Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Parler de moi comme ça, la question la plus difficile en première.
J'ai donc 27 ans aujourd'hui. Après un bac littéraire, à 18 ans, je suis allé faire l'école Pivaut à Nantes pendant 4 ans, après avoir été diplômé en section Bande-dessinée, j'ai rapidement été repéré par une association spécialisée dans la bande dessinée qui aide les jeunes auteurs à démarrer. Elle faisait aussi galerie d'art, j'ai donc pu commencer à vendre quelques illustrations originales et aussi rencontrer des gens du milieu de la bande dessinées.
Ils étaient là aussi en tant que "coach" et m'ont beaucoup aidé pour commencer à démarcher des éditeurs. Et donc en 2017 j'ai été remarqué par Sarbacane pour travailler sur mon premier projet professionnel, l'illustration d'un Roman écrit par Marie-Catherine Daniel, Les Aériens. À la suite de ça j'ai signé avec Sarbacane pour ma première BD,
Après le Monde.
Et donc à côté de ça, je suis passionné de films d'animation, de Bande-dessinée mais principalement de jeux vidéo.
Pour ce qui est d'une qualité... je dirais persévérant peut-être, ce qui peut aussi aller avec un côté parfois têtu, mais j'essaye de ne pas trop l'être.
Quels ont tes derniers coups de cœur en matière de jeux vidéo ?
Récemment je suis tombé amoureux de la série de jeux Yakuza qui a débuté sur ps2 mais qui a eu droit à des remakes et remaster pour ainsi pouvoir jouer à toute la série sur ps4.
Et il y a plusieurs années maintenant j'ai pris une grosse claque avec le jeu Nier sur ps3 qui a eu une suite en 2017.
Enfant, quel lecteur étiez-vous et quels étaient vos livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupée une place de choix ?
Jusqu'à environ mes 18 ans, mes principales lectures étaient des mangas. Grâce à mes deux grands frères j'ai grandi avec
Dragon Ball,
Les Chevaliers du zodiaque,
Ken le survivant,
Nicky Larson ou
Cobra (je prend en compte les animés japonais aussi ). Bien que je ne sois pas de la génération Club Dorothée, j'ai eu ce bagage grâce à eux. Et ça m'ai resté longtemps ! Vers mes 11 ans j'ai commencé à lire mes propres mangas avec
One Piece,
Naruto et un peu plus tard Berserk (et pleins pleins d'autres !). Mais à côté de ça, avec mon père, je lisais aussi quelques BD franco-Belge,
Astérix,
Titeuf,
Gaston,
Spirou et
Le Petit Spirou, et d'autres BD aléatoire que je prenais à la bibliothèque.
A quel moment l’idée de devenir auteur de BD a-t-elle germée ? Un auteur en particulier a-t-il suscité votre vocation ? Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Depuis le collège je pense... Je disais aux professeurs que plus tard je voulais être Mangaka. Un auteur en particulier je ne pense pas... j'aimais juste dessiner en fait. Et peu importe le métier si je dessinais j'aurais été content.
Mais lors de mes études à l'école Pivaut, pour la deuxième année, il fallait choisir une spécialisation. D'un point de vue totalement pécunier, je voulais aller en animation, me disant que ce serait plus simple de trouver du travail. HEUREUSEMENT je n'avais pas le niveau requis et je suis allé vers mon deuxième choix : la bande-dessinée... et c'était vraiment la meilleure chose qui aurait pu m'arriver !
Parcours du combattant... je ne sais pas mais comme dit plus haut j'ai eu de la chance de rencontrer cette association qui m'a beaucoup aidé. Et donc j'ai pu être beaucoup soutenu par eux, ma famille et mes amis qui ont cru en moi puis Sarbacane ensuite.
Quelles sont pour vous les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Pour être franc je ne pense pas avoir l'expérience nécessaire pour répondre à cette question...
Après le Monde est ma première BD ( en espérant qu'il y en ait d'autres )... Peut-être il faudra me reposer cette question dans 10 ans.
