La collection Tohu Bohu est dans mon esprit un espace de liberté au sein des Humanos.
Le format roman graphique n’est pas encore en vogue mais l’édition indépendante (L’Association, Cornélius, Rackham ou Ego comme X) s’en est emparée. Les Humanos furent précurseurs avec la collection Autodafé, lancée fin des années 70, qui publia «Un bail avec dieu» de Will Eisner, «Gen d’Hiroshima» de Keiji Nakazawa ou encore «Mémoires de l’espion» de Bocquet et Serge Clerc.
L’idée est ici de permettre à des auteurs de raconter autrement, dans un autre style parfois, que leurs séries habituelles. Ainsi George Bess se raconte dans «Escondida», Thierry Robin revient à ses premières amours, le dessin humoristique aux personnages déjantés, avec «La teigne» (dont il réalisa pour me le présenter un magnifique fac-similé) ou encore Christian Durieux, qui délaisse son style réaliste pour l’univers très fantaisiste et bondissant de «Benito Mambo», style qu’il développera par la suite avec Denis Lapière ou Jean-Luc Cornette.
C’est aussi l’occasion de publier de jeunes auteurs : la presse, qui traditionnellement, a permis à plusieurs générations d’auteurs de s’aguerrir, est sur le déclin. Se lancer directement dans une série (car alors on pense beaucoup série en BD) est compliqué. Tohu Bohu va donc accueillir de jeunes talents.
C’est pour moi toujours un plaisir de découvrir au hasard d’une en-veloppe (maintenant d’un mail, d’un site, d’un blog etc…) une nouvelle voix. Tous les premiers livres que j’ai publié dans ma carrière l’ont été parce que j’ai trouvé que le récit était singulier dans son ton et dans son style graphique. Qu’il y avait, au-delà des maladresses inhérentes aux débutants, une originalité déjà en place.
J’ai eu la chance de publier dans la collection les premiers livres de Pierre Wazem (qui en sera un des piliers), Catel, qui signe avec Véronique Grisseaux «Lucie s’en soucie», Stéphane Leval-lois, à l’univers déjà singulier nourri par son travail dans le cinéma, ou encore Grégory Mar-don. «Vagues à l’âme», son premier livre sur son grand-père, annonce déjà les livres autobio-graphiques à venir (et les autres). Cette année, je publierai le onzième livre de Grégory, «La femme papillon» qui raconte l’histoire d’une super héroine de comics et qui met en scène son auteur, Greg, et son éditeur, un certain Sébastien…
Dupuy & Berberian sont les parrains de la collection : Charles me fait découvrir Seth dont nous publierons «La vie est belle malgré tout». Bilingue dans l’âme, je lui dirai que son livre est «abso-lutly terrible…» (hum…). Ils y réaliseront un épisode de «Monsieur Jean», «La théorie des gens seuls» et surtout, ils deviendront à leur demande les éditeurs de la collection après mon départ !
par Sébastien Gnaedig