'en faire notre métier. Il y avait des places libres à l'atelier, et je n'ai pas hésité, deux mois plus tard je m'installais à Angoulême. Et commençait à monter des projets pour les proposer à des éditeurs. Au bout d'un an j'ai entamé un projet avec Isabelle Dethan au scénario, qui a trouvé preneur.


Stern, rough de la couverture du tome 3 © MaffreJulien, Quels sont vos « maîtres » en bande dessinée ?
JM :Niveau dessin, mes influences les plus visibles sont Maïorana, Bodart, Marini, Samura, Warnant, Wendling je dirais. Je suis un fan absolu de Mignola, Otomo, Moebius, Kerascoët, Guarnido, Lauffray, Forest et bien d'autres. Mais leur influence est je pense moins visible dans mon travail. Niveau découpage, ce serait Alain Ayroles, Guarnido, Warnant et Samura.

Frédéric, comment qualifieriez-vous le métier de scénariste ?
FM : Vaste sujet… J’ai une superstition personnelle qui fait que j’évite de me voir comme un « artiste », je vais donc me comparer à un menuisier, mon travail est de trouver les bonnes pièces, les bons outils et le bon agencement pour aboutir au meuble qui fera passer la « saveur » de l’histoire que je voudrais raconter.

Pas trop difficile de travailler entre frères ? Est-ce que c’était un rêve de gosse ?
FM : Il y avait une espèce d’accord tacite entre nous qui disait que le premier qui serait en position d’aider l’autre le ferait. Julien étant bien plus bosseur que moi et le milieu de la bande dessinée passablement plus ouvert que celui du cinéma, c’est lui qui le premier a été en mesure de faire une proposition mais nous n’en serions pas au quatrième album si c’était juste de la charité fraternelle. Pour la collaboration effective il y a peut-être moins de filtres, nous avons beaucoup de références en commun et nous savons que nous défendons nos idées pour faire le meilleur album possible, pas pour des questions d’ego. Il y a déjà eu des désaccords mais à ce jour ça s’est toujours bien terminé.
Julien en séance de dédicace Grenoble juin 2019 © Bdotaku
Quelles sont pour vous les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
JM :C'est un métier passion très épanouissant, on choisit nos projets et on se fixe nos propres horaires. Et d'un autre côté c'est extrêmement chronophage, précaire, sans weekend ou congés payés. Et pas très rémunérateur, sauf en cas de gros succès (et ça arrive très rarement).

FM : Pour le meilleur et pour le pire c’est un métier profondément irrationnel, ni le succès ni l’échec ne vont de soi, certains projets trouvent leur chemin, d’autres pas, l’inspiration aide mais ne suffit pas… Rien n’est totalement objectif et c’est ce qui évite, normalement, la routine.

Depuis quelque temps, il y a des séries concepts telles Le Décalogue avec un scénariste et différents dessinateurs ou XIII Mystery où chaque tome reprend un personnage secondaire différent de la série mère et le met en lumière. Dans Stern, on garde les mêmes (scénariste, dessinateur et personnages principaux) et pourtant on a bien un concept, non ? Ne serait-ce pas le changement de tonalité ?
FM : C’est une idée qui s’est imposée une fois qu’il a été décidé que Stern serait un simple croque-mort. Il n’est pas tenu de résoudre des enquêtes, décrocher un scoop, soigner des patients, remporter un championnat ou arrêter des hors la loi, c’est tout l’inverse d’un personnage pro-actif, ce qui est à la fois une difficulté et un élément libérateur, autant en profiter pour varier les plaisirs…

Ce qui me frappe à la lecture de chacun des tomes, c’est l’influence des séries et du cinéma sur votre écriture à tous les deux : vous revendiquez pour le tome 2 celle de Scorsese et de son After Hours ; je pense à Deadwood et à Six Feet Under pour la trilogie et à toutes les séries mettant en scène la police scientifique pour votre premier opus. La construction de la série Stern elle-même s’apparente au mode narratif des séries : si chaque album correspond à une histoire complète (comme un épisode) et peut se lire indépendamment, les albums sont tout de même reliés entre eux et en dévoilent un peu plus chacun sur la personnalité et le passé du héros…
FM : La série télé est aujourd’hui le medium narratif dominant devant le cinéma, on ne peut donc échapper à son influence, ne serait-ce qu’inconsciemment. Le tome 4 révélera de nouvelles informations cette fois de façon assez oblique mais si influence il y a elle vient des épisodes concepts de séries comme Buffy ou Community, qui se permettaient régulièrement des exercices de style ou des défis narratifs souvent bluffants, à notre niveau on veut aussi se lancer dans ce genre d’expérimentations…

