Les Humanoïdes Associés entrent dans une période noire, financièrement difficile, ils sont mis en redressement judiciaire. Les auteurs sont aussi bien sûr largement impactés, beaucoup ne sont pas payés. Cela met un arrêt à beaucoup de séries en cours, néanmoins ils parviennent à me payer mes royalties après quelques mois de grande incertitude, et vendront deux de mes séries. Ils souhaitent cependant absolument conserver Carthago et Sanctuaire. Ils m'avaient grandement soutenu lors du procès Sanctuaire et le fait secondaire par rapport au soutien précédent, mais important quand même, qu'en cette période difficile ils soient parvenus à payer une bonne partie de la dette à mon égard, a fait que par la suite je leur ai gardé une loyauté, n'ayant pas fait le forcing lors des propositions d'autres éditeurs pour récupérer mes best-sellers et continuant depuis Carthago et Carthago Adventures chez eux, puis Sanctuaire Génésis et Sarah.

Cependant ils étaient à ce moment-là mon éditeur principal et je me retrouvais malgré tout en grande difficulté financière. Il y avait même urgence. J'avais un concept qui me trottait depuis un temps dans la tête, des catastrophes planétaires qui survenaient tous les jours à la même heure : 13 heures 13. Je n'avais guère plus à ce moment-là.

Mourad Boudjellal m'avait toujours signifié que j'étais le bienvenu chez Soleil si je voulais y revenir. Je me décide à prendre mon téléphone et lui expose la situation. Le lendemain soir, il me fait venir et nous dînons à Toulon (il me semble bien que mon éditeur Jean Wacquet était là aussi), je lui parle de ce concept, il est emballé et me signe un chèque avec le montant dont j'ai besoin pour me remettre à flots et commencer à écrire et dessiner ce qui deviendra la série PROMETHEE, avec 20 tomes publiés à ce jour. Eh oui, Mourad Boudjellal c'était ça aussi, quelqu'un capable en 5 minutes de vous sortir d'une grosse galère.

Malgré le fait que je ne me suis pas réellement remis d'aplomb mentalement concernant le dessin, j'attaque le tome 1 un peu contraint et forcé, qui devait à l'époque comporter 70 planches, la série devant faire 3 ou 4 gros volumes. Mais je m'essouffle et nous décidons de diviser cette première partie en deux tomes de 46 pages. Les ventes du tome 1 à sa sortie en 2008 sont assez décevantes, un peu plus de 8 000 exemplaires. Ci-dessous la planche 5 du tome 1, c'est un album que j'aime bien graphiquement, il y a de la maîtrise, mais je ne le place pas dans mon top, il faut dire que je me concentre plus sur la narration que le dessin en lui-même. Jean Wacquet me propose alors un plan de bataille, dessiner le plus vite possible le tome 2 et le sortir pour éviter les retours des libraires, nous continuons à croire au potentiel de la série. Je m'épuise à ma table à dessin, si bien que je lâcherai le dessin au cours du tome 3, décision confortée aussi par le fait que le plan a fonctionné, les ventes passent les 10 000 ex.

Le cliffhanger du tome 4 lance définitivement la série, le tome 1 franchit la barre des 20 000 exemplaires. Et surtout donc, je prends la décision de partir sur le plan B que j'avais en tête dès l'origine, mais qu'il n'était pas possible d'envisager au départ : faire de Prométhée un grand feuilleton ! J'ai toujours rêvé d'une grande série fleuve, avec en 4ème de couverture les vignettes de tous les albums (ce qui me faisait rêver gamin sur Tintin ou Yoko Tsuno par exemple). Après Bocci, c'est Stefano Raffaele qui menant un rythme tambour-battant va permettre à la série d'avoir deux nouveaux albums par an. Le cycle 1 se termine au tome 12. Les ventes ne cessent de grimper, me permettant d'envisager à l'écriture le second cycle actuel qui se terminera au tome 23. Un grand projet de série TV internationale avait même été envisagé avant de capoter. Prométhée marche très bien à l'étranger, si bien qu'un projet US de préquelle a même vu le jour.

La série dans sa globalité se clôturera par un gros album spécial qui sera publié après le tome 23. Et tout a commencé un soir, au coin d'une table, avec un pitch de 3 lignes.