Chapitre 48 : Profession du Père
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
Dès que j’ai fini la lecture de «Profession du père», le roman de Sorj Chalandon inpiré de son enfance sous la coupe d’un père mythomane et violent, je pense à l’adapter. Pourquoi cette histoire me fait-elle un tel effet ? Encore aujourd’hui, j’ai du mal à me l’expliquer !
Je sens que je peux utiliser tous les outils de la bande dessinée, en supprimant notamment tout narratif (j’en garde un, qui se trouvera être le même que Sorj voulait conserver). Le récit est introspectif, nous sommes dans la tête de l’enfant, je vais montrer sa vie et ce sera au lecteur de ressentir ses pensées. C’est un roman de souvenirs et les époques se suivent parfois au gré de la plume, je dois les choisir et les trier pour les remettre dans un ordre chronologique. Pour vérifier si mes contraintes sont viables, après avoir relu le roman pour faire les repérages et ré-fléchir au «casting», je commence le découpage dessiné, mon étape préférée. Très vite, je trouve mon rythme et au bout de quelques semaines, j’en suis au tiers du livre.
Il se passe alors une coïncidence magique : lors d’une de nos réunions éditoriales, Claude Gendrot nous annonce qu’il a été contacté par les éditions Grasset car un de leurs au-teurs aimerait travailler avec nous : Sorj Chalandon ! Stupéfait, j’explique à mes camarades que j’adapte justement son dernier roman. Rendez-vous est pris 3 semaines plus tard ; je ne peux y être, mais je prépare un dossier qui présentera 80 pages de découpage, soit la moitié du roman. Claude rencontre Chalandon sans savoir la raison de ce rendez-vous. En fait, il vient de céder les droits de deux de ses romans, il aime les livres de Futuro et trouvait intéressant de faire quelque chose avec nous… Sorj découvre alors ce projet inattendu et très avancé ! Ce sera la clé de son accord car alors il n’imagine pas voir des images sur son histoire douloureuse. Le lendemain, je reçois un texto de sa part. Il valide ! Dès lors, je vais découvrir un homme chaleureux, disponible (il m’indiquera tous les lieux de son enfance pour mes repérages), qui ira jusqu’à m’accompagner en tournée promotionnelle pour défendre le livre dans toute la France (et c’est un orateur hors pair, capable de captiver les foules) ! C’est aussi un papa poule qui se transforme en chasseur de Pokémon pour sa fille quand il est en vadrouille, il n’y a pas de fatalité.
par Sébastien Gnaedig