Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ? Si oui, je me ferais violence mais je sais qu’un « tu » risque tôt ou tard de partir tout seul pendant que je nettoierai mon clavier…
Le «tu» simplifies les formules grammaticales, ça ne veut pas dire qu’on est copain
Merci bien.
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Non, ça n’intéresse personne, même pas moi
Enfant, quel joueur étais-tu et quels étaient alors tes jeux de chevet et quels sont-ils aujourd’hui?
Absolument pas. (on s’achemine vers l’interview la plus courte du monde)
Comment est née ta passion pour l’histoire ?
Difficile à dire, sans doute d’excellents profs au lycée avec lesquels je suis resté amis
Beaucoup te connaissent comme scénariste de bande-dessinée et j’avoue n’avoir réalisé que très récemment que j’avais découvert ton travail en cherchant fortune à bord d’un bateau pirate avec votre Capitaine Vaudou!
Comment es-tu tombé dans la marmite du Jeu de Rôle ?
Par le wargame !! Dans les années 80 le wargame arrive en France avant le jeu de rôle, notamment grâce aux articles de Manchette dans Metal Hurlant, s’engouffrant dans la brèche le jeu de rôle, principalement D&D arrive ensuite avec les premiers numéros de Casus Belli, j’y rencontre mon excellent ami Didier Guiserix et c’est parti, comme il faut bien vivre j’en fais un temps mon métier.
Quels étaient alors tes jeux de chevet ?
Diplomacy et ses dérivés, Avalon Hill produit à l’époque des wargames géopolitiques passionnants, Civilization, Russian Civil War par exemple
Si tu devais expliquer en quelques mots ce que le jeu de rôle à ma grand-mère, que lui dirais-tu?
Un truc extrêmement bizarre qui n’est pas à proprement parlé un jeu puisqu’il n’y a ni gagnant ni perdant, on se raconte des histoires et on invente un monde avec des personnages qu’on interprète, généralement il y a deux sortes de joueurs, des scénaristes manqués et des acteurs manqués, ensuite une bonne partie deviennent fous et s’habillent en chevaliers pour faire des grandeur nature, les cas les plus graves commencent à gambader dans les champs vêtus de collants moule-burnes, on est alors obligé de les abattre pour qu’ils laissent les vaches et les moutons tranquilles
Pradel, Dumas et Abgrall t’auraient adoré
Quels sont tes meilleurs et pires souvenirs de rôliste ?
La première fois où j’ai dû faire office de maitre de jeu dans une convention au pied levé (ce n’est pas le nom de la convention) sans avoir plus de deux lignes de scénario et en improvisant tout le reste. C’est aussi mon meilleur souvenir, à la fin.
As-tu encore le temps de vivre des aventures imaginaires en lançant des dés ?
Absolument plus le temps, mais est-ce vraiment qu’une question de temps ?
Devenir scénariste de BD étais-ce une autre façon de donner corps à vos récits imaginaires ?
Oui
Et pourquoi la BD plutôt que le roman ?
Le roman c’est un style plus qu’une histoire, je n’ai aucun style, et puis comme disait Gainsbourg serge, ne pas comparer un art mineur à un art majeur.
Abordes-tu de la même façon un scénario de JdR et un scénario de BD ?
Non. Voir plus haut, un meneur de jeu est un scénariste qui démarre, après on s’aperçoit que ça n’a aucun rapport et on apprend le métier (ou alors on fait du gran-deur nature voir plus haut)
La seconde édition de Capitaine Vaudou, motorisé par Simulacre, système élaboré par Pierre Rosenthal est actuellement en financement participatif sur Game on Table-top… Pourquoi avoir attendu si longtemps pour rééditer un JdR pourtant très recherché (comme le prouve les 450% atteints en quelques heures !)
Because je ne suis plus dans le jeu de rôle depuis 30 ans !!
Comment était né Capitaine Vaudou, jeu de rôle solidement documenté permettant aux joueurs d’incarner des pirates ?
Après la lecture du chef-d’œuvre de Tim Powers «Sur des mers plus ignorées» en 1998 suivi d’un autre chef-d’œuvre «Between the devil and the big blue sea» de Marcus Re-diker, ce n’est pas un roman, mais une étude historique qui révolutionne l’histoire de la piraterie en français ça s’appelle «Les Forçats de la Mer : Marins, marchands et pirates dans le monde anglo-américain (1700-1750)» et s’est paru aux éditions Libertalia.
Ensuite c’est une commande, Guiserix cherche un jeu pour sa collection de hors série, je lui propose il accepte, gentil Didier.
