Chapitre 34 : La relance de Futuropolis (1)
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
La relance de Futuropolis est une surprise. Elle découle de la rencontre de deux hommes aux parcours très différents : Antoine Gallimard et Mourad Boudjellal. Le premier a racheté Fu-turopolis en 1987 alors que la maison connaissait des difficultés financières… au moment où Tardi souhaite illustrer « Le voyage au bout de la nuit». En 1994, Étienne Robial, son fonda-teur, quitte Futuropolis pour se consacrer à Canal + dont il est le directeur artistique. Pendant 10 ans, la maison va rester en sommeil, à l’exception d’une première tentative à la fin des an-nées 90, d’associer un écrivain et un dessinateur de renom, le temps d’un ouvrage : «La dé-bauche» de Tardi et Pennac et «La boîte noire» de Ferrandez et Benacquista. Ces deux livres sont des succès mais cela ne fait pas un programme… En 2004, Mourad Boudjellal, fondateur des éditions Soleil, propose de racheter la «belle endormie». Mourad connaît bien Futuropolis car son frère Farid y a publié plusieurs ouvrages. Futuropolis n’est pas à vendre mais les deux hommes s’associent pour la relancer ensemble, Mourad apportant sa force de diffusion dédiée à la bande dessinée, Delsol.
Je connais Futuropolis, pour y avoir fait mon stage de fin d’étude pendant l’été1989. Je travaille notamment sur les maquettes de la collection Futuropolis/Gallimard : «Le procès-verbal» (Le Clézio/Baudoin), «Le double» (Dostoïevski/Götting), «Casse-pipe» (Céline/Tardi.) Par ses choix radicaux, ses formats hors normes, Futuropolis a marqué de son empreinte les années 70 et 80, à la marge des grandes maisons dont elle publie, entre autres, les histoires parues initialement dans les journaux non reprises en albums. Sa place à part sera un modèle pour la plupart des maisons d’éditions «indépendantes» comme L’Association ou Cornélius qui vont se créer au moment où Futuropolis va s’arrêter.
Il est bien évident que la relance de cette maison mythique, 10 ans après le départ de son fon-dateur, avec comme co-actionnaire le patron des éditions Soleil, est attendue au tournant… je ne mesure alors pas à quel point…
Quand je rencontre Robial, je comprends qu’il ne peut envisager une reprise après son départ. Les auteurs «historiques» que je contacte sont d’ailleurs très divisés sur la question. La posi-tion de Florence Cestac me semble juste : «Ce n’est plus mon histoire, donc soit tu fais de la merde et je le dirai, soit tu fais des bons livres et je les lirai.» Elle finira, le tumulte passé, par raconter en bande dessinée sa «véritable histoire de Futuropolis».
par Sébastien Gnaedig