Travailler avec José Munoz était un rêve, tant je considère que les livres qu’il a fait avec Carlos Sampayo, d’ «Alack Sinner» au «Bar à Joe», sont des chefs-d’œuvre de la bande dessinée moderne. Je me souviens être allé une année à Angoulême spécialement pour le rencontrer.
Ceux qui le connaissent, savent que cet auteur argentin, qui a dû quitter son pays à cause de la dictature et qui a vécu dans différents pays d’Europe, a développé un langage personnel où l’espagnol, l’italien, l’anglais et le français se mélangent joyeusement et qui, s’il s’avère un peu difficile à suivre (comme cette phrase alambiquée) est d’une poésie indiscutable, à l’image de cet homme chaleureux.
C’est avec un retour aux sources que je débute ma collaboration avec eux, par la biographie de Carlos Gardel. José souhaitera ensuite faire une pause avec la bande dessinée, qui lui demande trop d’énergie. Il me dira alors qu’il serait incapable de refaire des histoires aussi dures qu’ «Alack Sinner», tant il vit les situations en les dessinant.
Je lui propose alors d’illustrer un classique de la littérature et son choix se portera sur «l’Étranger» d’Albert Camus, rien de moins ! Il en fera une version très personnelle en don-nant le visage de Camus à Meursault, le personnage central du roman. Sur les deux romans qu’il illustrera, il va travailler étroitement avec Didier Gonord, qui est l’architecte de la relance de la collection Futuropolis/Gallimard, n’hésitant pas à donner une place prépondérante aux illustrations par rapport au texte original.
À bientôt 78 ans, José travaille principalement à la réédition de ses œuvres complètes un peu partout dans le monde. J’espère pouvoir quand même continuer à travailler avec lui dans les années qui viennent ! Sur un futur projet, lorsque je le questionnais sur sa motivation, il me répondit ceci : « bien, je suis très content, faire la mélange tragicomique sur l’ Histoire et les petites histoires dedans, melanger ses, les dessins comiques et tragiques peut me, nous, donner de l’entertainment-infotainement tolérable.»
par Sébastien Gnaedig