Stern, page 36A, work in progress © MaffreVotre coup d’essai a été un coup de maitre : le tome 1 de Stern s’est vendu à plus de 20000 exemplaires ce qui en ces temps de production pléthorique est plutôt encourageant. Vous vous y attendiez ?
FM : Peu importe le medium, je suis convaincu que l’échec est la norme, même un album réussi et bien distribué n’est pas assuré de trouver son public, comme je le disais il y a toujours une part d’irrationnel. Donc non, nous ne nous attendions pas à ce que ça marche, mais nous savourons quand même. Pourvu que ça dure…

Le western est très à la mode actuellement dans la bd franco-belge. Comment expliquez-vous cela ?
FM : C’est vrai qu’on voit beaucoup de nouveaux titres mais je ne sais pas si le public suit tant que ça, pour un Undertaker il y a beaucoup de titres qui ont certes un lectorat mais ne sont pas des rouleaux compresseurs. Je distingue deux tendances : l’approche qui revendique son classicisme et parle à un public qui a grandi avec le genre et est confronté à un manque d’offre en particulier au cinéma, et celle plus oblique qui joue avec les codes et les attentes, dont nous nous sentons forcément proches.

Si on observe le cinéma, sur les 10/15 dernières années, le seul succès vraiment imposant est Django Unchained, qui existe plus comme un film de Quentin Tarantino (qui se trouve être un western) que comme un pur western. L’immense majorité des westerns récents un tant soit peu notables sont des films à petit budget obliques ou carrément des films d’auteur exigeants, qui ne sortent d’ailleurs pas tous en France, même en vidéo (Blueberry, L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Bone Tomahawk, La dernière piste, Shérif Jackson, Salvation, Forsaken, Slow West, The homesman, Blackthorn, Brimstone, The keeping room… Si vous ne les situez pas tous, c’est normal). Les frères Sisters de Jacques Audiard est représentatif de cette approche distancée et a d’ailleurs été un lourd échec commercial, sans doute parce qu’il coûtait trop cher par rapport à son public potentiel.

Je crois sincèrement que le western ne sera plus jamais un genre massivement populaire mais c’est ce qui le rend intéressant aujourd’hui. La fascination que nous avions pour l’Amérique est aujourd’hui beaucoup plus ambivalente, le sort des populations indiennes, l’esclavage, la ségrégation, le Vietnam, les inégalités sociales, l’impérialisme culturel, la malbouffe, l’Irak, aujourd’hui Trump… On ne peut plus être dans l’admiration fétichiste, d’ailleurs pas mal des titres cités sont réalisés par des australiens ou des européens. John Ford, John Wayne ou les dirigeants de studios pour la plupart juifs originaires d’Europe de l’Est croyaient (ou voulaient croire) au rêve américain et à la mythologie de l’Ouest, l’approche est aujourd’hui plus distancée et réflexive.

Stern, page 36B, work in progress © MaffreOn remarque en ouverture du tome 1, un mot de l’éditeur effectuant une mise au point sur la parution presque simultanée d’Undertaker et du Croque mort, le clochard et l’assassin. Une telle démarche était-elle vraiment nécessaire ? Les deux sont publiés chez Dargaud et on ne peut guère vous soupçonner de plagiat ! Vos albums, mis à part la profession du héros, et le cadre historique n’ont pas grand-chose en commun : ceux de Ralph Meyer et Dorison sont plus dans la lignée du western classique à la Giraud (y compris dans le dessin) et les vôtres s’apparentent davantage à la veine que je qualifierais de semi-parodique à la Salomone/Lupano dans L’homme qui n’aimait pas les armes à feu ou encore à la Lincoln des frères (tiens, tiens !) Jouvray …
FM : On s’est posés la question du bien-fondé de ce petit texte, nous savions que les deux séries n’avaient au fond que peu de points communs mais nous voulions éviter tout malentendu vis-à-vis des lecteurs et même des libraires. A ce jour nous ne savons toujours pas si cette proximité nous a aidés ou pénalisés mais on nous en parle de moins en moins, j’imagine que la distinction est maintenant claire dans l’esprit du public.

