Chapitre 37 : Pascal Rabaté
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
«Y’a quoi devant quand tout est derrière ?» C’est le thème des «Petits ruisseaux» que m’envoie Pascal Rabaté. Une simple note d’intention qui tient en une page : quel est le sens de notre existence alors que se joue le dernier acte ? Pascal aborde avec beaucoup de finesse et de drôlerie cette question existentielle. Il me prévient, à sa manière : « Je vais pas raconter grand-chose, alors j’ai besoin de place !»… Méditez cette phrase, car elle m’accompagne depuis. Pour être juste, pour éviter les clichés, il faut pouvoir déve-lopper les situations et les personnages dans toute leur complexité.
Pour y arriver, il n'hésite pas à faire et refaire les mêmes planches pour que la moindre atti-tude soit la plus lisible possible. Autour de son bureau s'accumulent ainsi les différentes versions ! Je ne sais plus si j’ai déjà dit qu’une collaboration privilégiée commence avec un grand livre, alors celle que je noue ce jour-là avec Pascal est exceptionnelle ! D’autant que l’auteur se double d’un bon compagnon, souvent facétieux !
Après le succès des «Petits ruisseaux,» Pascal va alterner les livres seul ou en collaboration avec d’autres auteurs de talent : David Prudhomme, Simon Hureau, Kokor ou François Ravard ! Pour chaque auteur, il adapte son écriture et pourtant on reconnait toujours sa patte et sa capacité à croquer des situations quoti-diennes pour les rendre irrésistibles.
Un jour, il me fait lire son premier scénario de film, jamais tourné, «Le linge sale». On sent dans le scénario qu’il utilise tout ce qu’il ne peut faire en bande dessinée : travellings, gags sonores, tout y passe ! Mais il se déclare prêt à l’adapter si nous trouvons un dessinateur ; jusqu’au moment où un produc-teur lui propose de faire l’inverse : adapter «Les petits ruisseaux» au cinéma. Pascal saute sur cette occa-sion qui lui ouvre les portes du 7e art, un art auquel il a envie de se confronter. Le film sera aussi une réussite, avec la présence lumineuse de Daniel Prévost. Depuis, il alterne la bande dessinée et le tournage de films.
Dès lors, il n’a plus le temps de penser au «Linge sale»… après quelques semaines de tergiversations, je lui propose une collaboration inédite : j’adapterai moi-même et dessinerai cette histoire. Pour l’anecdote, je l’appelle en lui disant, un peu gêné : «J’ai un dessinateur très surprenant pour le «Linge sale», tu devineras jamais !» et lui de me répondre : «Qui ? Mœbius ?» J’avais l’air fin…
par Sébastien Gnaedig