Un dimanche de février 2015, Alain David m’appelle pour me parler d’un projet hors normes… Luz, qui a survécu à l’atroce attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, souhaite faire un livre sur le sujet tant cela lui pèse. Un livre cathartique, brûlant, à chaud. Il veut le faire vite et le sortir tout aussi rapidement. Il a pensé à nous car il parle depuis quelque temps avec Alain sur autre chose et le courant est bien passé entre eux. Il a confiance en lui et besoin d’avoir quelqu’un qui lui apportera le recul nécessaire qu’il ne peut avoir sur ce livre. Alain m’envoie les 10 premières pages : c’est un choc. Puissantes, sensibles, drôles aussi, elles pren-nent à la gorge… il faut faire ce livre ! Rendez-vous est pris dès le lundi matin. Pas simple quand on sait qu’alors il est l’un des hommes les plus protégé de France ! Pour la petite his-toire, nous devons nous retrouver dans un bar près de chez Alain David… en arrivant, les forces de sécurité sont impressionnantes car… il y a déjà dans le même café Patrick Pelloux qui donne une interview ! Il y a plus de policiers que d’habitués ! Nous partons dans un café un peu plus loin, escortés par les forces de sécurité, c’est une drôle de sensation.

Luz réalise le livre en quelques semaines et nous bousculons tous les plannings pour sortir le livre en mai. Le résultat est un condensé d’émotions contradictoires, on en sort bouleversé. Il sera le premier d’une série de témoignages tous plus émouvants («La légèreté» de Catherine Meurisse, «Le lambeau» de Philippe Lançon…)

Luz entame avec ce livre ce qu’il appelle sa nouvelle carrière. Fini le dessin de presse, il se lance dans la bande dessinée : son livre suivant montre toute son inventivité graphique et nar-rative et est pour moi l’une des plus belles adaptations d’un roman : «Ô vous, frères humains» d’Albert Cohen. D’une logorrhée verbale que je n’imaginais pas en images, il livre justement une bande dessinée quasi muette qui nous fait ressentir toute la douleur de l’écrivain, qui ra-conte dans ce livre sa découverte de la haine et de l’antisémitisme à l’âge de 10 ans. Il revien-dra ensuite sur la vie de Charlie Hebdo en dressant un portrait magnifique de Cabu.

par Sébastien Gnaedig