Joseph Béhé, Mon parcours & les étudiant.e.s.
Donc, après 14 années en « chargé de cours » (et donc 14 recrutements et 14 licenciements), je suis enfin prof en CDD (puis CDI 6 ans plus tard). C’est Byzance!
Je peux enfin « voir venir ». Les gens ne s’imaginent pas qu’un prof puisse mettre 14 ans à devenir prof et 23 ans à devenir titulaire… et je ne suis évidemment pas le seul dans mon cas.
Comme 15 ans plus tôt où un best seller m’avait permis de tenter l’aventure de l’école en ligne, () ce « poste enfin stable » va me donner l’envie de faire une nouvelle expérience…
A l’époque j’ai commencé à me passionner pour l’anthropologie et les croyances. Je me suis dit que je pourrais peut-être adapter des travaux de recherches un peu pointus et faire comprendre à des lecteurs de BD quelques mécanismes en oeuvre dans les croyances. Genre répondre d’une nouvelle manière, même partiellement à des questions vieilles comme le monde comme : « Pourquoi tant d’humains croient dans les esprits, les dieux ou en un créateur unique? Qu’est ce qui se passe dans leur cerveau pour qu’ils acceptent des animaux qui parlent? des ancêtres qui reviennent les hanter? ou des Dieux qui les observent et les punissent s’ils leur désobéissent?… et aussi pourquoi la violence et le fanatisme?».
Je savais que ce travail serait très long (j’ignorais quand même qu’il me prendrait 10 ans), qu’il serait difficile et que même si je suis publié dans une maison d’édition reconnue qui me versera des à-valoirs, celle ci ne pourra jamais me payer plein pot pendant autant d’années…
Après la mise au point d’un dossier solide, Sebastien Gnaedig me fait confiance et je signe chez Futuropolis. La plume au vent et une motivation du feu de dieu, je fonce dans l’inconnu.
Rapidement je me rends compte que ce travail va me transformer. Jamais je ne pourrai refaire de la BD comme j’en faisais avant. Et tout aussi rapidement je me rends compte que ça transforme ma manière de faire cours. Aujourd’hui j’intègre plusieurs chapitres de mon livre dans le cours de scénario.
Là je fais un aparté : Les anciens étudiants pensent toujours connaître l’école où ils ont fait leurs premiers apprentissages… Ils parlent des Arts Décos de Strasbourg (aujourd’hui la HEAR) ils pensent très bien pouvoir en parler, eh bien oui, ils l’ont fréquentée pendant des années, pardi!… Mais est-ce bien la même école?
On peut dire que tous les 5 ans ou presque tout change… Les étudiants changent très vite, surtout ce qu’ils savent faire avant d’arriver, et puis ce qu’ils pensent de la BD de l’Illustration, ce qu’ils pensent devoir être un apprentissage, un prof, une école. De ce fait ils la transforment.
Pour exemple, il y a 20 ans quand un prof entrait dans l’atelier, tous les étudiants l’attendaient sagement. Aujourd’hui, il se peut très bien que la salle soit vide… et c’est vous qui devez vous remettre en question, revoir votre pédagogie, comprendre ce qu’attendent vos étudiants, leur faire comprendre quel est l’intérêt de votre cours. Ca peut être assez vertigineux.
Les profs changent aussi. L’expérience accumulée les fait revoir leurs certitudes, les cours s’usent, leur façon de parler à leurs élèves soudain ne fonctionne plus… L’équipe pédagogique change…
La direction et le "management" de l’école change… les lois qui régissent les études changent… On est ainsi passé d’un " diplôme municipal" en 5 ans, délivré par les profs à un double diplôme : un Diplôme national d'art en 3 ans, puis un Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique valant grade de Master délivré par un jury extérieur…
Bref, quand des anciens étudiant.e.s parlent de l’école, bien souvent ils parlent d’une école qui n’existe plus depuis longtemps.
Et bien souvent, comme par réflexe, ils regrettent les changements… En fait ils regrettent le bon vieux temps où ils étaient jeunes et insouciants.
> Fin de l’aparté
Je vous fais grâce du concours de fonctionnaire que j’ai fait l’été dernier. Celles et ceux qui ont passé un concours à 57 ans me comprendront. j’en ai encore des suées froides.
J’ai tout de suite pensé que, pour bien se figurer le stress des concours qu’on impose aux jeunes, on devrait toutes et tous s’en refaire un de temps à autres.
Voilà, j’espère que ces quelques souvenirs vous auront intéressé. Moi en tous cas, je redis encore un immense merci à toutes les étudiantes et les étudiants qui m’ont fait l’amitié de venir dans cet atelier magique.
JOUR 8 : de brillants étudiants encore qui sont passé à Strasbourg
Clément Paurd, Simon Lamouret, Marion Fayolle, Adrien Parlange, Jérémie Ficher, Marine Rivoal, Simon Roussin, Baptiste Virot, Jerome Dubois, Léo Marret, Roxane Lumeret, ...
Je continuerai à en citer de temps à autres car j’en ai oublié tellement!
Je vous invite, pour celles et ceux qui ne les connaissent pas encore à découvrir leur travail!
par Joseph Béhé