Ce qui semble intéressant d’ailleurs c’est que dans votre série on a une véritable réflexion sur le western en tant que genre codifié. Cela apparaît dès le premier tome puisque votre héros n’est pas du tout un pistolero viril et macho mais plutôt un « héros malgré lui » comme le souligne le sous-titre du tirage de tête du tome 1 paru chez Black and White : l’enquête involontaire d’Elijah Stern ; mais c’est également très présent au troisième tome puisque le personnage en apparence conforme au stéréotype du cowboy, Colorado Cobb, est déceptif et bien plus complexe qu’il n’y paraît !
FM : J’adore les récits dits de genre car les attentes sont claires : polar, western, horreur ou science-fiction véhiculent un imaginaire qui va attirer ou pas les lecteurs en fonction de leurs goûts. Mais c’est justement parce qu’il y a ce socle que l’on peut ensuite jouer avec les règles, que ce soit avec des situations inattendues ou des personnages dépassant idéalement le simple archétype. Cobb a été un personnage assez délicat à écrire car il fallait gérer l’équilibre entre son côté m’as-tu vu et le vrai courage dont il peut faire preuve une fois dos au mur, à ce jour je ne sais toujours pas à quel point c’est un brave gars dépassé par la situation ou un irresponsable qui récolte ce qu’il a semé. J’essaie de toujours donner une chance aux personnages, une chance de donner leur point de vue ou tout du moins d’exister en dehors de la simple logique narrative. Même la Crazy Maggie du tome 2, qui restera peut-être le personnage le plus outrancier de toute la série, a ses moments d’introspection.

Stern, page 16, work in progress © MaffreCe qui est frappant aussi dans la trilogie c’est le côté réflexif et presque métalinguistique des albums : on a une sorte de parabole sur la condition des artistes dans le tome 2 (un peintre SDF, un libraire qui est obligé d’avoir un autre métier pour survivre) et une satire du star system et des bestsellers aux recettes éculées dans le tome 3 comme si vous justifiez ainsi votre manière d’écrire et de renouveler le genre …
FM : Faire de Stern un gros lecteur a lancé par ricochet la place de la Culture dans un univers aussi rude que l’Ouest sauvage, où la survie immédiate comptait plus qu’un débat Sartre contre Camus. Le tome 3 n’avait pas forcément d’intentions satiriques conscientes mais faire de Cobb un écrivain était le meilleur moyen d’intéresser Stern à son histoire et en faire un auteur de récits de pur divertissement était le choix le plus logique. J’en reviens à la métaphore menuisière de mon travail de scénariste, peut-être que l’armoire fabriquée représentera « quelque chose » mais mon souci principal c’est qu’elle tienne debout.


Un peu d’onomastique : pourquoi avez-vous choisi le patronyme Stern ? Frédéric, vous avez fait des études d’anglais, ne serait-ce donc pas un hommage à Laurence Sterne, mal connu en France mais considéré comme l’égal d’un Rabelais ou d’un Cervantes, qui dépeint dans Tristram Shandy la vie d’un petit village anglais du XVIII eme siècle dans un style et une narration qui dynamitent le modèle conventionnel du roman comme vous vous faites un sort à la grammaire classique du western ?

Ou bien est-ce de l’antiphrase puisque dans le tome 2 on comprend que le personnage a des origines germaniques (lors de son monologue) et que cela signifie « étoile » en allemand, or il n’est ni shérif ni étincelant ?


FM : Ca s’est surtout joué à des questions de sonorités : le nom « Stern » faisait partie de mon réservoir de patronymes pour mes personnages (il avait déjà été attribué à une femme dans un oubliable scénario de jeunesse), son côté sec et un peu rugueux collait bien à la psychologie du personnage, il s’est imposé rapidement et naturellement. Et il permettait aussi d’éviter les patronymes anglo-saxons, trop souvent la norme alors que les WASP et même les irlandais sont loin d’avoir été les seuls pionniers et colons, on trouve aussi des allemands, des scandinaves, des français…

JM :Je pense qu'inconsciemment Frédéric a aussi choisi ce nom pour sa proximité avec le mot "western".


