Chapitre 11 : Marc-Antoine Mathieu et Alex Barbier
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
Dans le catalogue des éditions Delcourt, il y a parfois des auteurs inclassables : le premier est un compagnon de route des éditions : Marc-Antoine Mathieu. Son univers, onirique et drôle, joue avec les codes pour mieux les transformer… chez lui, le fond passe souvent par une forme originale et surprenante qui, pour le fabricant que je suis est un regal ! Ainsi, avec le troisième tome de «Julius Corentin Acquefacques», une spirale vient se déployer au cœur du récit pour faire passer son héros d’une dimension à une autre ! Régulièrement il arrive avec un nouvel ouvrage où, chaque fois, il essaie de dépasser les contraintes habituelles de l’édition… il n’est pas surprenant qu’il exerce en parallèle de ses ouvrages un métier de scénographe chez Lucie Lom (La forêt suspendue à Lille, c’est eux !).
Très fidèle à Guy Delcourt - même s’il s’auto proclame le «mouton noir» des éditions - je n’arriverai à l’éditer que grâce à la collection développée avec le musée du Louvre chez Futuropolis, où il réalisera un livre tout en jeu de pistes et décalages «Les sous-sols du Révolu» (Révolu = Louvre).
Autant le travail de Marc-Antoine Mathieu est basé sur un noir et blanc très contrasté, autant l’œuvre d’Alex Barbier joue sur la couleur, grâce à des écolines d’une grande fluidité. Au trait marqué du premier, s’oppose le flou du second. À l’époque chez Delcourt il n’y a qu’un éditeur : Guy Delcourt lui-même, mais qui n’hésite pas à demander notre avis quand un projet particulier lui arrive. C’est Thierry Groensteen qui propose à Delcourt d’éditer «Les paysages de la nuit» dont il doit préparer une exposition au CNBDI. Résultat du vote : 2 pour (Guy et moi), 2 contre (François et Laurent). Le pour l’emporte puisqu’à la fin Guy décide :)
Les originaux sont, là aussi, magnifiques dans la subtilité des teintes et le flou du dessin des écolines souligne parfaitement l’ambiguité du récit… J’irai un été chez Alex Barbier, dans son village au pied du mont Canigou dans les Pyrénées où il tient un bar (qui n’ouvre que lorsqu’il le décide, plutôt vers midi…). Derrière ses lunettes noires il détonne dans le paysage mais on voit bien qu’il fait partie intégrante de la vie du village ! J’y suis, avec ma chère et tendre, pour lui acheter une écoline. Je prévois, vu mon budget, de lui prendre une petite image. Mais Barbier m’a disposé 4 toiles : deux petites, dans mon budget, et deux grandes… Très vite ma compagne comprend que je repartirai avec la plus grande, avec la possibilité de payer en plusieurs fois :) Encadrée, l’écoline prend tout l’arrière de notre voiture. En arrivant à la maison de vacances de mes beaux-parents, apprenant son prix, mon beau-père aura ce mot : «mais c’est plus cher qu’une machine à laver !». Heureusement, ma mère nous en avait offert une à notre installation…
par Sébastien Gnaedig