Chapitre 45 : Emmanuel Lepage
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
Je rencontre Emmanuel Lepage alors qu’il entame son premier grand récit en tant qu’auteur complet : «Muchacho». Il souhaite parler de l’engagement et c’est à la lecture du livre de Pisa-ni, «Muchachos», conseillé par Claude Gendrot, qu’il choisit de parler de la révolution sandi-niste au Nicaragua. Depuis «La terre sans mal», il a opéré une autre révolution, celle de la cou-leur directe, et c’est peu dire que ses pages sont splendides. Contrairement au livre précédent, il se rend cette fois sur place pour ressentir les atmosphères du pays.
Car Emmanuel est un grand voyageur. Et c’est son goût des voyages qui va l’amener à sa deu-xième «mue» en tant qu’auteur. Lorsque qu’on lui propose d’embarquer sur le Marion Du-fresne, pour aller sur les îles Kerguelen, c’est l’occasion pour lui, et pour nous, de réfléchir à une forme qui pousserait plus loin l’idée du carnet. «Voyages aux iles de la désolation» inau-gure ainsi des bandes dessinées mêlant dessins réalisés sur place et pages de bd élaborées chez lui une fois le récit construit. Cela lui permet de rendre au mieux ce qui le passionne le plus dans les voyages (au-delà des paysages magnifiques qu’il dessine comme personne), les ren-contres !
Emmanuel m’impressionne. Son goût de l’ailleurs et de la découverte le pousse à aller dans des endroits extrêmes comme l’Antarctique, ou… Tchernobyl. Son livre sur Tchernobyl est mon préféré. Car c’est peut être celui qui le dévoile le plus : envoyé par une association pour témoigner de l’état de la région 20 ans après la catastrophe, il découvre une réalité bien diffé-rente de ce qu’il attendait : loin d’un désert calciné, la végétation est luxuriante (même si elle est irradiée). Au-delà des carnets très colorés il revient avec des témoignages qui contredisent parfois le point de vue de l’association qui l’a envoyé sur place. Mais pour cet «honnête homme», s’il a défié sa peur d’aller là-bas, c’est pour être le plus juste possible. Ce livre est aussi traversé par une peur plus grande encore : celle de ne plus pouvoir dessiner car il part en ayant une tendinite qui fera évoluer sa manière de dessiner. Fini la dureté de la plume… vive la souplesse du pinceau ! Par ses voyages extrêmes il est aussi devenu le meilleur dessinateur avec des moufles !
par Sébastien Gnaedig