Stern, page 11, work in progress © MaffreComment avez-vous travaillé l’apparence des protagonistes ? Chacun a-t-il d’emblée trouvé son apparence ou certains sont-ils passés par différents stades avant de revêtir celle qu’on leur connaît ?
JM :Il y a toujours une phase de recherche/proposition avec Frédéric avant de se lancer dans l'album. Lui étant très cinéphile, il me propose généralement des acteurs/trices pour chaque personnage, que j'adapte en fonction de mon style ou de mes envies.


Quel personnage vous a donné le plus de fil à retordre? Lequel avez-vous au contraire pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
JM :Les personnes féminins me posent généralement plus de problèmes, même si j'ai plaisir à les dessiner. Le duo Gene/Trish du deuxième tome m'a beaucoup plu, sans parler de Maggie. Et heureusement j'adore dessiner Stern! Les personnes âgées aussi, plein de rides, et des traits plus prononcés. Fergus, le groom maléfique de la "Cité des Sauvages" m'a beaucoup amusé, ce tome là m'a permis d'aller vers un style plus comique, un vrai régal graphique.

Vos dialogues sont extrêmement ciselés et percutants. Comment les travaillez-vous ?
FM : Franchement, ça sort assez facilement. Je suis plutôt éloquent au quotidien et j’ai essuyé les plâtres au fil des années en apprenant à éviter les répliques ratées ou faussement « mot d’auteur ». Je ne cherche jamais à faire de la punchline qui en jette et vient toujours une petite phase d’élagage o je retire le gras éventuel. C’est particulièrement vrai pour Stern, qui est un taiseux et ne cherche jamais à avoir le dernier mot, surtout face à des personnages plus flamboyants et susceptibles d’avoir des répliques notables. Il y a finalement l’influence des dialoguistes que l’on trouve à la télévision et au cinéma américain contemporain, Aaron Sorkin, David Mamet, Joss Whedon, David Milch, S. Craig Zahler, (Tarantino est très, très bon dans ce qu’il fait mais il a été trop copié), je ne cherche pas à leur piquer leurs recettes mais ils ont une musique bien à eux, et le fait qu’ils soient anglo-saxons me permet d’intégrer deux types de rythmique à mon écriture.

Julien, quelles techniques utilisez-vous traditionnelles ou numériques ?
JM :J’ai commencé ma carrière en papier puis j’ai migré vers le numérique pour des raisons de rapidité et de flexibilité. Mais je réalise pour Stern un lavis monochrome qui permet d’avoir une texture plus organique, que je rescanne ensuite pour réaliser les couleurs.

Comment s’est organisé le travail entre vous ? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de la réalisation ?
FM : Je fournis un traitement à Julien pour déjà voir si les grandes lignes lui conviennent et qui permettent de visualiser un découpage au moins théorique. Je lui donne ensuite une continuité dialoguée sans réelles indications de découpage, nous sommes assez proches de la pièce de théâtre ou du scénario pour l’audiovisuel.


Stern, rough de la couverture du tome 3 © MaffreQuelle étape vous procure le plus de plaisir ?
FM : Les dialogues sont un plaisir et c’est très stimulant de voir que les pièces d’une histoire commencent à bien coller, comme quand on a complété les coins d’un puzzle. Mais il y a un moment assez rare et très circonscrit, le moment où j’écris « fin » en fin de scénario ou même de traitement. Rien ne dit que le projet aboutira (et j’ai pas mal de choses restées dans les tiroirs) mais au moins il y a *quelque chose*, c’est comme avec un test de grossesse positif, le bébé va peut-être mal tourner mais sur le moment on célèbre.

JM :Le découpage, clairement.

Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes afin de mieux comprendre votre façon de travailler ?
JM :Elément 1 : Le tombeau d’Alexandre avait été entièrement réalisé à l’ancienne mais je suis depuis passé au travail en numérique, le gain de rapidité et de flexibilité est incontestable même si je n’exclue de retourner aux bons vieux crayons pour expérimenter certaines techniques.

Elément 2 : Souhaitant garder tout de même une part d’organique je fais une impression de la page finalisée pour réaliser un lavis qui permet de créer une texture et une part d’imprévu que le numérique ne peut pas (encore?) proposer.

