Alain David, le co-fondateur des éditions Rackham, rejoint Futuropolis dès 2005. Il vient, entre autres pour me seconder sur le suivi de la collection 32 qui prend son essor et qui demande pas mal d’attentions, mais surtout il ne vient pas seul ! Depuis des années il a une grande complicité avec de nombreux auteurs avec qui il a tissé une relation de confiance et qui sont, dès lors, partants pour l’y rejoindre : Alain Kokor, Troubs, Jean-Philippe Peyraud… mais aussi quelques auteurs américains parmi lesquels Joe Sacco.
Sacco, dont Alain a publié tous les livres en français, est l’inventeur de la bande dessinée de reportage telle qu’elle est pratiquée et développée ces vingt dernières années. Son influence est immense. Journaliste de formation, il a choisi le camp du subjectif en même temps que celui de la bande dessinée. Donner la parole à ceux que l’on n’entend pas. Pour se faire, il se rend sur place, que ce soit à Sarajevo, Gorazde ou dans la bande de Gaza, pour témoigner des drames qui s’y passent.
Son premier livre publié chez Futuropolis est un chef d’œuvre : «Gaza 1956». 424 pages denses, sur un massacre oublié datant de près de 50 ans, mais qui résume tout ce qui se passera ensuite. Joe passe plu-sieurs semaines là-bas, pour essayer de recueillir les souvenirs des survivants.
Lorsque je rencontre Joe, je découvre l’une des raisons de la force de ses ouvrages : c’est un homme com-plètement tourné vers les autres. Au bout de 10 minutes, alors que je le questionne sur sa vie et ses livres, il me coupe gentiment pour me demander où je vis, si j’ai des enfants… plutôt que de parler de lui il s’intéresse à la personne qui est en face de lui.
Lorsque je le questionne sur son style graphique, certes influencé par Crumb, et sur la nécessité de faire toutes ces lignes, ces hachures qui doivent lui prendre un temps fou, il me dira cette phrase qui le résume tout entier : «c’est une manière pour moi de rendre du temps à tous ces gens qui, en témoignant, m’en ont donné». Respect.
par Sébastien Gnaedig