Haut de page.

Entretien avec Cédric Apikian
interview accordée aux SdI en janvier 2020


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Bonjour, merci à vous de votre intérêt.

Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Pas de soucis pour le “Tu”

Merci à vous ! Enfin à toi…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)

Je suis auteur/ réalisateur dans l’audiovisuel (et parfois producteur)
J’ai fait des études d’audiovisuel et cinéma. Mémoire de Maîtrise sur la structure temporelle du récit dans “il était une fois en Amérique” de Sergio Leone (Mon film numero 1 et celui qui m’a donné envie de devenir réal en fait)

J’ai écrit et réalisé des courts et moyen métrages de fiction, des séries TV, des docs musicaux, des clips etc…

Passionné par le cinéma, la musique et la BD

Pour les comptes offshore, je compte surtout sur toi et ton article pour vendre 1M de livres et être en mesure de pouvoir les ouvrir… On est mal barré?

La ballade du soldat Odawaa, crayonné de la page 9 © Rossi / ApikianMouaip, peut-être… mais sait-on jamais ? smiley
Enfant, quel lecteur étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?

Mère prof de lettres, donc beaucoup de lecture et beaucoup de BD. Les classiques: Astérix, Alix, Les Tuniques Bleues, Tintin, Blueberry, Lucky Luke, Gil Jourdan… Et puis j’ai toujours dessiné…

On a découvert ton travail via l’émission consacrée à la BD PifPafPoum… Qu’est-ce qui t’as donné envie de te lancer dans cette aventure ?
Après l’adolescence, j’ai fait un break inconscient avec la BD pour me consacrer entièrement au cinéma. Et puis ma vie parisienne m’a replongé dedans avec la multitude d’offres. Donc je m’y suis remis.

Le temps pour produire un long métrage de cinéma (en l’occurrence La ballade du soldat Odawaa) commençant à me peser, et voyant en parallèle qu’il n’ y avait aucune émission autour de la BD sur le PAF (d’où le titre pifPAFpoum), j’ai déclenché cette aventure en entrainant ma team de fous pour m’occuper, m’aérer et m’amuser dans les périodes d’attente de la production dans un premier temps. Le succès aidant, l’aventure vidéo de PPP a duré 4 ans. L’activité continue sur les réseaux sociaux.

La ballade du soldat Odawaa, encrage de la page 9 © Rossi / Apikian La ballade du soldat Odawaa, ton premier album (et quel album !), vient de paraître… J’ai cru comprendre que l’histoire était originellement destinée au cinéma… Pourquoi avoir changé ton fusil d’épaule ? Avais-tu déjà rencontré Christian Rossi avant de te lancer dans l’adaptation de ton projet de film ou la rencontre s’est-elle fait après l’écriture du scénario ?
Merci. Comme je te disais précédemment, la partie prod commençait à s’éterniser. J’avais trouvé la coprod canadienne, mais étant français, il fallait un prod français majoritaire. J’ai commencé à passer le script autour de moi là où je pouvais accéder en direct. (sinon clairement ton script va aller caler un meuble). Mais, même là, les mecs mettaient 6 mois pour dire qu’ils n’avaient pas eu encore le temps de lire ou n’avaient pas les épaules pour aller dans cette aventure. J’ai senti qu’on partait sur du trèeeees long terme sans aucune garantie au bout.

Je commence à avancer dans l’âge et je n’ai plus trop envie d’attendre pour de mauvaises raisons. Quand j’ai débuté dans les années 90, le métier jurait encore que par le scénario. Aujourd’hui plus grand monde ne lit de scripts. Il faut des photos, des ambiances, des dessins, une bande annonce, un pilote…Des images comme pour les enfants en fait…La capacité de concentration s’est perdue. Je pense que bientôt l’étape suivante sera de faire entièrement le film soi-même pour convaincre de le produire. Bref

