Je me permets un (grand) retour en arrière pour dire un petit mot de Cabu, en écho à l'épisode précédent.

En 1989, après un stage chez Albin Michel BD, Annie Pastor, qui s’occupe de l’édition, me propose de faire la maquette intérieure d’un livre qu’ils ont en préparation : «Les interdits de Cabu». Je comprends que c’est assez urgent (Hervé Desinge, le rédacteur en chef de L’écho des Savannes, donne à l’édition un rythme de presse). Jérôme Duhamel, qui présente ce livre, a préparé des enveloppes avec des dessins triés par thèmes. À moi d’organiser cela. Je vais pas-ser une semaine sur place à faire un montage en photocopies. À la fin de cette semaine, Cabu vient une journée pour la valider. Je découvre un homme exquis, d’une très grande gentillesse, qui accepte sans barguigner (spéciale dédicace pour Claude) de compléter les dessins lorsque la maquette l’exige, à tel point que j’ai cru que c’était normal ! Il en profite pour refaire quelques visages qu’il trouve moins réussi, lui qui est pourtant si doué pour les caricatures. Il y avait une sorte de force tranquille chez lui : Cabu se moquait de tout, n’hésitait pas à remuer le couteau dans toutes les plaies, rien ne l’arrêtait, sans se départir d’une extrême courtoisie et de son sourire. Alain David en parlerait mieux que moi lui qui a longtemps travaillé avec lui, car ce fut ma seule expérience avec lui et d’ailleurs la seule ma-quette de ma vie ! je me suis demandé pourquoi Annie Pastor avait fait appel à moi pour en arriver à la conclusion que je devais être le plus disponible !

J’ai retrouvé le Cabu que j’avais rencontré dans le portrait magnifique de Luz dans «Indélé-biles». Je crois qu’il a vraiment su saisir la personnalité de cet homme hors du commun dont la disparition brutale laisse un grand vide.

par Sébastien Gnaedig