Elément 3 : J’effectue pour finir un nouveau scan pour réaliser les couleurs. En fonction des albums tout ou partie du travail est confié à un coloriste mais sur Stern je m’occupe moi-même de la phase finale.

les étapes de la création
Stern, Work In Progress © Maffre Stern, Work In Progress © Maffre Stern, Work In Progress © Maffre


Vous en êtes à votre 4eme tome. Est-ce que vous avez l’impression de mettre moins de temps désormais pour réaliser un album ?
JM :Nécessité faisant loi, j'essaie d'optimiser à chaque album ma méthode de travail, le but étant de conserver le même niveau de qualité tout en allant plus vite. J'ai battu mes records de vitesse sur le deuxième tome de La cour des miracles, j'espère conserver le même rythme pour le quatrième tome de Stern.
Julien Maffre, atelier d'artiste
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos autres projets ?
FM : Rien n’est signé et aucun dessinateur n’est associé mais j’ai deux projets assez bien partis chez deux éditeurs différents, un récit historique sur une figure très ambiguë précédant de peu la guerre de Sécession (les retombées heureuses de mes recherches sur Stern), le making of d’un film américain unique en son genre encore aujourd’hui, plus une comédie fantastique en milieu lycéen. Je n’en dis pas plus…

JM :Le tome 3 de La cour des miracles, la suite de Stern et un retour prévu vers l’Egypte, de nouveau avec Isabelle Dethan.

rough de la couverture du tome 4 © BdotakuTous médias confondus, quels sont vos derniers coups de cœur?
FM : Je sors tout juste de Midsommar, œuvre hybride entre l’horreur pure et le drame bergmanien. Je ne suis pas forcément convaincu par tous les choix du réalisateur Ari Aster mais il y a une patte incontestable, la personnalité d’un créateur m’intéressera toujours plus que le pur savoir-faire. Côté BD j’ai beaucoup aimé Golden Path, un album français qui parle très bien du cinéma de Hong Kong des années 80/90 que j’aime tant et je connais une phase Jojo’s Bizarre Adventure, shonen qui comme son nom l’indique part de très étranges directions. Pour la musique je redécouvre le rock 90’s via Hole, le groupe de Courtney Love et pour les romans j’ai enchaîné pas mal de polars d’auteurs maudits comme David Goodis ou le français André Helena, écrivains à la vie chaotique racontant des histoires de losers complets, de la pure littérature de gare étrangement tragique.

JM :Russian roll en série, en film Roma et le dernier Toy Story, le jeu vidéo Sekiro, et Deadly class en comics. Et j'attends avec grande impatience Les Indes Fourbes d'Ayroles et Guarnido…

Pour finir et afin de mieux vous connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…



Si vous étiez …

Frédéric Maffre © Dargaudun personnage de BD :
FM : Gaston Lagaffe.
JM :J'avais la coupe de cheveux de Trunks quand j'avais 12 ans...

un personnage de roman:
FM : Patrick Bateman, mais c’est surtout pour vous faire peur.
JM :Je me rêve en Van Helsing, mais je pense ressembler beaucoup plus à Jonathan Harker

un personnage de cinéma:
FM : je triche en citant un personnage de série : Daria.
JM :le Dude. Quand je serai à la retraite.

une chanson:
FM : Pour mes funérailles j’ai prévu de faire passer en boucle La danse des canards. Ce n’est presque pas une blague.
JM :Je reste dans l'esprit avec le générique de Jayce et les Conquérants de la lumière.

une découverte scientifique :
FM : La contraception.
JM :Que la terre tourne autour du soleil.

Julien Maffre © Dargaudune recette culinaire:
FM : Les pâtes au Nutella. C’est meilleur que ça n’en a l’air.
JM :les okonomiyakis.

une boisson:
FM : La limonade, une boisson de vrai mec.
JM :le café.

une ville:
FM : Rochefourchat, je vous laisse chercher sur Internet.
JM :Kyoto

Quel(le) est :
votre principale qualité:
FM : Une modestie proprement surhumaine.
JM :Eeehhh… pas trop chiant. Sauf avec mon frère.

votre principal défaut:
FM : La paresse. Et l’immaturité. Et je fais trop le malin. Et je sens des pieds.
JM :Perfectionniste. Ha ha! Nan, je déconne, mais c'est ce qu'il faut dire pour gagner des points.

votre devise :
FM : Casse limitée.
JM :on verra.

Merci encore une fois à vous deux d’avoir pris le temps de nous répondre ! Et félicitations à nouveau pour cette magnifique série. Nous attendons avec impatience le tome 4 de Stern …. Et les suivants!
les frères Maffre devant l'exposition consacrée à Stern à Quai des bulles en 2018 © Ouest France
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