Chapitre 19 : Bernard Hislaire
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
Je reçois un appel de Bernard Hislaire un matin qui me propose de déjeuner avec lui.
Je l’ai rencontré quelques années auparavant aux éditions Delcourt, alors qu’il venait proposer «Les mémoires du XXeciel» et le courant était bien passé. Il faut dire que depuis longtemps je suivais sa carrière, appréciant ses différentes mues artistiques, de «Bidouille et Violette» à «Sambre», qui lui faisaient changer l’orthographe de son nom. Depuis mon départ, le projet était sorti chez Delcourt. C’est le but de ce déjeuner : Bernard souhaite savoir ce que je pense sincèrement des deux livres qui sont parus, «Introduction au XXe ciel» et le tome 1 des «Mémoires du XXe ciel». J’ai toujours choisi de dire ce que je pensais de leur travail aux auteurs, aussi prestigieux soient-ils. C’est plus honnête et c’est une marque de respect. Je passe l’heure suivante à démonter le projet dans sa forme et dans les choix éditoriaux qui ont été faits, notamment la publication de cette introduction qui à mon sens ne sert pas à grand-chose sinon freiner l’envie de se plonger dans l’histoire proprement dite.
Car je trouve le récit très ambitieux et très original. Bernard écoute sans broncher. À la fin il me dit : «c’est exactement pour toutes ces raisons que j’aimerai que tu reprennes le projet. Si tu acceptes, je me charge de convaincre Delcourt…». Je passe sur les temps de négociations houleuses, je convaincs de mon côté Fabrice Giger de racheter la série.
Je propose alors à Bernard une chose inédite : nous oublions l’introduction (que nous avons pourtant racheté) et nous allons remonter complètement le tome 1 et mettre, en attendant, la suite très avancée. Je veux lui montrer visuellement ce que j’ai en tête, sachant que je peux m’appuyer pour cela sur le talent de Didier Gonord, mon vieux complice. Didier est le directeur artistique de la maison. Il a pour moi révolutionné la façon de penser les couvertures de bande dessinée et c’est un as de l’informatique.
L’ambition du projet, très moderne, est de jouer sur 3 temps du récit. L’idée est de les rendre très distinctes, en passant d’un montage bd à une narration beaucoup plus éclatée… Nous passons plusieurs semaines à remonter intégralement le livre pour le présenter à Bernard avec un peu d’appréhension ! Mais Bernard valide quasiment tout et le tome 2 est monté sur ce modèle. Nait ce jour-là une relation passionnante et passionnée d’une complicité totale. Jamais un auteur m’avait permis de rentrer dans son récit, ne m’avait fait confiance à ce point.
Mon départ des Humanos sera un déchirement, nous nous retrouverons véritablement au lancement du Futuropolis. Il sera le premier à me dire oui pour cette relance, mais c’est une autre histoire !
par Sébastien Gnaedig