Chapitre 49: Baru
30 ans d’édition, par Sébastien Gnaedig
«C’est le patron !» dit Étienne Davodeau. Et c’est vrai que Baru a inspiré de nombreux au-teurs après lui. Il fut le premier (ou l’un des premiers, après tout je ne suis pas exégète) à parler de la classe ouvrière, à parler du quotidien en bande dessinée.
Ce professeur de sport s’est mis sur le tard à la bande dessinée mais toute l’originalité de Baru est présente dans ses premières histoires. «Quequettes blues» raconte la vie d’adolescents ins-pirée de sa jeunesse dans sa Lorraine natale. Il obtient l’Alfred du premier album à Angoulême en 1985. Depuis, Baru n’a cessé de raconter le monde ouvrier, ses combats et ses désillusions.
D’origine italienne, Baru parle aussi de l’intégration des immigrés. En septembre 2020, il pu-bliera «Bella Ciao», un grand récit en 3 tomes, qui bouclera une trilogie commencée avec «Quequettes Blues», et «Les années Spoutnik». C’est un peu son «Stalag IIB» ! Comme Tar-di, il a mis longtemps à commencer ce projet, tournant autour, repoussant l’échéance, sentant bien qu’il s’agit là de sa dernière grande œuvre ! Heureusement, ce grand sportif a sauté l’obstacle et je peux dire que les pages livrées ont la même force d’évocation : l’écriture au scalpel, sans pathos, va droit au but.
Chez Baru, on est aussi dans une comédie italienne : les gens s’engueulent, crient, courent comme nulle part ailleurs ! C’est un dessinateur du mouvement, avec un sens du cadre et du déséquilibre qui est sa marque de fabrique.
Je le rencontre chez Dupuis avec Claude Gendrot où il publie «L’enragé». Il rejoint Futuropo-lis avec «Fais péter les basses, Bruno !», l’année où il obtient le Grand Prix d’Angoulême. Il y a organisé une visite privée de son exposition pour tous les copains de sa région, venus pour l’occasion, avec buffet campagnard… une manière pour lui de partager cet honneur avec ceux qui comptent vraiment. Dans classe ouvrière, il y a classe : et Baru est peut être aussi l’auteur le plus classe que j’ai rencontré. Toujours impeccable, il en impose (son autoportrait que je mets en illustration est son portrait de confinement d’où la chevelure !), J’aimerai avoir sa forme à son âge. Un prince.
par Sébastien Gnaedig