Peu d’auteurs, comme Andreas, m’ont connu fan. À l’adolescence je plonge dans «Rork», avec délice… Car ses histoires sont des labyrinthes dont il faut savoir saisir les indices semés ici où là… Andreas ne prend pas ses lecteurs pour des cons et il compte sur leur intelligence pour résoudre ses énigmes.
À l’époque, j’aime aller voir les auteurs en dédicace, j’ai la chance qu’Andreas vienne souvent à la librairie Aladin à Nantes, tenue par Georges et Maryse, et j’y reste l’après-midi à poser des questions (vous voyez le sparadrap du capitaine Haddock ? c’est moi). Chaque année, je dessine des cartes de vœux où je parodie une page de son dernier livre que je lui envoie (il me répond toujours)…
Ceci pour que vous compreniez la joie que j’ai de travailler avec lui.
Il y aura d’abord la réédition de «Cyrrus-Mil», deux livres parus aux Humanos repensés complètement pour l’intégrale. Là encore les premières éditions sont assez catastrophiques et il faut presque tout reprendre à zéro. Je m’y attelle avec zèle et cela me vaut d’être invité au restaurant par l’auteur ! Pour l’anecdote, Guy Delcourt me demandera de résumer l’histoire pour les représentants (si vous ne connaissez pas l’œuvre d’Andreas, ne commencez pas par ce livre-là)).
Car Andreas est ainsi. Ceux qui le connaissent, savent qu’il n’est pas un grand bavard… il écoute et répond en général d’un «bien», «d’accord» ou «non» laconiques. Pourtant, Andreas est profondément attentif aux autres et préfère, dans ses relations, les actes aux grands discours. Il aime d’ailleurs surprendre les autres, car il est joueur ! Après avoir travaillé sur «Le retour de Cromwell Stone», un récit aux magnifiques pages en noir & blanc, surement l’un de ses sommets graphiques, je propose de lui acheter la première page. Après quelques jours de réflexion, il refuse ma proposition. Deux mois plus tard, le 24 décembre, un coursier sonne à ma porte : emballée dans du papier cadeau, je découvre la première page avec un mot : Joyeux noël !
Il faudra attendre 25 ans pour que j’ai le plaisir de devenir son éditeur, en 2019, avec «L’Argentine» qu’il réalise avec Isa Cochet. Il faut dire qu’entretemps, il aura entrepris de dessiner deux séries de 18 tomes chacune, «Capricorne» et «Arq».
Je vous ai dit que j’aimais Andreas ?
par Sébastien Gnaedig