Le rendez-vous est pris
Après le Monde, devait se retrouver sur les étals à la mi-mai mais, confinement oblige, le voilà reporté à fin août… Comment vis-tu le report de la publication de ton premier album ?
Evidemment je suis un peu triste, après environ 2 ans et demi de boulot je voulais qu'elle sorte ! Mais c'est une situation exceptionnelle et donc je fais avec. Je me dis que ce n'est qu'un simple report et qu'elle sortira de toute façon. Aussi je fais totalement confiance à Sarbacanne pour gérer ça au mieux...
Comment est né ce récit aussi déstabilisant qu’envoûtant mettant en scène un gamin perdu dans un monde déserté de ses habitants ?
C'est en 2013, il me semble. À l'école Pivaut, on avait un cours pour nous apprendre le story-board (notre professeur était Alexandre Ulmann, aussi connu sous le nom de Malec). Et un jour on devait faire un exercice : faire un story-board en fonction d'une maison d'édition. Je ne me rappelle pas des autres... mais moi j'avais choisi Kazé et donc je devais faire un story-board d'au moins 3 pages qui se passe dans un lycée. Ainsi, j'ai fait ce personnage avec son gros sac ui se balade dans un monde vide et qui termine sa route dans un lycée qui tombe en ruine et là il tombe sur une jeune fille aux cheveux blancs. Et j'avais bien aimé j'ai donc poussé l'idée, j'ai repris mon story-board et je l'ai finalisé pour ensuite le montrer à des éditeurs avec un scénario plus avancé.
Evidemment je me suis inspiré de beaucoup de choses ! Que ce soit les films tels que
Princesse Mononoké,
Le voyage de Chihiro ou
La Route. Des jeux vidéo comme
Fragile Dreams (grosse inspiration là),
The last of Us ou
Ico.... et pleins pleins d' autre choses auxquelles je ne pense pas là.
Peux-tu en quelques nous faire le pitch de l’album ?
Héli, un jeune garçon timide et peureux se retrouve du jour au lendemain seul au monde après l'apparition d'immenses tours à travers le Monde. Un jour, où il ne supporte plus cette solitude qui le rend fou, il décide de partir vers une de ces tours qui se dressent à l'horizon.
Oscillant entre drame et poésie, l’album est graphiquement tout juste somptueux. Pourquoi avoir opté pour un usage si discret de la couleur qui renforce l’aspect irréel de certaines scènes ?
D'abord, merci beaucoup pour le compliment, ça fait plaisir.
Pendant mes études, j'avais beaucoup de mal avec la couleur.. C'était loin d'être mon point fort (et d'ailleurs je pense que ça ne l'est toujours pas). Et donc lors d'un stage chez l'auteur Jérémie Almanza, pour qui j'ai eu un vrai coup de cœur niveau dessin et qui m'a beaucoup inspiré. Il m'a conseillé, tout simplement, de coloriser mes planches aux crayons avec photoshop, il m'a montré comment faire. Au début, j'étais très perplexe car je n'avais jamais pensé à faire ça en fait. Mais à l'évidence c'ést ce qui était le mieux ! J'ai donc continué dans cette voie là après ce stage.
De plus ce côté peu coloré fonctionne bien avec ce monde vide, et sans vie je trouve. L'idée d'un monde qui s'est figé dans le temps.
Oui, c’est parfaitement raccord avec le propos….
Comment as-tu élaboré l’apparence de Héli ? Est-il passé par différents stades avant de revêtir celle qu’on lui connaît ?
Il a certes évolué mais pas tant que ça...
J'avais pensé à lui mettre une sorte de casque/ casserole sur la tête pour renforcer son aspect craintif du monde extérieur, mais je me suis dit que ça allait être galère de dessiner ça durant toute la BD... Et on perdait le mouvement de ces cheveux pour certaines scènes, ce qui d'ailleurs n'était pas prévu non plus, je me disais que ce n'était pas dans son style de se couper les cheveux alors qu'il est tout seul.