Je faisais pifPAFpoum, tout m’a paru clair et logique. Je savais que j’avais une bonne histoire (j’avais vu la réaction des canadiens et certains de mes proches) il fallait que ça existe hors de mes étagères, je suis parti naturellement vers la BD.
Niveau image, il y a le compte là non? (rire)
Donc quand je rencontre Christian, le projet est en préprod, entièrement écrit et artistiquement avancé (casting, décors, costumes…).
La ballade du soldat Odawaa, étude 30 © Rossi
D’après toi, qu’est ce qui l’a séduit dans votre histoire ?
Plusieurs choses: le scénario à tiroir sans temps morts avec des rebondissements jusqu’à la dernière page, il n’avait jamais fait de récit de guerre de ce type, on avait le même ADN (Blueberry, Leone, Peckinpah…) et ce n’était pas un problème pour moi de lui laisser de la place pour qu’il puisse s’exprimer pleinement.

Qu’est-ce que cela fait de voir ton premier récit de bande-dessinée mis en image par un auteur de cette trempe ?
C’est un cadeau et une leçon de la vie.

La ballade du soldat Odawaa, crayonné de la page 30 © Rossi / ApikianSi tu devais conseiller un album (ou une série) de ce talentueux dessinateur, quel serait-il (-elle) ? (outre l’album que vous avez signé en commun bien sûr !)… Qu’est ce qui t’a particulièrement intéressé dans son travail ?
« Deadline » avec LF Bollée chez Glénat a servi de déclic. Bon certes je suis un grand fan de la période guerre de sécession, je suis même un des seuls français à avoir fait un film (Where the indian lies) sur ce thème, mis à part Robert Enrico, paraît-il.

Mais c’est en voyant la 1ere planche de « Deadline » avec la carcasse de cheval d’où s’échappaient des papillons que j’ai compris que c’était Christian Rossi qu’il fallait. Le mélange esthétique de brutalité et de poésie, c’était Odawaa.


Ecrit-on de la même façon pour le cinéma et pour la bande-dessinée ? Quelles furent les joies et les difficultés de l’exercice ?
Non. Mais lorsque vous êtes habitués à écrire pour le cinéma et donc pour des comédiens qui vont vous poser des tas de questions sur leurs rôles, vous devez être en mesure de répondre à tout, y compris à l’avant et l’après du personnage. Donc il y a intérêt à avoir étoffé son propos et lui avoir donné sens. Du coup en BD, on a surtout réadapté en enlevant beaucoup, en supprimant des flashbacks (Christian m’a dit que les sous-couches pour des personnages papiers c’était casse gueule) et du coup on a dû supprimer mes deux magnifiques personnages féminins. (mon seul regret dans cette aventure) donc vous les verrez dans le film! Pour résumé, une sensation globale de facilité par rapport au cinéma mais un devoir permanent de synthétiser pour saisir l’essentiel plus important.

La ballade du soldat Odawaa, encrage de la page 30 © Rossi / Apikian / WalterDans le même ordre d’esprit, écrit-on des dialogues de la même façon pour le cinéma et la bande-dessinée ?
Alors oui et non… Ici, c’est un sujet d’époque; le langage doit donc être adapté à l’époque où se déroule l’action. Jusque là, pour moi c’est pareil dans les deux médias. Mais en même temps il faut trouver le bon dosage pour que ce soit une bd de 2020. C’est assez subtile et c’est sûrement le plus casse gueule. Au ciné, la parole est l’une des composantes principales du rythme. Donc à moins de vouloir caractériser un personnage par ce biais, on va rarement faire à rallonge, même pour un film d’époque. En bd, le rythme de la bande son, c’est le lecteur… et c’est là où il faut savoir doser entre le niveau d’info et la fluidité de passage entre les cases.

Le projet de film est donc toujours à l’ordre du jour... L’existence de l’album et son excellent accueil est-il un plus pour convaincre un producteur ?
Oui. Possible, j’imagine.

D’où te vient cette passion pour les amérindiens ?
Je ne sais pas trop de quand ça date ça au départ. Peut-être de l’enfance, j’adorai l’album « West » d’autocollants Panini avec le chef indien en couv’ ( de mémoire je pense que c’était Sitting Bull) ou d’une autre vie? En tout cas, bien plus tard, lorsque j’étais étudiant, le film « Danse avec les loups » de Costner a été un révélateur. Je me rappelle encore dans quel ciné je l’ai vu, à quel siège et avec qui…Un choc cinématographique.