Quelles furent alors vos principales sources documentaires ? Quel ouvrage conseilleriez-vous aux joueurs désireux d’en apprendre un peu plus sur le contexte ?
Voir plus haut (Rediker et Powers) et méditons là-dessus :
« Maudit sois-tu, tu n’es qu’un lâche, comme le sont tous ceux qui accep-tent d’être gouvernés par les lois que des hommes riches ont rédigées afin d’assurer leur propre sécurité. Ils nous font passer pour des bandits, ces scélérats, alors qu’il n’y a qu’une différence entre eux et nous, ils volent les pauvres sous couvert de la loi tan-dis que nous pillons les riches sous la protection de notre seul courage. »
Charles Bellamy.
Comment définirais-tu le « vaudou » qui est au cœur du jeu ? Quelles fu-rent tes sources en la matière ?
Très intéressante question je te remercie de l’avoir posé. Qu’est-ce que le vaudou ? À la fois une croyance, une religion, des mythes, un art, une libération, de la magie ? Alfred Métraux, dans Le Vaudou haïtien, Paris, Gallimard, 1958 en fait une excellente synthèse c’est d’ailleurs ma source principale. Dans le jeu le vaudou s’impose à cause de la région Caraïbes et des pirates, on peut imaginer une extension qui se passerait plus au nord et on utiliserait alors les croyances iroquoises, ou en Europe la magie des sorcières, ou les mythes juifs d’Europe Centrale, le point commun de tout ça est de dire la magie fonctionne, mais qu’elle a été opprimée par les religions monothéistes dominantes.
Concrètement, que va apporter cette nouvelle mouture du jeu ?
Aucune idée
Vous n’êtes absolument pas partie prenante dans cette nouvelle édition ?
Bien sûr que si, mais dans la seule partie historique/magique, pour la partie règles c’est Pierre Rosenthal qui s’y colle
Qu’est-ce qui t’a donné envie de ressortir le pavillon noir pour une nouvelle aventure éditoriale ?
Une BD qui va sortir chez Delcourt et qui s’appelle … Capitaine Vaudou !
Peux-tu nous en dire plus sur cette BD à paraître en décembre chez Delcourt ? Est-ce un one-shot ou une série ? Qui en signera les dessins ?
Le dessinateur s’appelle Darko, voir la planche en pièce jointe, pour la sortie tu t’avances un peu, la malédiction du coronaV ayant frappé nos côtes on risque d’être retardé. Pour le moment il s’agit de 3 tomes, plus si affinités avec le public comme on dit.
Comment abordes-tu généralement un nouveau récit ? Par l’histoire proprement dite ou les par personnages qui la vivront ?
Presque toujours par l’histoire, mais il y a des exceptions, dans capitaine vaudou justement tout part d’un personnage du jeu : le baron mort lente
La malédiction du pétrole a été publiée peu avant le confinement. Dans cet album édifiant, vous retracez l’histoire du pétrole dans un récit somptueusement mis en image par Fred Blanchard. Comment est née l’envie de vous intéresser à l'excrément du diable, comme l’appelait l’un des fondateurs de l’OPEP ?
L’idée est de faire un genre de mook BD, on a commencé par le pétrole, mais on compte poursuivre par la drogue, l’eau, le dollar, les terres rares. Dans le principe tous ces sujets traversent le monde sans qu’on s’en rende bien compte et nous ont influencés à plein de niveaux, en faire l’historique et les remettre en perspective est passionnant (plus que la réponse qui est chiante)
Pourrais-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir ?
Oui, mais non, je suis superstitieux, on poursuit Jour J, Nevada, Histoire secrète, on commence l’histoire d’un de mes cousins pilotes en Indochine, on travaille sur une histoire des rois de France et une adaptation SF de la Retraite des 10 000, bref on s’occupe…
Aurais-tu un film, une série ou un bouquin à conseiller aux confinés que nous sommes ?
Bouvier Nicolas : L’usage du monde, deux suisses qui partent en Fiat Topolino dans les années 50 de Genève à la passe de Khyber, en ces temps de confinement y’a pas mieux. En 1950 on pouvait voyager de Suisse en Afghanistan avec pas un rond, en rencontrant des personnages sympathiques et des paysages superbes, comme quoi on ne regrette pas de ne pas être jeune…
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de coeur ?
Tales from the loop sur Amazon Prime, comme quoi également Amazon est notre ami
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Absolument pas, sauf peut-être le sens de la vie qui comme chacun sait est 42
Merci pour le temps que tu nous as accordé !