La chose qui n'a absolument pas changé c'est son gros sac un peu absurde d'une couleur vive ( "vive" étant relatif étant donné le peu de couleur dans la BD). D'un point de vue pratique, c'est qu'il soit facilement repérable parmi les décors comme pour les cheveux blancs de Selen, mais aussi parce que je trouve ça joli. Globalement les deux personnages sont faits pour être repérés facilement lorsqu'ils sont perdus dans les décors, d'où des vêtements assez contrastés... Du moins c'est sur quoi j'ai tenté d'aller.
Du synopsis à la planche finalisée, peux-tu nous expliquer les différentes étapes de son élaboration ? Quels outils utilises-tu ?
Après le Synopsis, j'ai écrit toute l'histoire scène par scène, de manière la plus descriptive possible. À partir de là je me lance sur le story-board. Une fois que le story-board est validé par mon éditeur je me lance sur la finalisation des planches. Et une fois toutes les planches finalisées je me suis occupé de la mise en couleur. La partie la plus longue était évidemment la finalisation des planches..
Donc c'est vraiment étape par étape.
En ce qui concerne mes outils, je suis sur des crayons à papiers et des mines de plomb tout ce qu'il y a de plus basique...du 4h au 6B. Quelques estompeurs et pas mal de gommes. La gomme mie de pain et la gomme électrique sont mes meilleures amies. Et quelques touches d'encre blanches pour relever certaines choses et où les gommes ne sont pas assez précises.
Pour les néophytes, quelle est la différence entre une gomme ordinaire et une gomme mie de pain ? Quel est l’avantage de la gomme électrique ?
Une gomme mie de pain est une gomme malléable qui ressemble un peu à de la pâte à modeler. Elle gomme moins bien qu'une gomme ordinaire, ce qui me permet globalement de faire des effets avec les nuances de gris.
Pour la gomme électrique, elle va simplement gommer très très bien certaines zones bien précises que je vais avoir besoin de faire ressortir.
Sur quel format de planche travailles-tu ?
Pour Après le Monde j'ai travaillé sur un Format A3.
Quelle étape te procure le plus de plaisir ?
Je pense que je vais répondre quelque chose d'assez basique... mais chaque étape a son propre plaisir.
Le story board où l'histoire se met en scène.
La finalisation des planches où on voit cette mise en scène se concrétiser.
Et enfin la couleur qui donne l'ambiance puis... la planche enfin finie.. C'est assez plaisant.
Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes, afin de mieux comprendre ta façon de travailler ?
1 D'abord c'est un premier jet, généralement sur un format A5 où je suis le seul à comprendre ce qui se passe ( même si parfois j'oublie et je ne sais plus ce que j'ai voulu dessiner )
2 Le story-board un peu plus propre, ou j'essaye d'accentuer les émotions quand c'est important. Il faut aussi qu'il soit suffisamment propre pour être lu par d'autres personnes. À cette étape je pose aussi plus clairement les textes pour mieux construire les cases.
Là normalement il faudrait une autre étape où c'est le dessin au trait avant de finaliser en nuances de gris. Mais la BD étant finie... Je n'ai plus de planches comme ça.
3 Donc la planche en niveau de gris, tous aux crayons. Et possiblement de toutes petites touches d'encres blanches.
4 Enfin la mise en couleurs et les bulles. Tout cela avec Photoshop.
Dans quelle ambiance sonore travailles-tu habituellement ? Silence monacal ? musique de circonstance ? radio ?
Je dirais que ça dépend de l'étape, pour le scénario et le story-board je travaille souvent avec de la musique, car ça me demande pas mal de réflexion.
Une fois que le story-board est fait, je n'ai plus de questions à me poser, il n'y a donc plus qu'à faire.
Et à ce moment je mets souvent en fond une série, un film ou des let's play sur Twitch. Ce qui crée pour moi une sorte de présence quand je travaille, quelque chose que j'aimais beaucoup lors de mes études, où on travaillait dans une salle de classe et ça discutait plus ou moins tranquillement.
