Chapitre 22 : Tardi
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
«Tu devrais travailler avec Tardi, vous allez vous entendre.» me dit un jour Enki Bilal alors que nous travaillons sur «32 Décembre» (Bilal a toujours eu le chic de trouver des titres intri-gants). J’adore l’œuvre de Tardi et je l’ai croisé pendant mon stage chez Futuropolis (j’y re-viendrai) mais je ne le connais pas. Et à cette époque, rencontrer un auteur n’était pas simple si vous n’aviez pas son téléphone : pas de mail, de réseaux sociaux (bon, Tardi ne les a toujours pas).
Bilal me propose de me le présenter. Rendez-vous est pris chez lui avant un dé-jeuner. Au restaurant, me voilà face à Bilal et Tardi… avec l’idée d’évoquer une possible col-laboration.
Tardi attaque, avec son inimitable accent parisien (que j’adore imiter, c’est plus fort que moi!) : «Bon, Les Humanos c’est très bien, mais moi je ne fais pas de science-fiction…». Je lui ré-torque que je ne l’imagine pas en faire et que ce serait intéressant de partir sur autre chose que ce qu’il fait pour Casterman… «Et dans quel style ?». Clairement, il me teste, avec un petit sourire… Je lui dis aimer le travail au fusain et lavis qu’il a utilisé pour ses illustrations de Cé-line… Je lui propose alors, comme mise en bouche, de rééditer «Polonius» qui est alors épuisé. Les rééditions, Tardi, ce n’est clairement pas son truc. «Les rééditions, c’est bien mais, la nou-veauté c’est mieux ! …
et puis aux Humanos vous aimez les trilogies non ?» Haha ! Me voilà en train d’imaginer travailler avec Tardi sur plusieurs livres !
Nous nous reverrons plusieurs fois avant de nous arrêter sur des adaptations de Manchette. De fait, Tardi commencera «Le petit bleu de la côte ouest» après mon départ des Humanos, suite à un différent sur le fonctionnement des éditions que j’aurai avec Giger.
Je retrouverai Tardi à mon arrivée chez Futuropolis 4 ans plus tard. Il sera l’un des premiers auteurs «historique» à me faire confiance et nous continuerons ensemble la publication des Manchette avec «La position du tireur couché». Tardi m’impressionne par son envie de «faire» de la bande dessinée. Une passion intacte, sa raison de vivre. Une page après l’autre, à ré-soudre les problèmes de documentation, de narration, d’adaptation…C’est un privilège de pouvoir côtoyer ces moments de création.
par Sébastien Gnaedig