La ballade du soldat Odawaa, version finale de la page 30 © Rossi / Apikian / WalterConcrètement, comment s’est organisé votre travail à quatre mains sur l’album ? Le scénario ou les dialogues ont-ils été retouché entre la version transmise au dessinateur et celle que l’on peut lire ?
Christian m’a tout transmis au fur et à mesure, à chaque étape, dès le crayonné très abouti. Oui il y a eu les retouches dont je te parlai dans une question précédente. Puis en discutant avec Christian, on affinait des passages. Enfin j’ai fait une séance de travail avec Christine Cam, notre éditrice, durant laquelle on a reprit certains dialogues pour les synthétiser, un peu comme une répet’ avec des comédiens.

Quelle planche t’a le plus impressionné ?
Compliqué… Tout m’a plu en fait puisque je découvrais tout dès la genèse et on pouvait affiner les rares fois où il y avait un vague doute. J’étais le 1er spectateur de ma propre histoire, c’est très cool comme effet.

En écrivant le film, pensais-tu à des acteurs pour incarner tel ou tel personnage ? A partir de quelle « matière » Christian Rossi leur a-t-il donné l’apparence que l’on sait ?
Oui à 80%le casting était fait dans ma tête. Par exemple le rôle de Johannes Von Schaffner a été écrit pour Mads Mikkelsen. Mais Christian a crée le cast par rapport à ses envies de personnages (c’est mieux, c’est lui qui les fait vivre mine de rien) en se basant seulement sur le profil des personnages. (Age, corpulence, détail vestimentaire etc…)

Dans quel état d’esprit étais-tu lorsque l’album a été disponible sur les étals ?
Dans les starting blocks

Quel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ?
Odawaa, Francis et Trois plumes

Peux-tu nous dire un mot sur tes projets présents et à venir, tant dans le septième que dans le neuvième art ?
Dans le 7e, deux projets de long prêts (dont Odawaa) en recherche de prod et deux documentaires musicaux (dont un « Opérap » en cours sur le mélange musique classique et hip-hop)

Dans le 9e , trois projets bd quasi prêts (dont le préquel d’ Odawaa), quatre en gestation.
La ballade du soldat Odawaa, crayonné de la page 11 © Rossi / Apikian
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Ok donc dans du récent/ semi-récent

En bd: Choc, Nymphéas noirs, Marshall Bass, Le serpent et la plume

En film: Tuntematon sotilas, DeNiro/Pacino dans Irishman, Le chant du loup, l’esthétique de Joker

En musique: Florence and the machines, Michael Kiwanuka, Cocoon, Lola Marsh, Bill Pritchard/Fred Lo… bon j’écoute énormément de musique donc le mois prochain, ce sera autre chose

En roman: Le jeune homme de Crawley, l’histoire du leader de The Cure de Jeremy Wulc

En moins récent mais pas encore détrôné

En peinture: Andrew Wyeth

En street art: La tour 13

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Non tu es parfait

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Outch, ça va être dur ça

Si tu étais…

La ballade du soldat Odawaa, illustration © Rossiun personnage de BD: Blueberry
un personnage mythologique: Legolas
un personnage de roman: Martin Eden
une chanson: Dance me to the end of love de Leonard Cohen
un instrument de musique: Batterie
un jeu de société: Trivial Pursuit
une découverte scientifique : Le Cinématographe; la caméra des frères Lumière
une recette culinaire: Pizza Royale au bord de la mer avec les amis les soirs d’Eté (oui c’est une recette concept)
une pâtisserie: Fondant chocolat
une ville: Venise la nuit à la lueur des flambeaux
une qualité : La persévérance
un défaut: La curiosité (des choses qui m’entourent)
un monument: Le pont Charles de Prague dans le brouillard de l’aube
une boisson: L’eau de source qui coule d’une fontaine dans les Alpes
un proverbe : On ne change pas une équipe qui gagne

Un dernier mot pour la postérité ?
Merci


Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Le Korrigan