Y a-t-il un dessinateur ou un illustrateur que tu rêverais de rencontrer ?
Pour être franc, je ne lis pas tant de BD que ça. Surtout depuis que j'ai commencé à travailler sur Après le Monde, j'avais beaucoup de mal à lire d'autres Bande-dessinées, c'était devenu très rare. Quand j'en lisais, j'analysais beaucoup trop et me comparais, j'y prenais donc beaucoup moins de plaisir. Mais récemment j'ai pu m'y remettre et ça va beaucoup mieux.
Et donc pour répondre à la question... j'avoue n'avoir aucun nom qui me vient en tête comme ça.
( D'un côté on dit souvent qu'il ne faut pas rencontrer ses idoles et c'est peut-être tant mieux ).
Peux-tu nous parler en quelques mots de tes projets présents et à venir ?
Au moment où je réponds à cette question, je n'ai pour l'instant pas de projet précis ; plus des pistes de projets. Que ce soit adaptation de livre, travailler avec un ou une scénariste ou bien un nouveau scénario que j'écrirais. Je serais d'ailleurs particulièrement tenté pour une histoire d'horreur fantastique.
Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Un de mes dernier coup de cœur est un groupe de musique qu'on m'a fait découvrir:
Stuck in the Sound, qui m'a pas mal accompagné sur la fin de la BD.
Sinon en film :
Hérédité, un film d'horreur qui m'a vraiment beaucoup plu ! Typiquement le genre de scénario sur lequel j'aimerais travailler.
Aurais-tu une œuvre en particulier (bouquin, série, film, jeu, musique…) à conseiller à nos lecteurs pour rompre la monotonie du confinement ?
Il y a tellement de possibilités.. N'importe quoi qui peut passionner en fait. Quelque chose de bien chronophage dans l'idée aussi. Pour ça les jeux vidéo sont pas mals ! En ce moment je découvre enfin le dernier
Zelda : Breath of the Wild et pour le coup ça fonctionne assez bien avec son monde immense qui pousse à explorer comme un fou.
Sinon je pourrais bien conseiller le manga
Berserk, bien que ce ne soit pas forcément joyeux. C'est pour moi une histoire et un univers tellement prenant et fou qu'elle fait oublier tout le reste.
Malheureusement l'œuvre n'est pas encore finie, et donc une personne qui s'y met maintenant ne pourra connaitre que la frustration de ne pouvoir lire qu'un un tome tous les ans ( voir tous les deux ans).
Quand sonnera l’heure du déconfinement, que feras-tu en premier ?
Si c'est possible, voir ma famille et mes amis.
Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Là tout de suite, je n'ai rien en particulier à ajouter.
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…
un personnage de BD: Scott Pilgrim
un personnage mythologique: Icare
un personnage de roman: Meursault dans L' étranger
un personnage de jeu vidéo: Un dresseur de Pokémon
une chanson: Un mélange de Dust in the Wind de Kansas et Don't Stop Me Now de Queen
un instrument de musique: Le piano
un jeu de société: Le Uno
une découverte scientifique : Alors là, aucune idée !
une recette culinaire: Une raclette
une pâtisserie: Une tartelette à la fraise
une ville: Pas de nom précis en tête, mais je dirais une petite ville de campagne, avec son marché, son petit bar. À quelques kilomètres de la grande ville.
une qualité : Gentil (du moins j'essaye, sauf quand je joue à Mario Kart )
un défaut: Naïf
un monument: Le manneken-piss
une boisson: Une bière fraîche
un proverbe : aucune idée qui me vienne naturellement là aussi
Un dernier mot pour la postérité ?
Merci beaucoup pour ce premier entretien fort sympathique, une première expérience pour moi.
Sinon tout ce que je peux souhaiter là (mis à part qu'on puisse sortir de chez nous ), c'est que Après le Monde plaise à un maximum lecteurs lorsque ce sera disponible.
Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !